Le chocolat de Modica, le rocher qui résiste aux usines

C'est le premier chocolat au monde qui a ses papiers. Sa préciosité et sa fabrication artisanale, inchangée depuis son implantation en Sicile il y a 500 ans, ont conduit le très réputé chocolat de Modica à être désormais enveloppé dans un emballage "pucé". Ce passeport numérique permet d'éviter la contrefaçon, en rendant chaque barre de 100 grammes traçable.

S'il est si bien protégé, c'est que ce chocolat a une histoire aussi riche qu'archaïque. Quand ils débarquent sur les côtes de Sicile au XVIème siècle, les Espagnols apportent dans leurs bagages deux cadeaux précieux, tout droit volés aux Aztèques : des fèves de cacao et les outils pour les cuisiner. La méthode aztèque veut que l’on broie les fèves sur un plan de pierre, le matate ; dans la province de Modica, l’une des plus friandes de ce chocolat apporté par les conquistadores, on improvise. Ce sera avec des pierres volcaniques taillées, venues des pans de l’Etna.

Un temps réservé aux familles nobles siciliennes, qui l’invitent au moindre mariage sous forme de boisson, le chocolat se popularise au fil des siècles mais une constante demeure. Tandis que les régions et pays voisins cèdent l’un après l’autre à l’appel de la fabrication industrielle et à la production de masse, le mets brun de Modica reste artisanal. Le cacao jamais séparé de son beurre. Pour un goût long en bouche, intense et doux. Reportage de Stéphanie Desjars, Florence Crimon, Claudia Billi et J. Cordier.

L’info en + : En France, c'est Anne d'Autriche qui introduit les boissons chocolatées à la cour en 1615 – il faut attendre 1674 pour que le premier chocolat à croquer soit conçu à Londres. Peut-être trop bon pour être innocent, l'Église se demande s'il faut classer le chocolat comme aliment ou comme source de plaisir. En 1662, le cardinal Francisco Maria Brancaccio tranche. La boisson est déclarée "Liquidum non frangit jejunum", c'est-à-dire suffisamment maigre pour ne pas rompre le jeûne, et donc pour être consommée pendant le Carême.

Anne Donadini