"Bioshock : The collection" : les jeux vidéo qui aident à comprendre la série "Westworld"

C'est LA série du moment, celle qui réjouit tous les geeks en manque de mystères à résoudre, laissés pour compte depuis la fin de Lost en 2010. Dans Westworld, point de rescapés du vol Oceanic 815, mais des robots à l'apparence humaine qui vivent au milieu d'une reconstitution gigantesque du Far West, dont le but avoué est de servir de défouloir parc d'attraction aux humains. Si son pitch est largement inspiré de Mondwest, le film d'anticipation de Michael Crichton sorti en 1973, la société des loisirs décrite dans Westworld est avant tout un mélange abouti entre le jeu de rôle grandeur nature et le jeu vidéo en monde ouvert. Un update bien vu que l'on doit à Jonathan Nolan (frère de Christopher) et à son épouse Lisa Joy, qui se sont largement inspirés des références du genre.

Parmi elles, les showrunners citent volontiers Grand Theft Auto et Red Dead Redemptiondeux licences majeures du jeu d’aventure et d’exploration en monde ouvert de l’éditeur américain Rockstar. Mais c'est Bioshock, une franchise moins connue mais acclamée par la critique, qui semble être le jeu qui a le plus influencé Westworld. A l’occasion de la sortie de Bioshock : The Collection, un coffret regroupant la trilogie pour la première fois jouable sur PS4 et Xbox One, Pop Up’ vous explique pourquoi Bioshock pourrait être une clé pour comprendre la série Westworld.

"Bioshock", c’est quoi ?

Une saga majeure dans l’histoire du jeu vidéo, débutée en 2007 et qui comprend à ce jour trois titres, Bioshock, Bioshock 2 (2010) et Bioshock Infinite (2013). Les deux premiers se déroulent à Rapture, une immense cité sous-marine créée après la seconde guerre mondiale pour protéger ses habitants de la folie du monde, mais qui a finalement été détruite par une guerre civile. Le dernier opus se trame à Columbia, une ville flottante conçue à la fin du XIXe siècle qui, comme Rapture, réservera à sa population un sort tragique.

Ces trois titres sont généralement qualifiés de jeux de tir en vue subjective ou FPS (First person shooter) même si cette classification est trop réductrice. Les jeux Bioshock se distinguent par leurs univers résolument steampunkoù l'on retrouve pêle-mêle une architecture Art Déco, une bande-son très présente aux accents bluesy, de la magie noire, des robots menaçants ou encore des expériences génétiques. Un mélange improbable et pourtant cohérent que l'on doit à un homme, Ken Levine, directeur artistique et cofondateur du studio Irrational Games (passé depuis sous pavillon 2K), à la fois inspiré par George Orwell (1984) et Ayn Rand (La Grève) et qui avoue adorer "imaginer ce qui survient lorsque s'effondrent les mondes fondés sur de bonnes idées". Spoiler : c'est le bordel.

C’est un jeu important ?

Très, car le génie de la trilogie Bioshock est de proposer aux joueurs, surtout dans son premier opus véritablement avant-gardiste, une expérience immersive beaucoup plus complexe qu'un simple FPS. Avec sa narration impeccable et son game design au summum, la trilogie fait depuis office de standard, jamais dépassé sur les consoles de la précédente génération.

Exigeant, il révèle toute sa complexité (toute sa difficulté, diront certains) et sa richesse au fur et à mesure que le joueur progresse dans le jeu. On découvre d'abord l'existence de plasmides, des sérums provoquant des modifications génétiques qui apportent des pouvoirs surhumains (télékinésie, inflammation à distance, etc.), puis des armes que l'on peut progressivement améliorer, des dizaines d’objets que l'on peut pirater, la possibilité d’étudier nos ennemis en les photographiant, débloquant toujours plus de possibilités et créant ainsi une expérience de gameplay inégalée. Près de dix ans après sa sortie, le premier Bioshock n’a d'ailleurs presque pas pris une ride. On est toujours autant bluffé par son ingéniosité et son ambiance étouffante et mortifère.

La statue d'Andrew Ryan, le fondateur de Rapture.

La statue d'Andrew Ryan, le fondateur de Rapture dans "Bioshock".

Quel rapport avec "Westworld" ?

S'ils ont beaucoup joué à Red Dead Redemption et GTA en préparant leur future série, les Nolan ont également rencontré Ken Levine, le créateur de Bioshock. Car une autre particularité de ses jeux est d'accorder un soin particulier aux NPC (Non Player Character ou "personnage non jouable" en français), ces personnages qui peuplent le jeu, mais avec lesquels le joueur n'interagit pas forcément. Pendant que vous traversez Bioshock en tuant tous les méchants, vous passez généralement à côté de NPC pour lesquels Levine a imaginé toute une histoire ou au moins un dialogue auquel peu de joueurs prennent la peine de s'intéresser. [Ces personnages] ont une vie, que vous soyez là ou pas" explique d'ailleurs Nolan lors d'une interview à Geeks of DoomC’est cet à-côté, ce travail de coulisses, qui l'a fasciné et qui a servi à la trame de Westworld, dans lequel les NPC qui peuplent le parc s'éveillent peu à peu.

