Le réchauffement climatique est un fait que plus personne ne conteste aujourd'hui. Les conséquences de ce phénomène vont se ressentir dans un grand nombre de domaines y compris la viticulture et le vin. Il va donc falloir s'y adapter.
Quelles conséquences sur la vigne ?
Dans le monde, les vignes sont cultivées entre le 30ème et le 50ème parallèle aussi bien dans l'hémisphère nord que dans celui du sud. En-dessous on se rapproche de l'équateur, donc un climat trop chaud et au-dessus on se rapproche du pôle, donc un climat trop froid. Avec le réchauffement climatique cette zone de culture de la vigne risque de se décaler en se déplaçant vers les pôles. Un exemple concret, le développement récent de vignobles en Angleterre (Cornouailles) et en Belgique. Par ailleurs les vignobles les plus méridionaux commencent à souffrir de la sécheresse et la chaleur estivale agit sur la composition en sucres et acidité des raisins. On constate ainsi, dans le Languedoc, une augmentation du taux moyen d'alcool dans les vins de + 2% ainsi qu'une diminution sensible de l'acidité depuis 15 ans.
Autre conséquence, une maturité des raisins plus précoce. Lors de mes quatre années d'étudiant (1964 à 1968) je faisais les vendanges chez mes parents en Alsace. Le début des vendanges le plus précoce a été le 10 octobre. Cette année la récolte a débuté le 7 septembre. Je me souviens également que mon père chaptalisait les vins chaque année, le taux de sucre dans les raisins n'étant pas suffisant. Depuis 10 ans mon neveu ne chaptalise plus.
En ce qui concerne les cépages, le choix de ceux-ci s'est toujours fait, entre autres, en tenant compte du climat de la région. Alors à quand la Syrah ou le Grenache en Bourgogne, Alsace ou Champagne ? On n'en est encore pas là ! Mais diverses recherches sont en cours actuellement.
Quelles sont ces recherches ?
Sur le massif de La Clape, au sud de Narbonne, une équipe d'ingénieurs de l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) ont planté un vignoble expérimental en cherchant à l'adapter au réchauffement climatique. Leur recherche va dans différentes directions et en plus prend en compte les problèmes environnementaux, autres soucis actuels.
Par des croisements entre cépages traditionnels et d'autres variétés ils ont obtenu des cépages plus résistants aux maladies. Leurs vignes ne sont plus traitées depuis 6 ans et les raisins sont sains. Ils ont également obtenu des raisins moins sucrés donc moins d'alcool dans le vin. Enfin, pour lutter contre la sécheresse, ils ont mis en place un système d'irrigation des vignes par goutte à goutte en utilisant des eaux usées retraitées.
Autre axe de recherche : la désalcoolisation
On s'aperçoit que les jeunes consommateurs préfèrent boire de la bière car elle est moins alcoolisée que le vin. Le « vin de soif » et le plaisir de boire du vin ont tendance à disparaître à cause du taux d'alcool aujourd'hui trop élevé, surtout dans les vins issus des vignobles méridionaux. Nos grands-parents buvaient des vins qui titraient 9, 10 ou 11% d'alcool. Je me souviens mon grand-père qui récupérait une partie des marcs (raisins après pressurage), il y rajoutait de l'eau, du sucre et des levures pour faire refermenter l'ensemble et il obtenait ainsi ce que l'on appelait de la « piquette » qui était à environ 9% d'alcool et qui faisait sa boisson quotidienne pour l'année.
Pensant que la mise en marché de vins moins alcoolisés pourrait relancer la vente de ceux-ci, l'INRA travaille également sur des techniques de désalcoolisation des vins. La législation permettant d'enlever environ 20% de l'alcool contenu dans un vin on peut viser à obtenir une diminution de 2 à 3%.
Cette technique est déjà utilisée notamment au domaine Auriol, domaine familial dans les Corbières à Lézignan et dirigé par Claude Vialade. Le domaine produit une gamme de vins à 9% d'alcool par désalcoolisation qui se vend déjà dans différents pays dans le monde. Des vins à taux d'alcool faible et par conséquent moins caloriques. Claude Vialade explique qu'un verre de ce vin n'est pas plus calorique qu'un yaourt à 0% de matières grasses.
Le domaine de La Combette
Il y a un autre domaine qui, lui, est vraiment le pionnier dans la mise en place de toutes ces innovations, c'est le domaine de La Combette situé au nord de Béziers. François et Vincent Pugibet (père et fils), propriétaires, mènent sur leur centaine d'hectares depuis de nombreuses années et bien avant l'INRA, toutes ces expérimentations que nous venons d'évoquer. Ils ont une gamme de vins à 9% d'alcool par désalcoolisation, dans certaines parcelles ils ont adapté la vigne à l'utilisation d'une machine à tailler, ils ont mis en place un système d'irrigation par goutte à goutte.
J'ai eu l'occasion de déguster chez eux les vins à 9% d'alcool et contrairement à ce que l'on pourrait penser, le fait d'enlever de l'alcool ne change ni la qualité ni l'intensité aromatique des vins, bien au contraire.
Il est peut-être un peu tôt pour dire que les vins produits au domaine de La Combette représentent les vins de demain, mais en tous les cas cela y ressemble.