Les grottes, baromètres de la planète

Photo @alwaystravelingiam

"D’ici à 2050, les grottes pourraient bien devenir les seules réserves d’eau potable au monde". Le verdict de Simona Cafaro, géologue dans le labyrinthe de cavités de Pertosa Auletta, est sans appel. Au cœur de la terre existe un héritage à sauver : celui des grottes, précieux réservoirs karstiques, c’est-à-dire ceux contenant le plus d’eau au monde, et dont dépend déjà un tiers de la population mondiale. Selon les recoins et la vitesse de circulation de l'eau, cette dernière peut aussi bien avoir 10, 100 ans que des milliers d’années.

Depuis la rivière souterraine - la seule du pays - que nous parcourons en barque, les scientifiques italiennes nous l'affirment ; ces eaux sont le miroir de ce qui se passe en surface. Polluants, désherbants et déchets jetés dans la nature impactent directement sa qualité.

Les dégâts de la "flore de lampe"

Curieusement nichées à 263 mètres d'altitude dans les montagnes encerclant Salerno en Campanie, les grottes de Pertosa Auletta sont un modèle de préservation en Italie. On y cherche notamment les moyens de limiter les conséquences de l'homme sur ces milieux. La plus évidente frappe dès l'entrée : partout où frappe la lumière des spots électriques, une flore souterraine verdâtre a envahi les parois.

"Toutes les grottes touristiques ont ce problème : ces patines vertes, qu’on appelle « la flore de lampe », sont un reflet du sur-tourisme. Graines, pollen et spores transportés par les visiteurs prolifèrent et il se crée une photosynthèse qui n'a pas lieu d'être. Les grottes sont naturellement plongées dans le noir" regrette l'écologue Rosangela Addesso. Face à nous se succèdent stalagmites et stalactites, dont les anneaux intérieurs semblables à ceux des arbres, recèlent secrètement de véritables photographies du climat et de l'époque lors desquels ils se sont formés.

Au fil des ans, la qualité de l'air change très légèrement, tandis que l'habitat des animaux évolue. "Là où dorment les chauve-souris, la roche est désormais bourrée de métaux lourds, sans parler de ce que les chauve-souris y ramènent, en allant se nourrir à l'extérieur" explique Rosangela. Régulièrement, les treize bénévoles de Pertosa ôtent les détritus, empêchant que les 60 000 touristes annuels ne transforment la grotte en décharge. Un petit pas pour l'homme, un grand pour le nettoyage au centre de la Terre. Reportage d'Alban Mikoczy, Laura Tositti et Anne Donadini.

 

Anne Donadini