Il existe en Grèce une île paradisiaque où l'on se détourne des eaux turquoise de la mer Egée et de ses plages de sable cristallin pour un autre plaisir. Une île où le frisson s'atteint la tête en bas, les yeux rivés sur une marée de stalactites ayant choisi de se former devant le plus bel arrière-plan possible. Kalymnos, petit havre du Dodécanèse à 30 km au large des côtes turques, est le pinacle de l'escalade en Europe.
Accessible en avion directement ou via l'îlot voisin de Kos, l'atoll hellénique attire chaque année 10 000 grimpeurs des quatre coins du monde (souvent Français et Italiens !), débarqués par bateaux entiers. Et ils sont une véritable aubaine pour cette île dont l'ancienne périlleuse ressource consistait, depuis 1860, à pêcher des éponges de mer dans des combinaisons précaires ; le manque d'air, la difficulté de dépressurisation et les embarcations frêles, entre autres, pouvaient ainsi causer la mort des plongeurs.
Une économie locale sauvée par les grimpeurs
Depuis, le temps n'est plus au danger des profondeurs mais bien à la sécurité des hauteurs. Les anciens pêcheurs, tenants de cette tradition, continuent d'alimenter leur commerce d'éponges de mer en vendant ces dernières aux férus d'escalade, tandis que leurs petits-fils s'adaptent en commercialisant matériel et topos d'escalade jusque dans les épiceries - au moins un nouveau magasin spécialisé dans l'escalade ouvre chaque année à Kalymnos. Les employés de la restauration savourent : à l'inverse de leurs voisins insulaires, comme à Santorin, qui comptent sur le tourisme 2 ou 3 mois par an, Kalymnos vit de l'escalade de mai à novembre et 90 % du taux de remplissage des hébergements est assuré par les grimpeurs.
Découverte par le grimpeur grec Giannis Torelli en 1995, Kalymnos a depuis révélé ses voies - prisées pour leur qualité, leur équipement très sécurisé (parfois plus qu'en France !) et pour la diversité du rocher, formé de colonnettes, stalactites et réglettes - à d'autres grandes stars de l'escalade, au point d'avoir reçu de nombreux festivals. "On en est qu'au début, elle est vouée à devenir l'une des plus grosses destinations au monde pour aller grimper" garantit Simon Montmory. Débarqué de Paris et installé à Kalymnos depuis plus de 12 ans, cet instructeur a équipé une grande partie des 4 000 voies de l'île, et assure la sécurité des grimpeurs lors de stages de perfectionnement qu'il assure. De plus, une Rescue Team assure les secours en cas d'accident, pour un total très bas de cinq interventions par an en moyenne. Devenue le point de rendez-vous de ce gratin des alpinistes, la ville de Masouri continuera encore longtemps de promettre monts et merveilles. Reportage d'Alban Mikoczy, Anne Donadini et Serafim Yannopoulous.
Anne Donadini