Tout amateur de vin a envie, en réunion avec des amis autour d'une bonne bouteille, d'apporter son commentaire sur le vin dégusté et c'est à celui qui trouvera les termes les plus « pompeux » pour impressionner et faire penser qu'il s'y connaît. C'est ainsi que l'on entend parfois : « il a de la cuisse » ou « il fleure bon la violette » ou encore « je le trouve râpeux », etc.
Il est vrai que lorsqu'on a affaire à un vin de qualité on ressent le besoin d'exprimer ce que l'on ressent. La différence entre la simple consommation et la dégustation est que celui qui ne fait qu'avaler ne dit rien ou tout au plus dit que le vin est bon ou mauvais. Alors que le goûteur essaie d'exprimer ce qu'il ressent et doit faire appel dans ce cas à un vocabulaire gustatif étendu et précis.
Le langage du dégustateur est souvent surprenant pour le profane. Il en est de la description gustative comme de l'explication de texte ou de la critique d'art. En même temps la réputation du dégustateur est souvent liée à sa façon de parler du vin. Il faut parfois se méfier car il peut discourir mieux qu'il ne goûte. Il est vrai que certains professionnels sont passés maîtres dans cette capacité de fasciner l'auditoire par leurs commentaires. Lorsque vous entendez « ce vin me rappelle l'odeur du ventre de lièvre qui a couru le matin dans l'herbe encore mouillée par la rosée » vous ne pouvez être qu'ébahi.
Tout n'est pas poésie dans le langage du dégustateur. Il importe que les termes utilisés signifient la même chose pour tous. Il est important que les dégustateurs aient le même langage et qu'ils se fassent comprendre, qu'ils emploient donc les mêmes mots pour les mêmes perceptions. Comme j'ai déjà pu le préciser dans des textes précédents sur le thème de la dégustation, pour une juste perception il faut une bonne concentration car ce que l'on perçoit bien s'énonce clairement.
Vous l'aurez compris, pour bien parler du vin il faut un vocabulaire adapté.
Quelle est l'origine de ce vocabulaire ?
Avant le 17ème siècle on trouve très peu de mots descriptifs du vin dans la littérature. Rabelais qui n'a cessé de faire l'éloge du vin et conseillait de le boire « éternellement » ne le décrit gustativement jamais. Montaigne qui parlait si bien de tout et qui était propriétaire de vignes, ne donne aucune description du vin.
La naissance du vocabulaire date du 17ème siècle et correspond à l'avènement de la qualité des vins en Europe. Au 18ème siècle il se diversifie et au 19ème il s'enrichie en même temps que progresse la connaissance de la composition du vin. En un peu plus de deux siècles, on est passé ainsi d'une quarantaine de mots à un millier répertorié de nos jours.
Quels sont les termes de base à connaître ?
-
Pour l'aspect visuel : pour parler de la couleur ou de la teinte on peut utiliser le joli terme de « robe ». J'ai cité, au début, « la cuisse », en réalité on parle de « jambes » pour décrire les « traînées » grasses qui descendent le long de la paroi du verre après que le vin ait été remué. C'est un phénomène physique de tension superficielle du à la présence de glycérol (alcool gras) dans le vin.
-
Pour l'aspect olfactif : on parle d' « arômes » pour décrire les odeurs senties dans les vins jeunes. Le terme de « bouquet », souvent rencontré, existe mais ne s'utilise que dans le cas de vins plus vieux lorsque les arômes primaires et secondaires se sont transformés en arômes tertiaires (voir textes sur la dégustation).
-
Pour l'aspect gustatif : le ressenti du vin en bouche est sans doute le plus étonnant de la dégustation. En effet, à partir d'un fluide qui mouille la surface du palais on assimile ses sensations à des impressions de volume, de forme et de consistance. La simultanéité des sensations différentes crée un relief gustatif. On parle ainsi de « relief » ou de « structure ».
La forme idéale du vin est la sphère qui caractérise l'harmonie et l'équilibre, on parle de « rondeur ». Cette forme évolue en bouche, si elle se maintient longtemps on dit que le vin est « long », si elle se transforme rapidement on dit qu'il est « court ».
Le vin peut être petit ou grand, il peut avoir ou ne pas avoir de volume. Un vin manquant de corps peut être décrit comme mince, étroit, vide, maigre ou creux. A l'inverse, un vin corsé (vin qui a du corps, de la consistance) peut se décrire comme charpenté, plein ou structuré.
La présence de tanins dans les vins rouges peut apporter de l'astringence, sensation qui fait penser à la rugosité ou au râpeux.
Les saveurs douces dues à l'alcool et au glycérol, si elles s'équilibrent avec les saveurs acides et tanniques ou si elles les dominent, feront décrire le vin comme souple, gras, gouleyant, tendre ou charnu.
Vous voici en possession d'une base descriptive avec des termes précis et adaptés qui pourront surprendre votre entourage même s'ils ne permettent pas d'envolée lyrique !