Dans l'obscurité de la nuit, plusieurs hommes se tiennent prêts près des pistachiers. S'il le faut, un hélicoptère est prêt à décoller. Tous les deux ans sur les pentes de l'Etna, un impressionnant dispositif de sécurité laisse difficilement deviner que l'on protège ici... des pistaches. D'août à octobre, des troupes de policiers surveillent de l'aube à minuit trois mille hectares d'oro verde.
Bien qu'elles ne représentent qu'1% de la production mondiale, les pistaches du village de Bronte sont les plus chères du monde. Un kilo décortiqué coûte de 30 à 100 euros, soit le double du tarif proposé dans d'autres pays. Extrêmement convoitées par les voleurs qui agissent une fois la nuit tombée, les pistaches de Bronte sont sous haute surveillance depuis 2011 ; en 2009, 300 kilos avaient été dérobés (l'équivalent de 4500 euros).
La récolte se fait chaque année impaire : de ces arbres minces, capables de croître sur les terrains les plus escarpés, on récupère à la main 3000 tonnes de ces fruits vert rosacés. Séchées au soleil, elles peuvent ensuite être parfaitement conservées jusqu'à l'année paire, où la récolte n'aura pas lieu. L'Italie n'a pas à pâlir face aux dantesques productions de l'Iran, de la Californie ou de la Turquie : avec la ville voisine de Raffadali, elle produit à Bronte les seules pistaches AOC d'Europe. Zoom sur un fruit à coque qui fait l'objet de tous les casses, avec Alban Mikoczy, Florence Crimon et Louis Rayssac.
L'info en + : la "frastuca", en dialecte sicilien, a été amenée par les Arabes en 827, lorsqu'ils arrachent la Sicile aux Byzantins. Ils établissent la culture de la pistache sur les pentes de l’Etna. Le nom de ce fruit, déjà mentionné dans l’Ancien Testament, semble provenir de la ville syrienne de Psitacco. La légende veut qu'il ait été l’un des aliments préférés de la reine de Saba, qui en réservait la consommation à sa cour.
Anne Donadini