Près de Rennes, le centre pénitentiaire de Vezin-le-Coquet propose un accompagnement aux détenus via le QPS, le quartier de préparation à la sortie. En France sur 188 établissements pénitentiaires, seuls Rennes, Metz et Marseille intègrent un QPS. Ce régime carcéral vise à favoriser la réinsertion, éviter la récidive. Il implique une participation à différents ateliers. Depuis mi-avril, des séances sportives sont au programme. Objectifs ? La dépense physique, la concentration sur des objectifs.
Par E. Colin
Un mardi après-midi. Ils sont six à rentrer sur le terrain de basket du centre de détention de Vezin-le-Coquet. Depuis quelques semaines, des détenus du QPS participent à un atelier sportif. Deux heures hebdomadaires, pendant six semaines. Moyenne d’âge du groupe, 35 ans. Tous ne sont pas sportifs, parfois très éloignés du sujet.
Ce jour-là, le moral n’est pas au beau fixe. La cantine (possibilité pour un détenu d’acheter des produits de la vie courante auprès de la « boutique » de la prison) n’a pas été livrée. Très vite, Hadda Guerchouche, l’entraîneur sportif replace l’activité au centre des débats. Dans les cellules voisines à l’intérieur, ça chahute un peu.
Il s’agit de l’avant-dernière séance de cette session. Au programme : une heure d’activité physique préparée en amont, par les détenus eux-mêmes puis une heure de basket. La dernière les conduira à l’extérieur, pour un basket fauteuil au centre de réadaptation de Beaulieu.
« On avale l’abdo, on avale le nombril, et on tient ! »
Le petit groupe s’échauffe et attaque les exercices qu’il a préparés. Pompes, abdos, squats, course à pied… Un peu en retrait, Guillaume Milon et Aurélie Ribault, deux conseillers pénitentiaires d’insertion et probation observent. Les deux portent sur eux une API (alarme individuelle portative) un dispositif obligatoire pour tout le personnel. Ce sont eux qui accompagnent ces hommes, pour favoriser leur réinsertion, « prévenir la récidive ».
Hadda Guerchouche observe aussi. Pointilleuse, elle reprend chacun sur sa posture, contrôle les chronos, pousse à l’effort. Cette championne paralympique de natation utilise beaucoup le langage : «relève la tête, regarde devant toi, tiens-toi droit ». L’attitude sera un moyen d’affronter le dehors. Vient alors le basket. Ici, mettre le ballon dans le panier rime avec mettre de l’intention, atteindre un objectif.
Match pour terminer. Les deux conseillers CPIP se mêlent au groupe. Ils sont rarement présents lors des ateliers et Guillaume Milon relève : «C’est précieux pour nous de participer, de montrer que l’on peut jouer ensemble même si on des rôles différents »
Le sport, c’est un grand pourvoyeur d’idées. Cela permet de s’équilibrer, de se projeter dans la vie. (un détenu)
Bientôt la fin. Hadda prend le temps d’asseoir tout le monde et de faire le bilan. Les garçons donnent leur avis «on n’était pas très chaud au début» puis «ça a été, c’était une séance bien intense, bien transpirante.» L’évolution et l’entente au sein du groupe se dessine dans la conversation. « On se découvre, même si notre nombre a diminué, on voit la cohésion.»
Cette évolution, Hadda ne peut que la constater. Elle donne un mot à chacun. Elle compare l’un d’eux à un oignon, qui s’est laissé découvrir au fil du temps. Elle évoque la bonne volonté et la présence d’un autre. Elle salue les qualités d’enseignement dont a fait preuve T. « c’est important pour moi que tu puisses transmettre » souligne-t-elle. Il faut maintenant quitter les lieux. La cour de basket doit servir à la promenade. Le temps au groupe de se rendre compte que ça y’est S. va sortir.
Le sport comme toutes les activités, c’est un prétexte, il y a toujours un objectif derrière. Le sport permet de travailler l’acceptation de la situation, la valorisation. (Guillaume Milon, conseiller pénitentiaire d’insertion et probation)
Comment fonctionne le QPS ?
Le quartier de préparation à la sortie existe depuis quatre ans à Vezin. Il accueille une quarantaine de détenus maximum, auxquels il reste 3 à 8 mois de détention à accomplir. La démarche se veut volontaire. Tous signent un engagement avec le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et probation) et l’établissement pénitentiaire.
Pendant trois mois, ils bénéficient d’un suivi à la fois collectif et individuel. En plus du sport, d’autres ateliers sont mis en place : accompagnement à l’emploi, yoga et communication non-violente, théâtre forum, des sessions de médiation avec les victimes avec SOS victimes.
Dans l’enceinte de la prison, un quartier est dédié au QPS, avec des cellules partagées par deux personnes. Les détenus possèdent ce que l’on appelle une clé de confort. Les portes sont fermées le matin, ouvertes l’après-midi pour permettre les déplacements.
Aurélie Ribault insiste sur l’engagement et le soutien de tous les partis. « Le juge de l’application des peines nous fait confiance. C’est lui qui a donné les permissions de sortie pour la dernière séance de sport à l’extérieur. » Un bilan a lieu tous les quinze jours, à l’occasion d’une commission qui implique aussi le personnel pénitentiaire.
Dans le cadre de la nouvelle loi pénitentiaire voulue par Nicole Belloubet, les QPS devraient désormais les SAS, structures d’accompagnement à la sortie.