"Lui" ou le mépris des hommes (presque davantage que celui des femmes)

couv luiVu le ton (prétendument) provocateur et le style (voulu) dandy du nouveau "Lui", la rédaction a du fêter joyeusement autour d'une table du Baron ou du Flore les premières réactions (par exemple ici ou ici) qu'il a suscitées dans la blogosphère féministe : Yeahhhh! On a gagné, on les a excité-es! Rien qu'en collant une actrice à poil et des jeux de mots fastoches en couv, en troussant un de ces éditos rapido dont Fred le roi du Wonderbra a le secret et en parlant des fesses de l'idole Najat, on s'est fait du bon gros buzz gratis. Ah! On les a bien eu-es, ces con-nes! Putain, c'est cool d'être un connard qui s'assume, ça rapporte un max en comm'!

Euh, juste pour rappel... La cible, c'est pas les féministes (qu'il est certes toujours joyeux d'irriter)!

Moui, enfin, si la cible, c'est les hystéros poilues (fantasmées) qu'on croit pouvoir chatouiller avec une ligne éditoriale (grand mot) résolument tournée vers la réification des femmes, lourdement saupoudrée de testostérone gros grain, et relevée d'une bonne dose d'entre-soi décomplexé, ça risque quand même de faire un peu juste, comme marché.

Votre "Lui", ami-es de Saint-Germain-des-Près, nous, la catégorie que vous avez à grands traits désignée comme les énervé-es féministes de service et qui en le critiquant, lui offrons certes de la visibilité (sinon de la pub) à bon marché, nous l'avons acheté ce coup-ci pour voir avant d'en causer, mais nous n'allons pas non plus nous abonner.

Non, la cible de "Lui", c'est les hommes ("les vrais", s'il est utile de le préciser). N'empêche que, si j'étais un homme (même "un vrai"), j'aurais un peu les boules (!) en ouvrant "mon" nouveau "Lui".

Si j'étais un homme ni "connard" ni dominé...

venusetmarsSi j'étais un homme, je serais un peu frustré pour commencer, de n'avoir le choix dès l'édito de Beigbeder, qu'entre le modèle du cossard dominé par sa superbonnefemme et celui du "connard hétérosexuel" qui aime les bagnoles et les pépées bien roulées sans avoir rien contre les gays (sauf que, les choses devant être bien claires, il n'en est pas, hein!).

Je pourrais surprendre la rédaction en faisant part de mon expérience certes un peu dingue, mais pas si isolée, celle d'un type tout simple qui, depuis qu'avec sa compagne, ils ont arrêté de lire John Gray, se sait capable de faire plusieurs choses à la fois, même d'être créatif dans son boulot et de remplir un lave-linge à la maison, sans se sentir pour autant faible ou châtré. Un type qui n'a pas non plus besoin de rappeler à tout bout de champ qu'il mate le cul des filles pour éviter d'être confondu avec un homo (et qui s'en fout d'ailleurs, qu'on puisse le supposer gay, parce qu'il ne trouve ça ni mieux ni moins bien, en fait).

Si j'étais un de ces hommes (misérables) qui se lèvent pour aller bosser...

Si j'étais un de ces hommes qui se lèvent comme beaucoup de gens le matin pour aller bosser, et pour me nourrir et pour (dans le meilleur des cas) m'épanouir, je serais un peu gavé d'entendre Daniel Filipacchi et Frédéric Beigbeider m'expliquer après avoir passé 3 heures à la table d'un restau branché, que la réussite appartient à ceux qui se lèvent tard.

J'hésiterais avant d'en conclure que j'ai une carrière globalement pourrie et que s'il m'arrive, comble de la nazerie, de ramer pour joindre les deux bouts, c'est parce que, comme un pauvre con qui n'a rien compris de la vie, je continue si sordidement à me pointer au boulot avant midi.

Si j'étais un homme qui ne harcèle pas une femme quand elle n'a pas envie de se faire "attraper"...

