La maman de Mercy : « Aidez-moi ! »

Pour la première fois et en exclusivité, France 2 diffuse ce soir dans le journal de 20 heures une interview de Taiwo, la mère de la petite Mercy, née sur l’Aquarius le 21 mars 2017.

L’histoire de cette enfant avait ému le groupe « Madame Monsieur ». Il en a fait la chanson qui défend cette année les couleurs de la France à l’Eurovision.

Nous avons rencontré cette mère avec son enfant, devant l’immense centre de demandeurs d’asile de Mineo, près de Catane, au milieu de la Sicile. Elle y vit depuis plus d’un an, avec 3 000 autres migrants. Et elle a le sentiment d’y être prisonnière.

 

Depuis quelques secondes, elle ne parle plus. Taiwo a les yeux rivés sur l’écran de mon smartphone où défile la chanson « Mercy » du groupe « Madame Monsieur ». Lorsque je lève la tête pour voir pourquoi elle se tait, je vois des larmes qui coulent sur ses joues. Elle me dit que c’est la première fois qu’elle écoute cette chanson. Elle dit aussi qu’elle la trouve très belle. Ce n’est que depuis peu qu’elle sait que son histoire et celle de Mercy, aujourd’hui âgée de 13 mois, a été mise en musique. Comment aurait-elle pu le savoir, elle qui ne parle ni français ni italien et qui survit à l’écart du monde, dans ce centre pour réfugiés, le plus grand d’Europe ?

Ce jour-là, je suis allée la voir seul et sans caméra, discrètement, pour ne pas la brusquer et établir un climat de confiance. Je fais cela quand je rencontre des personnes en grande difficulté, dont l’avenir dépendra peut-être de cette rencontre. Taiwo m’avoue qu’elle trouve très bien que des chanteurs ait eu l’idée de faire une chanson à succès sur l’histoire de sa fille, née sur l’Aquarius le 21 mars 2017. Taiwo parle tout bas, trop bas. Il faut tendre l’oreille : elle avoue, gênée, qu’elle pense que ce serait bien que la célébrité soudaine de son enfant, les aide toutes les deux « à sortir de là », à quitter le centre pour réfugiés où elles sont bloquées depuis leur arrivée sur le sol italien. L’émotion la prend de nouveau lorsqu’elle me confie « je n’ai personne ici, je suis seule avec Mercy. Il faut m’aider. S’il vous plaît.. »

Le lendemain, je reviens pour l’interviewer. Les militaires en armes qui gardent le centre nous interdisent de filmer. Avec Florence à la caméra, nous partons donc dans notre voiture avec Taiwo, Mercy et une tante dans la campagne sicilienne, au milieu des champs d’agrumes. Au cours de l’interview, Taiwo se trouble lorsqu’elle se souvient de la gentillesse des gens de l’Aquarius. Elle raconte que quand elle est montée à bord, elle était à bout de forces. Le Nigéria, la Lybie puis la traversée sur le bateau gonflable, c’était plus dur que tout ce qu’elle aurait pu imaginer : « J’ai tellement souffert »

Pendant que sa mère nous parle, Mercy reste sagement sur ses genoux. Quand sa maman est émue, l’enfant arrête de jouer avec le vieux téléphone portable et elle la regarde, inquiète. Avec ses grands yeux noirs et son joli sourire, Mercy parait plus âgée que ses 13 mois, 13 mois passés derrière les fils barbelés d’un centre pour réfugiés.

Lorsque nous prenons congé, Taiwo nous dit dans un souffle : « Je ne veux pas que Mercy souffre autant que j’ai souffert. Il faut qu’elle aille à l’école, qu’elle ait une éducation ». Et elle ajoute : « aidez-moi ».