Et cela s'appelle "Les petites noces". Et c'est le spectacle pour enfants que le Théâtre présente tous les ans, initiation bienvenue à l'opéra dans une version réduite à une heure. Gros succès, également auprès des parents, pour une série de représentations qui concernera d'abord les scolaires, puis les familles le week-end des 8 et 9 février.
Un opéra pour les plus jeunes
Il y eut La flûte enchantée, La belle Hélène, Le barbier de Séville, Carmen, étoile du cirque. Voici donc Les petites noces, en écho aux Noces de Figaro pour les grands présentées il y a deux mois (chronique du 28 novembre 2019) Rappelons le principe: un opéra, si possible populaire et pas trop lugubre (Carmen était une expérience intéressante qui permettait aux chères têtes blondes et brunes de faire connaissance avec les conséquences extrêmes de ce sentiment qu'est la jalousie), réduit, autour des grands airs et des personnages principaux, à un spectacle d'à peu près une heure, ce qui est le temps raisonnable d'attention pour le public visé, en gros les 8 à 12 ans.
Pour le reste, soin apporté à la distribution, aux adaptations, à la mise en scène, comme pour les grands. Et quand il y a des choeurs, ce sont les enfants eux-mêmes qui s'y collent, soit qu'ils les aient appris en classe de musique ou avec leurs instituteurs, soit que les parents les aient aidés en se prenant d'ailleurs eux aussi au jeu.
Et des parents chauds-bouillants
Ainsi, moi qui en suis à ma quatrième année d'opéra participatif pour le jeune public, je me suis trouvé pour la première fois non avec un public scolaire mais avec enfants et parents, très bien briefés, surtout pour des Noces de Figaro où il n'y a pas beaucoup de choeurs et où les interventions requises (la lumière s'allume, une cheffe de chant donne le tempo) m'ont paru cette année assez difficiles. Il n'empêche: c'étaient d'ailleurs les parents qui étaient remontés comme des pendules, au point même de regretter (je l'ai entendu!) de n'avoir pu chanter avec la Comtesse le Porgi amor ou avec Chérubin le Voi che sapete. Mais en français pour que les jeunes comprennent, et l'on a ressorti ces versions de nos ancêtres qui n'entendaient chanter les opéras que traduits dans leur propre langue, jamais dans la version originale.
Donc cette merveille mozartienne fut créé il y a quelques jours à l'Opéra de Rouen, partenaire régulier du Théâtre des Champs-Elysées. Dimanche c'était la première "tout public" à Paris, puis il y aura des représentations pour les scolaires et de nouveau, tout un week-end, pour la famille. C'est tant mieux, de ces représentations-là, il n'y avait pas assez.
Cela rappelle les Noces des grands!
On s'amusera cependant, si l'on a vu les Noces de Figaro pour grandes personnes dans la mise en scène de James Gray en novembre-décembre, à ces Petites noces qui en semblent parfois le décalque. On ignore si c'est voulu. Plutôt une coïncidence car Gilles Rico, le metteur en scène, a dû imaginer son propre travail bien en amont. Mais il y a, comme chez James Gray, une Suzanne décoiffante et emportée, active et énergique, très bien incarnée par Tamara Bounazou qui occupe l'espace avec un joli brin de voix. Le Figaro de Kamil Ben Hsaïn Lachiri a un peu la silhouette de l'autre, et le timbre aussi.
La ravissante Chloé Chaume, aux aigus faciles, a la blondeur et la mélancolie de Vannina Santoni et le Basilio de Pierre-Antoine Chaumien, pour n'être pas aussi "peste" que Mathias Vidal, tient très bien le rôle de celui qui, pardonnez-moi l'expression, adore mettre le bordel. Pas de Marcelline ni de Barberine. Basilio est le trublion au milieu du quintette qu'un joli travail d'adaptation (d'Henri Tresbel) rend à sa dynamique échevelée, une vrai "folle journée" comme le voulait Mozart.
Une jolie distribution
Mais c'est, au côté d'un Almaviva moins hautain que Stéphane Degout, aristo simplement colérique auquel Gilen Goicoechea prête son timbre élégamment sombre, Chérubin qui remporte la mise: délicieuse Albane Carrère, qui fait oublier le Chérubin "des grands", de jeu, de grâce et de timbre. Gilles Rico, dans de jolis décors peints, lui donne le beau rôle et les costumes (de Violaine Thel) et les lumières (de Bertrand Couderc) achèvent de nous séduire, comme, là aussi, d'un James Gray allégé...
Mise en scène trop compliquée
Et cependant on n'a pas été tout à fait heureux. La faute à Gilles Rico justement, le metteur en scène. Pourquoi complique-t-il à ce point une histoire où, déjà, les portes claquent suffisamment et où les quiproquos sont assez nombreux en nous inventant un Chérubin d'aujourd'hui, visitant une exposition sur Les noces où les protagonistes, la Comtesse, Figaro, Suzanne, sont des figures automates, et qui voit soudain celles-ci s'animer devant lui? L'opéra démarre alors, auquel (après avoir été une sorte de fantôme à rebours, qui fait des selfies, porte des écouteurs et des Converse rouges -et Albane Carrère le joue très bien) il finira par s'intégrer. On ne dit pas que les enfants ne comprennent pas (de toute façon ils rient forcément à l'anachronisme rigolo des selfies) mais cela alourdit des déplacements déjà assez complexes. D'autant que Chérubin, qui est devenu le vrai Chérubin en costume, redevient à un moment, sans qu'on sache pourquoi, Chérubin d'aujourd'hui puis de nouveau Chérubin d'hier. Et puis... Théâtre dans le théâtre, jeu sur le passé et le présent, en une heure et quart c'est beaucoup trop, on aurait préféré que Rico conserve ses idées (qui ne sont pas forcément mauvaises) pour des Noces de grands, d'autant que, si pas mal de scènes sont d'une jolie énergie, la fin est un peu sinistre et manque, elle, dans son décor sombre, de fluidité.
Mais orchestre enthousiaste
Beau travail, plein d'enthousiasme, de l'orchestre des Jeunes d'Île-de-France qu'entraîne avec fougue Inaki Encina Oyon. Et déjà, à la sortie, parents de s'interroger sur l'année prochaine. Car l'opéra n'est pas le genre le plus joyeux du monde et l'on est beaucoup à s'interroger sur l'oeuvre qui pourra encore concilier le bonheur simple des enfants et le plaisir de la musique.
Les petites noces (d'après Les noces de Figaro de Mozart), mise en scène de Gilles Rico, direction musicale d'Inaki Encina Oyon. 12 représentations scolaires jusqu'au 7 février. Représentations "tout public" le 8 février à 11 heures 30 et 17 heures, le 9 février à 17 heures. Théâtre des Champs-Elysées, Paris. Durée 1 heure et quart.
Le spectacle ira ensuite à l'Opéra d' Avignon (le samedi 14 mars) et à l'Opéra de Toulon (au mois de décembre)