Le vinaigre balsamique de Modène : la guerre des contrefaçons

En Émilie-Romagne, terre sainte du parmesan et du vinaigre balsamique, on ne plaisante pas avec les produits du terroir. À Modène, on trouve la petite bouteille du précieux liquide noir dans toutes les maisons et on la cuisine à toutes les sauces : dans une salade caprese pour un assaisonnement classique et sans prise de risque, sur du parmesan pour ajouter une pointe d’acidité, mais aussi sur des fraises ou une boule de glace à la vanille, pour plus d’originalité. Certains Modénois, les plus gourmands sûrement, le consomment même tout seul en buvant quelques gorgées directement à la bouteille.
Ce vinaigre balsamique, surnommé « l’or noir de Modène », fait la fierté de la ville et de ses habitants depuis plusieurs siècles. En l’espace de 400 ans, dix-sept générations se sont succédées pour diriger l’acetaia Giuseppe Guisti, la plus vieille production de vinaigre balsamique de la péninsule.
Pas touche à l’or noir

Ce savoir-faire et cette histoire sont partagés par tous les producteurs de la région ; ils ont permis au vinaigre balsamique d’être officiellement reconnu par l’Union Européenne. Il en existe deux types, tous deux bénéficiant d’une appellation contrôlée depuis 2009 : l'IGP, Indication Géographique Protégée, et le traditionnel DOP (l’équivalent italien de l’Appellation d’Origine Protégée), vieilli au minimum 12 ans mais qui peut l'être jusqu'à 100 ans.

Le premier coûte une poignée d’euros, tandis que le prix d’une bouteille DOP de 100ml peut atteindre les 500 € ! Chaque année, le marché du vinaigre balsamique de Modène, dont 90% de sa production est exportée à l’étranger, représente un milliard d’euros à la consommation.

Mais depuis fin février, ça tourne au vinaigre entre l’Italie et la Slovénie, qui souhaite elle aussi utiliser le nom « vinaigre balsamique » pour sa propre production de vinaigre de vin. Un affront impardonnable pour les Italiens, qui y voient une attaque portée à la qualité du made in Italy. « C’est comme si on appelait ‘champagne’, un vin pétillant produit ailleurs qu’en Champagne ! », s'insurge Leonardo Giacobazzi, patron du Consorzio du Vinaigre Balsamique de Modène. La Commission Européenne rendra son verdict le 3 juin 2021. Elle a décidé de se laisser trois mois pour évaluer l’épineuse question.

Clémence Guimier