Réchauffement climatique, quelle œnologie pour demain ?

Philippe 2009

Fin 2015, la France va accueillir la conférence mondiale sur le réchauffement climatique que plus personne, aujourd'hui, ne conteste.

La vigne n'est pas épargnée par ce changement climatique. Elle en subit chaque année les conséquences par la variation des températures, les sécheresses prolongées ou les épisodes orageux qui ont marqué le début de l'été 2014 avec les destructions provoquées par la grêle dans plusieurs régions comme la Bourgogne ou le Minervois.

Quelles évolutions liées à ce phénomène climatique peut-on observer ?

  • Des vendanges plus précoces : en une quarantaine d'années, la date des vendanges a été avancée d'environ deux semaines. Je peux en témoigner. En effet, de 1964 à 1968, mes années d'étudiant, je participais aux vendanges dans l'exploitation de mes parents en Alsace et j'ai souvenir qu'elles débutaient toujours entre le 10 et le 15 octobre. Depuis 2005, année de ma retraite, je retourne tous les ans dans le même domaine, aujourd'hui exploité par mon neveu et sur ces huit années nous avons vendangé sept fois dans la deuxième quinzaine de septembre.
  • Les raisins de plus en plus riches en sucre, car pendant la période de maturation, plus la somme des températures est élevée, plus la quantité de sucre accumulée est élevée. Le taux d'alcool dans le vin étant proportionnel à la quantité de sucre dans le raisin (17 grammes de sucre par litre de jus de raisin produisent 1 degré d'alcool), on constate donc un taux plus élevé. Les statistiques montrent que ce dernier a augmenté de 2% volume depuis quinze ans.
  • La culture de la vigne commence à se déplacer vers le Nord. Des vignobles se développent à présent en Angleterre et en Belgique.

En Angleterre, depuis 2009, cent quinze caves productrices de vin et quatre cents exploitations viticoles ont été créées. La majeure partie dans le sud du pays mais quelques unes au Pays de Galles, dans le Yorkshire et jusqu'à Durham. La culture de la vigne y est certes plus aisée mais reste encore limite. Quelques difficultés subsistent, le gel de printemps, la pourriture ou le manque de maturité. L'intérêt et la recherche se portent pour l'instant sur les vins blancs effervescents, plus facile à élaborer sous ce climat. Les cépages plantés sont essentiellement des hybrides.

En Belgique il y avait des vignes jusqu'au 17ème siècle, mais elles ont disparu petit à petit à cause du climat de l'époque, surnommé la « petite ère glaciaire ». Dans les années soixante a débuté une viticulture conviviale pour se développer vraiment à partir du début des années deux mille. Aujourd'hui il y a trois AOC (Appellation d'Origine Contrôlée) en Flandre et une en Wallonie. La production est, pour l'instant, axée sur les vins blancs effervescents à partir des cépages Pinot Noir, Chardonnay et Müller-Thurgau (croisement de Sylvaner et de Riesling).

Nouvelles zones de production mais vraisemblablement disparition de zones existantes. D'après des études scientifiques, l'Europe méridionale, sous l'effet des changements climatiques, pourrait perdre plus de la moitié de ses vignes d'ici à 2050. le changement climatique entraînera de profondes mutations su les vignobles, non seulement,t de France mais du monde entier. Le monde de la viticulture et l’œnologie vont devoir s'adapter et donc imaginer d'autres techniques et méthodes mais lesquelles ? Pour cela des recherches sont en cours :

  • En France : Unité Mixte de Recherche Santé de la vigne et Qualité du vin à l'Université de Strasbourg.
  • En Suisse : Centre de Recherche de Changins
  • En Allemagne : Institut d’œnologie de Geisenheim
  • En Italie : Direction technique du Groupe Zonin

Au niveau de la vigne, en dehors du déplacement vers le Nord des zones de production, on peut envisager dans les zones existantes des implantations en fond de vallée ou sur des coteaux exposés plus au Nord. Il faudra revoir la carte d'adaptation des cépages. La génétique moderne devrait faciliter la création de nouveaux génotypes plus tolérants aux fortes températures ou au manque d'eau.

Dans la conduite de la vigne la recherche se fait, entre autres, sur une réduction de la surface foliaire qui doit ainsi réduire le taux de sucre dans les raisins et par conséquent le taux d'alcool dans les vins. La plante fabrique du sucre (par un phénomène appelé la photo-synthèse) en utilisant le carbone du gaz carbonique (CO2) libéré dans la nature par la respiration et grâce à la présence du soleil et de la chlorophylle des feuilles. La quantité de feuilles (surface foliaire) sur un cep de vigne joue donc un rôle important dans la fabrication du sucre.

L’œnologie aura également un grand rôle à jouer et devra gérer, dans les vinifications, les températures plus élevées et une acidité de plus en plus faible. Un défi qu'elle saura relever à n'en pas douter. Les recherches sont en cours.

La viticulture est donc une filière particulièrement sensible aux changements climatiques, la production viticole s'en trouve modifiée et ce n'est que le début. Le futur de notre patrimoine viticole dépend de ses hommes et comme disait La Fontaine : « Aide-toi, le ciel t'aidera ».