Matera, 1948. Dans la petite cité semi-troglodyte de Matera, 17 000 personnes vivent dans de petites grottes ou des maisons creusées à même le tuf, toutes accrochées les unes aux autres. Un lacis de ruelles et de marches serpente entre ces habitations nommées "sassi", juchées sur le plateau de Murge, au coeur de la région Basilicate.
Au coeur des grottes : pas d'électricité, ni de chauffage. On vit à quelques mètres du bétail, parqué au fond de la pièce, et l'on dort tous dans un unique lit. La cuisine est un chaudron ; la salle de bains un pot de chambre. À Matera, on est agriculteur, ouvrier, artisan ou petit commerçant. La même année, Palmiro Togliatti, co-fondateur du Parti communiste italien, qualifie le lieu de "honte nationale". Quatre ans plus tard, en 1952, une nouvelle loi ordonne l'évacuation progressive de chaque habitant en périphérie de Matera.
La renaissance d'une ville-fantôme
Pendant un quart de siècle, Matera s'éteint.
Pourtant, les Matéolans (c'est ainsi qu'on nomme les habitants) ont leur propre richesse, une montagne de traditions, de rituels et un indéfectible pouvoir de solidarité né de leur précarité. C'est ce qui leur permettra, dès les années 1970, de réhabiliter leur ville à pas de fourmis, de transformer leurs anciens taudis en hôtels de luxe, boutiques ou cafés-restaurants. Aujourd'hui, pourtant, deux tiers des sassi sont toujours la propriété de l’Etat.
Sacrée à l'Unesco puis Capitale européenne de la culture en 2019, Matera débute aujourd'hui une seconde vie. Tour d'horizon avec Anne-Claire Poignard, Florence Crimon et Claudia Billi.
L'info en + : Depuis de longues décennies, Matera et ses pierres attirent les grands noms du cinéma. Des années 1950 à nos jours, plus de 30 films y ont été tournés ; parmi eux, "La passion du Christ" de Mel Gibson, sorti en 2004, ou "L’Evangile selon Mathieu" de Pier Paolo Pasolini en 1964.
Anne Donadini