Octobre 2017, Élise Rousseau, journaliste, auteure et illustratrice basée à Auray, dans le Morbihan, publiait une BD au titre évocateur : Mais pourquoi j’ai acheté tout ça !? Le deuxième titre de la collection Planète graphique, aux éditions Delachaux et Niestlé, qui se propose d’aborder les problématiques liées à l’environnement, la santé publique, l’écologie d’une manière simple, facile d’accès, et amusante, grâce au dessin.
Dans son ouvrage, Élise Rousseau aborde la question de l’obsolescence programmée et de la surconsommation. Une enquête graphique récompensée par le premier prix lycéen « Lire l’économie » 2018 dans la catégorie BD.
Trois questions à Élise Rousseau
« Mais pourquoi j’ai acheté tout ça » aborde la question de la surconsommation. Etes-vous, vous même, une surconsommatrice ?
« À l’échelle de la planète, nous sommes tous des surconsommateurs, c’est vraiment ce que j’ai compris en réalisant cette bande dessinée. Après, je n’ai jamais été une grande surconsommatrice, parce que je suis sensible depuis longtemps aux problématiques environnementales. Mais suite à cette bande dessinée, je fais désormais vraiment attention à ce que j’achète. »
« Pour autant, j’ai une maison confortable (en partie écoconstruite) et un mode de vie où j’ai vraiment tout ce qu’il me faut et encore beaucoup trop de choses ! Mais je n’ai pas de tablette, de smartphone, de micro-ondes, je n’achète quasi plus d’aliments surgelés, etc., et je vis très bien comme ça, j’ai même redécouvert certaines choses simples comme le plaisir de cuisiner à l’ancienne. On ne dit pas assez à quel point un mode de vie plus écologique apporte du plaisir et de la sérénité ! »
« Aujourd’hui, les consommateurs sont pris pour des imbéciles : on est capable d’aller se poser sur la face cachée de la Lune, mais on ne serait pas capable de fabriquer des objets durables ? »
» La surconsommation est l’un des plus grands scandales écologiques, à l’origine de problèmes majeurs. Elle crée aussi des inégalités sociales : quand on doit tout le temps changer d’objets parce qu’ils se cassent ou deviennent obsolètes en très peu de temps, on s’appauvrit. Et pour consommer toujours plus, on détruit les ressources naturelles d’autres peuples sur la planète qui en ont besoin pour vivre. Tout ça pour quelque chose de totalement superficiel ! »
Votre BD est présentée comme un docu-fiction. Est-ce que cela veut dire que vous avez dû mener une véritable enquête de terrain pour la réaliser ?
« Oui, exactement. La situation initiale de la bande dessinée, c’est un commerçant qui me dit qu’il en a ras le bol de vendre des objets de mauvaise qualité et ne supporte plus l’obsolescence programmée, je l’ai vécue. Une partie des personnages est fictive (le monstre de la surconsommation par exemple) mais d’autres sont des personnes réelles, qui sont nommées, par exemple Laetitia Vasseur la présidente de l’association HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée). »
« Je suis allée les rencontrer, et toutes ces personnes ont contribué à changer mon regard et à faire considérablement évoluer certaines de mes pratiques. Je repense souvent à ce qu’elles m’ont dit, comme François Oger, responsable de la Biocoop de Belz : manger bio ce n’est pas seulement une question d’écologie, c’est aussi tendre vers un autre mode de société et revoir complètement sa façon de consommer. »
Tout acte d’achat contribue à construire le monde dans lequel on vit.
« Quand on décide de diminuer sa consommation, on se rend compte que les impacts ne concernent pas seulement le porte-monnaie, mais que cela touche par ricochets plein d’aspects très profonds de l’existence, cela amène à changer. Le bonheur ne réside pas dans l’accumulation de possessions, mais bien dans les liens humains. »
« On parle tout le temps du pouvoir d’achat, on oublie que dans cette expression, il y a le mot « pouvoir » : on a aussi le pouvoir de ne pas acheter, le pouvoir de décider de ce qu’on va acheter, de privilégier certaines pratiques, certaines industries, la qualité (si on parvient à la trouver !). Acheter moins, mais mieux. Tout acte d’achat contribue à construire le monde dans lequel on vit. »
Votre ouvrage a reçu le prix lycéen spécial BD d’économie 2018, qu’est-ce que cette récompense représente pour vous ?
« Je ne m’y attendais pas du tout et cela m’a fait très plaisir. D’abord parce qu’il s’agit de ma première bande dessinée. Mais aussi parce que ce thème de la surconsommation me tient très à cœur et je suis heureuse que mon message ait été entendu par un jury constitué de lycéens. Les jeunes ont été sensibles à ces problématiques environnementales, cela donne de l’espoir. »
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