C’était en mai, Alexandre Neef présentait sa première saison à l’Opéra, entouré de la directrice de la danse, Aurélie Dupont, et de Myriam Mazouzi, responsable de l’Académie, le centre de formation aux métiers de l’opéra dont les chanteurs sélectionnés sont les porte-drapeaux.
De belles promesses, quelques nouveautés intrigantes : un équilibre raisonné… et raisonnable… mais maintenant le temps de la concrétisation est venu pour Alexandre Neef, inaugurée ces jours-ci par la performance de l’artiste Marina Abramovic autour de Maria Callas. Revue de détail.
Les créations : une place importante au XXe siècle
7 nouvelles productions côté opéra, un équilibre maintenu entre classique et contemporain côté danse et l’arrivée (progressive) du nouveau directeur musical Gustavo Dudamel (concert inaugural le 22 septembre) Mais 70 artistes feront tout de même leurs premiers pas sur les scènes de Bastille et de Garnier … du haut en bas de la pyramide. Et de fait, dans les distributions, pas mal de noms inattendus, stars ailleurs ou stars de demain. Enfin, du baroque au contemporain, aucune période oubliée, aucune école négligée, avec un hommage appuyé de l’Allemand Neef au répertoire national qui se reflètera dans la déclinaison des œuvres.
Evidemment un directeur est toujours attendu sur les créations, 7 sur 21 spectacles, un tiers exactement, le chiffre habituel. Neef semble montrer un goût pour le XXe siècle : 5 nouveautés sur les 7, les deux autres étant Les noces de Figaro (mise en scène de l’Anglaise Netia Jones, encore peu connue chez nous, direction Dudamel, avec Peter Mattei en Almaviva et Lea Desandre en Cherubin) et la Cendrillon de Massenet, plutôt l’apanage de l’Opéra-Comique, avec l’Irlandaise Tara Erraught dans le rôle-titre -celle-ci avait été jugée à Glyndebourne il y a 4 ans « trop grosse » et « disgracieuse » : une façon pour Neef de lutter contre toutes les discriminations ?
L’événement, qui ouvre quasiment la saison (dès le 20 septembre), est le rare Œdipe du Roumain francophile et francophone Georges Enesco (immense violoniste par ailleurs), œuvre composée en français et mise en scène par le directeur du Théâtre de la Colline, Wajdi Mouawad. On ne connait de l’œuvre qu’un enregistrement avec José Van Dam dans le rôle-titre. Plus contemporain le Fin de partie de György Kurtag, vieux monsieur de 95 ans et qui en a attendu 90 pour composer son premier opéra d’après Samuel Beckett -mise en scène de Pierre Audi. Le Turandot posthume de Puccini dirigé par Dudamel -Toscanini l’avait créé à la Scala de Milan en 1926. Si différent, et créé quelques mois plus tôt (décembre 1925), le Wozzeck de Berg dans une mise en scène de William Kentridge qui remplacera la précédente de Christoph Marthaler. Enfin c’est à Krzysztof Warlikowski que sera confié l’intrigante et dernière création, A quiet place de Leonard Bernstein compositeur -qu’est-ce que ces deux-là, par-delà les années, auront à se dire? - Avec le renfort de Patricia Petibon.
Les reprises : les principales écoles sont représentées
Focus, en tout cas, sur l’opéra américain, encore peu connu en France et fort peu joué à Paris. Comme l’opéra russe, projet d’ « une nouveauté par an » porté par Stéphane Lissner et semble-t-il abandonné (on verra la saison suivante), à Khovantchina près, la mise en scène d’Andrei Serban de l’œuvre de Moussorgsky n’ayant jamais été reprise depuis sa création en 2013. L’autre idée de Lissner, les créations contemporaines d’après des chefs-d’œuvre de la littérature française, ne trouvera pas d’écho non plus l’an prochain.
Pour les reprises, part belle, donc, à l’opéra français: le Faust de Gounod créé cet hiver… virtuellement, où reviendront Benjamin Bernheim, Florian Sempey et Christian Van Horn, avec une nouvelle Marguerite, l’Américaine Angel Blue. La Manon de Massenet avec une autre Américaine Allyn Perez. Un soupçon de baroque, Platée de Rameau et l’Iphigénie en Tauride de Gluck.
Une touche d’Italie, l’éternel Elixir d’amour de Donizetti-Pelly, Le barbier de Séville de Rossini-Micheletto avec Marianne Crebassa (qui succède à Karine Deshayes) ; et Verdi bien sûr, Ludovic Tézier en Rigoletto.
Enfin l’Allemagne : Wagner et Richard Strauss, du premier Parsifal et Le vaisseau fantôme, du second Elektra. Et re-Mozart (Don Giovanni) ainsi qu’Haendel (Alcina)
Diversité, parité, écologie…
Et la diversité dans tout cela ? Jeanine De Bique en Alcina, Lawrence Brownlee en Platée. Exit cette année une Pretty Yende qu’on retrouvera sous d’autres horizons. Deux femmes à la mise en scène sur 7 créations, ce n’est pas la parité. Deux femmes à la direction (Susanna Mälkki pour Wozzeck et Simone Young pour Parsifal) mais il faut rappeler que les cheffes sont encore très peu nombreuses. Neef, interrogé sur ces questions-là, a un peu botté en touche mais l’on sentait bien que le souci de compétence l’emporterait sur tous les quotas. On ne peut que lui donner raison, à lui qui s’est cru obligé d’insister sur les efforts « écologiques » de l’Opéra (éclairages moins « consommants », costumes plus « éco-responsables ») C’est fort bien et très louable mais évidemment ce n'est pas là-dessus qu'on va le juger.