La ville dans les airs de Columbia dans "Bioshock Infinite".

La ville flottante de Columbia, qui sert de décor dans "Bioshock Infinite".

Jouer à "Bioshock", ça aide à comprendre "Westworld" ?

Dès le début de sa diffusion, le concept de parc d’attractions de Westworld a été comparé à l'expérience proposée par un jeu vidéo en monde ouvert. Les visiteurs humains se retrouvent en plein Far West pour incarner un personnage capable de réaliser tous leurs fantasmes (viol, meurtre, etc.), sans mettre en péril leur vie ou leur intégrité. Dans ce parc plus vrai que nature, les visiteurs humains interagissent avec d'autres visiteurs, mais surtout avec des androïdes programmés pour jouer un scénario prédéfini et pilotés à distance par une équipe de chercheurs. Débutée presque au même moment où Sony lançait en grande pompe son casque de réalité virtuelle Playstation VR, Westworld et son parc de loisirs pourrait bien être une projection (pas si farfelue que cela) de ce que seront nos loisirs dans quelques années.

L'entrée de Rapture, la cité engloutie de "Bioshock".

L'entrée de Rapture, la cité engloutie de "Bioshock".

"I think, maybe there's something wrong in this world" ("Je pense qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans ce monde", en français) s'interroge Dolores, une des plus anciennes androïdes vivant dans parc, dans le quatrième épisode de Westworld. Car la petite mécanique bien huilée va commencer à se gripper quand ces robots à l'apparence humaine vont commencer à avoir des flash-back de leurs vies et morts antérieures et ainsi prendre conscience qu'ils n'ont pas une vie ordinaire. Comme le résume parfaitement Vulture, si vous êtes un joueur de jeux vidéo et plus spécifiquement de jeux de tirs, pensez à tous les personnages que vous avez tués au cours de vos longues heures de jeux. Maintenant, imaginez que ces personnages reviennent à la vie, sortent de votre écran de télé et décident de se venger. Voilà ce qui pourrait arriver aux visiteurs dans Westworld.

Sur le forum Reddit, beaucoup s'interrogent sur les questions sans réponse qui s'accumulent à chaque épisode de Westworld. L'un d'entre eux croit que le premier Bioshock est la clé nécessaire pour tout comprendre. Pour Nachopartycandidate, le but de ce parc n'est clairement pas de distraire les humains. Il s'agit forcément d'autre chose. Quelles peuvent être les motivations réelles de Ford (Anthony Hopkins), le démiurge de ce parc ? Dans les deux premiers tiers du jeu, le joueur se déplace dans Rapture grâce à des directives reçues à travers une radio. Et, lorsqu'il pense toucher au but, il découvre qu'il a en fait été manipulé depuis le début et qu'il est juste le sujet d’une expérience qui teste le pouvoir de déclenchement d’une action à partir de certains mots. Le parc de Westworld pourrait juste être un terrain d'entraînement pour les androïdes conçus pour s'améliorer au fur et à mesure de leurs expériences.

Ford (Anthony Hopkins), le créateur du parc dans "Westworld".

Ford (Anthony Hopkins), le créateur du parc dans "Westworld".

Si ce n'est sûrement pas la seule clé pour comprendre Westworld, jouer à Bioshock pourrait vous permettre d’y déceler des références glissées par les showrunners. Jonathan Nolan avait déjà prévenu, dans une interview à Entertainment Weekly, que Westworld contiendrait quelques références à Mondwest, le film de Michael Crichton dont il s’inspire. Depuis, certains spectateurs ont cru apercevoir, dans le troisième épisode, un Easter egg qui ferait référence à Bioshock. Selon Polygon, un des masques des hôtes représenterait le visage de Sander Cohen, un personnage essentiel du premier volet de la trilogie. Pourquoi pas ? En attendant, personne ne sait qui est l'homme en noir et la série continue de générer plus de questionnements qu'autre chose. Pour ceux que ça commence à exaspérer, plongez-vous dans Bioshock et à chaque chrosôme violemment abattu, pensez à ce que peuvent ressentir les hôtes de Westworld...

Bioshock : The Collection (2K) est disponible depuis le 16 septembre sur PS4 et Xbox One, entre 40 et 50 euros.

Westworld est diffusée depuis le 2 octobre tous les dimanches sur la chaîne américaine HBO et dès le lendemain en France sur OCS City.