Quand les drosophiles attaquent le raisin

John Tann

Les vendanges se terminent. Comme chaque année depuis dix ans, je suis allé en Alsace dans le domaine viticole familial pour aider mon neveu à la cueillette du raisin. J'ai constaté, et ce pour la première fois de ma vie, une attaque virulente de drosophiles sur les grappes de raisin. Les drosophiles sont bien connues, on les trouve tous les ans dans les caves au moment de la fermentation des vins. D'ailleurs on accroche au plafond un néon phosphorescent qui les attire et ainsi les brûle, on l'appelle le « barbecue à mouches ».

Mais qu'est-ce que la drosophile ?

C'est une petite mouche (1 à 2 millimètres de long) qui existe partout et qui s'attaque aux fruits à chair tendre (baies, cerises, prunes, raisins). Elle est également appelée mouche à vinaigre ou mouche des fruits.

Cette attaque fulgurante sur le vignoble alsacien a également été constatée en Suisse, particulièrement dans le Valais, ainsi qu'en Allemagne dans le Bade-Würtemberg et le Kaisersthul, en face de l'Alsace.

La drosophile incriminée cette année est une variété asiatique appelée Suzukii venue du Japon, de Chine et de Corée et apparue en Europe en 2009. En ce qui concerne le raisin, contrairement à la drosophile « classique » que l'on retrouve sur les parties détériorées de la grappe, Suzukii s'attaque aux baies saines.

Image Keystone

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Le mâle féconde la femelle qui va percer la baie pour pondre ses œufs qui donneront naissance à des larves (il faut compter une dizaine de jours pour le cycle de reproduction). Outre que cette piqûre offre une porte d'entrée à la pourriture, on peut supposer que les larves vont manger la pulpe, j'ai pu en effet constater que pour certaines baies il ne restait plus que la pellicule (peau) comme si la baie avait été entièrement évidée.

La première conséquence de cette situation est une perte de volume mais il y en a une deuxième plus ennuyeuse. La drosophile est en effet porteuse d'une bactérie qui provoque une piqûre acétique dans le raisin avérée par une odeur de vinaigre qui s'y dégage. Aucun traitement n'étant envisageable en cette période il ne reste que le tri sur chaque raisin consistant à éliminer systématiquement la partie contaminée. Ceci nécessite donc une cueillette manuelle, la machine n'effectuant pas ce genre de tri, c'est un de ses inconvénients.

J'ai pu faire une autre constatation, Suzukii ne s'attaque qu'aux raisins colorés. En Alsace ce sont les raisins des cépages Pinot Noir, Pinot Gris et Gewurztraminer qui ont été atteints, tous les blancs (Sylvaner, Pinot Blanc, Riesling sont restés parfaitement sains).

francetvinfo.fr

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Certains viticulteurs constatent une perte de 30 à 40% de leur production de Pinot Noir. La profession, en Alsace, prévoyait avant la récolte une production globale de 1.170.000 hectolitres. Il est à présent établi qu'elle n'atteindra pas le million d'hectolitres.

Comment expliquer une telle prolifération en 2014 ?

La drosophile n'aime ni le froid, ni la canicule. L'hiver doux, l'été frais et humide cette année apportent une réponse à cette question.

Il s'agit là du raisin, mais la récolte d'autres fruits colorés a été, pour les mêmes raisons, compromise cette année. En effet, les cerises et à présent les framboises d'automne ont subi les mêmes attaques.

Aujourd'hui la question est : comment éviter ce fléau dans l'avenir ?

Après cet épisode « Suzukii », est donc venu le temps de la réflexion sur les stratégies de lutte à adopter. Une réunion professionnelle, pour aborder le sujet, est dors et déjà programmée à Beaune prochainement. Par ailleurs la Station de Recherche de Changins en Suisse qui continue ses observations, propose quelques pistes comme recouvrir les parcelles avec un filet à très petites mailles avant le début de la coloration des baies de raisin ou encore le saupoudrage des raisins, toujours avant l'apparition des pigments colorés, avec de la poudre de roche ou d'argile pour dissuader les femelles qui, et cela a été observé, ne pondent pas lorsqu'elles ont de la poussière sur les pattes. Un piégeage de masse est également possible : il consiste à disposer tous les deux à cinq mètres un récipient contenant du jus de pomme, un peu de vinaigre de cidre et quelques gouttes de liquide vaisselle. Enfin reste la solution de l'insecticide, il en existe, autorisé dans la viticulture biologique.

Tout ceci montre qu'amener le raisin à bonne maturité dans un bon état sanitaire n'est pas si simple. Cela prouve également, s'il en était besoin, que les conditions climatiques et météorologiques restent primordiales.