Comment "The Walking Dead" s'est transformé en "Boring Dead"

Un ennui mortel. Attendue pendant des mois après un cliffhanger dramatique, la saison 7 de The Walking Dead s'annonçait comme un grand moment de télévision. Et pourtant. Après un premier épisode polémique, la série s'est mise à ronronner dangereusement, au point de devenir tout simplement barbante après six semaines de diffusion.

Résultat : une baisse d'audience inédite pour le show d'AMC. Après un premier épisode suivi par plus de 17 millions de personnes aux Etats-Unis, les audiences se sont effondrées, selon Entertainment Weekly : 12,5 millions pour l'épisode 2, 11,7 millions pour l'épisode 3, 11,4 millions pour l'épisode 4 et enfin 11 millions pour l'épisode 5, soit le plus bas niveau pour la série depuis 2013 et la saison 3. Si nous ne sommes pas à l'abri d'un redressement spectaculaire au cours des prochaines semaines (il reste en effet encore 11 épisodes), on peut tout de même se demander comment The Walking Dead a fini par devenir aussi ennuyeux.

En ratant le premier épisode

C'était LE moment que tout le monde attendait. Après un final aussi réussi qu'angoissant, The Walking Dead avait laissé les téléspectateurs sur une des questions les plus débattues sur les réseaux sociaux : qui a été tué par Negan ? Au terme de plusieurs mois d'attentes rythmés de théories et hypothèses, l'épisode 1 de la saison 7, diffusé le 23 octobre, était plus qu'attendu : il était devenu vital pour n'importe quel fan de la série.

Problème : les showrunners ont foiré leur coup. [SPOILERS] Si l'idée de monter l'épisode en forme de flash-back était intéressante pour susciter un peu de suspense, la réalisation est tombée à plat. En tuant Abraham en premier, puis Glenn sous les coups de Negan, le tout suivi d'une longue séquence de torture psychologique de Rick, à deux doigts de voir son fils amputé d'une main, les réalisateurs ont noyé toute la puissance dramatique de cet épisode.

Epuisé par autant de violence visuelle, comme le rappelle Le Monde, et gavé par autant de rebondissements, on termine cet épisode comme si on s'était enfilé deux Big Mac, un CBO, des frites et de la glace. Ça nous faisait envie, mais on a juste envie de vomir. Le pire étant que, contrairement au comic, la mort de Glenn passe ici au second plan. Forcément frustrant.

En éclatant l'unité de lieu

Eparpillés façon puzzle. L'une des spécificités de cette saison 7 est la volonté des créateurs du show de faire éclater le groupe de Rick. Si Carole s'était déjà émancipée la saison précédente, on assiste ici à une nouvelle répartition entre les divers lieux de l'histoire. Carole et Morgan se retrouvent au Royaume, Daryl chez les Sauveurs, Maggie et Sasha sur la Colline et Rick et le reste de la bande à Alexandria.

Une perte de l'unité de lieu accompagnée d'une fin d'unité de temps, qui aurait pu plaire à Alfred de Musset si l'écriture des épisodes avait été plus aboutie. Contrairement à Game of Thrones, par exemple, qui fonctionne ainsi en multipliant les intrigues au cours d'un même épisode, la saison 7 de TWD focalise chaque épisode sur une intrigue correspondant à un lieu. De quoi faire perdre le fil et ralentir le rythme de la série pour le ramener à celui d'un zombie unijambiste.

Sans oublier que ce qui fait aussi le sel de la série, ce sont les rapports qu'entretiennent les principaux personnages entre eux. Là, chaque pilier du groupe se retrouve face à des personnages secondaires ou nouveaux, qui n'ont pas (encore) assez de profondeur.

En oubliant les zombies

Certes, il est réducteur de qualifier The Walking Dead de "série avec des zombies". L'œuvre de Robert Kirkman, à l'image du travail de George A. Romero, utilise plus, en effet, le mythe du mort-vivant pour parler des hommes, de la société ou de l'humanité. Et bien souvent, nous avons plus tremblé face au Gouverneur (RIP) que face à une horde de Marcheurs.

Le hic, c'est que cette saison 7 fait, pour l'instant, l'impasse sur les zombies. Leur présence, qui suscitait auparavant une menace constante et pesante, est négligée. Ils sont relégués au rang de faire-valoir. Dès qu'un personnage s'aventure dehors, cela ressemble à une randonnée en forêt où il suffit de dégainer un couteau ou une machette pour s'en sortir sans stress.

Du coup, la tension retombe à plat. Et même si Negan et ses Sauveurs se démènent pour être les plus menaçants possible, il est impossible pour eux de rivaliser avec la terreur que procure un Marcheur. Cet être sans vie, présent partout, qui avance vers sa proie inexorablement sans que le temps, les sentiments ou la douleur ne l'affectent.

En multipliant les épisodes inutiles

Une mauvaise habitude qui s'est transformée en sale manie. Les six précédentes saisons de The Walking Dead ont toutes eu leurs lots d'épisodes creux, où le rythme de l'intrigue ralentit pour mieux explorer les différents personnages, comme ces interminables heures passées dans la ferme d'Hershel ou dans la prison. Des respirations dans la narration qui permettaient aussi aux showrunners de ménager le suspense pour ensuite proposer des séquences hautement stressantes.

Sauf que, dans cette saison 7, ces épisodes sont souvent vides de sens. Quel est intérêt de passer près d'une heure au Royaume, dans l'épisode 2, pour nous présenter le roi Ezekiel, personnage ô combien charismatique dans le comic, si c'est pour qu'il révèle ses secrets en deux temps trois mouvements à Carole, qu'il n'a jamais vue avant et dont il sait qu'elle n'est pas digne de confiance ? Un non-sens total qui s'accompagne d'une idylle naissante entre ces deux personnages, exposée à grands coups de mise en scène digne des Feux de l'amour.

Un manque de finesse dans l'écriture qui se retrouve dans l'épisode 4. Plus de 50 minutes d'humiliation de Rick made in Negan totalement inutiles car redondantes avec l'épisode 1. Oui, on avait bien compris que Negan était méchant, et OUI, on avait saisi que Rick était soumis, sans ressource, dépassé, brisé. A croire que les showrunners ont troqué leurs stylos pour des Stabilo tant ils insistent lourdement pour faire passer le message. Du coup, les personnages deviennent des caricatures, à l'image de Negan, qui a tout d'un personnage de Tex Avery, ou de Rick, aussi fin dans son jeu d'acteur que Marion Cotillard qui meurt dans The Dark Knight Rises. Et on en parle, de Carl qui fait du patin à roulettes avec Enid ? Non, évitons...

En devenant vieux

Plus de six ans. Avec 7 saisons au compteur, The Walking Dead affiche une longévité conséquente, qui s'accompagne forcément d'un phénomène d'usure. Même si la série bénéfice d'un matériau d'origine solide avec le comic de Robert Kirkman, il est difficile de tenir aussi longtemps sur la distance. D'autres monuments d'AMC comme Breaking Bad (5 saisons) ou Mad Men (7 saisons) ont su se retirer avant de lasser les téléspectateurs.

Sans oublier que TWD fait désormais face à une pluie de concurrents, portés notamment par Netflix qui enchaîne les séries originales (Daredevil, Jessica Jones, Stranger Things, The Crown) ou HBO qui dégaine des shows de qualité comme The Night of ou Westworld. Des séries qui, en plus, sont concentrées sur une dizaine d'épisodes au maximum (contre 16 par saison pour The Walking Dead), ce qui leur permet d'être plus punchy et addictives.

Alors certes, nous ne sommes pas à l'abri d'une bonne surprise (après tout, il reste encore 10 épisodes à la série pour redresser la barre), mais la tendance n'est pas à l'optimisme. D'autant que les scénaristes ont peut-être déjà la tête ailleurs. Le showrunner de TWD, Scott Gimple, envisage, en effet, d'adapter la série sur grand écran. "C’est une question qui revient de temps en temps, affirme-t-il dans ComicbookJe suis sûr que, d’une façon ou d’une autre, ça finira par arriver un jour. Je pense que ce serait cool." Du coup, il est peut-être temps d'enterrer les Marcheurs à la télé pour se (re)plonger dans les comics grâce à Delcourt qui a sorti, fin novembre, les deux premiers volumes de son édition "prestige" de The Walking Dead rassemblant les quatre premiers tomes de l'œuvre de Robert Kirkman.