Si j'étais un homme, j'aurais de la pitié (et de la honte) pour ce pauvre Nicolas Rey qui a galéré comme un porte-bât pour décrocher une interview de la Ministre des Droits des Femmes, sans succès. Et n'aura pas trouvé plus intelligent, pour se venger, que de la harceler sur son portable, comme le plus crève-la-nique des dragueurs de rue, qui, ayant échoué à attirer l'attention, se mue en prédateur agressif.

J'aurais de la peine pour ce pauvre Nicolas Rey qui, n'ayant rien à dire de sa non-rencontre avec Najat Vallaud-Belkacem, tire à la ligne pour pondre quand même un papier à peu près aussi bidon qu'une non-interview dans Bridget. Et tout à son amertume, ne sachant plus comment faire pour exister, s'en prend à l'âge du conseiller en communication de la Ministre : 28 ans. Et quand on a 28 ans, sermonne l'écrivain fatigué à l'attaché de presse, on ferme sa gueule, pigé? Quand on est un rédacteur sans inspiration, on est en revanche pleinement fondé à broder 5 feuillets d'affilée sur un sourire que d'autres machos ont déjà largement pris le temps de commenter plutôt que de se donner la peine de lire et d'analyser son (excellent) projet de loi-cadre pour l'égalité.

Si j'étais un homme à l'imaginaire érotique un peu élaboré...

600Si j'étais un homme, j'aurais aussi du mal à bander encore et toujours sur un sempiternel fauteuil en rotin, même si un graphiste diplômé en photomontage aura réussi à asseoir de force Najat Vallaud-Belkacem dessus.

Pour stimuler mon imaginaire érotique, j'aurais probablement envie de références autres que le film (assez médiocre, finalement) sur lequel s'est autrefois paluché (grand) papa. J'aurais même tendance à débander direct, je crois, à la seule vision de (grand) papa se la tripotant devant son antique téléviseur Telefunken.

Si j'étais un homme qui regarde ailleurs que dans son slip...

h-4-1260844-1259526438Si j'étais un homme et sans même avoir fait 10 ans ni de psy ni de sciences politiques, je trouverais un peu courtes les interprétations de Thomas Legrand sur la "puissance" du Président de la République et de "Rocco Obama".

Je jetterais rapidement un oeil dans mon slip pour vérifier que mon leadership n'y est pas. Et reviendrais de ce séjour en bas peut-être un peu déçu de n'avoir pas gagné le gros lot, mais pas complètement étonné non plus d'apprendre qu'il faut un peu plus qu'un vigoureux paquet bien membré pour sortir la France (et le monde) du merdier économique, politique et social dans lequel on est.

Si j'étais un homme pas si tenté que ça de me faire stériliser...

 

I-Grande-11453-ciseaux-pointus-droits-14cm-bloc.netSi j'étais un homme, je ne sais pas si j'irais me faire stériliser sur les bons conseils de Marcela Iacub dans le but d'écarter toute éventualité d'une paternité non-désirée.

Peut-être que j'aurais des capotes sur moi, pour commencer. Parce qu'une vasectomie, pour le coup, il y a fort à parier que je trouverais ça un peu castrant.

Si j'étais un homme fan de Bret Easton Ellis...

poster_55140Si j'étais un homme et que l'univers des traders cokés me fascinait (encore), j'aurais probablement de longue date lu Bret Easton Ellis et je préférerais certainement l'original à la groupie.

Je serais également revenu depuis une petite décennie de la conviction que snifer de la poudre sur le capot d'une berline est un acte de subversion accompli.

Alors, je ne sais pas si j'aurais vraiment besoin de tant de témoignages de repentis de la finance dopée pour savoir que l'excès de cocaïne rend inconscient et agressif, pousse à prendre des décisions idiotes et précipitées, en plus de coûter cher, de flinguer les relations affectives et d'exposer aux poursuites judiciaires.

Si j'étais un homme, je préfèrerais être l'égal des femmes devant autre chose que le mépris...

LUISi j'étais un homme, j'aurais globalement l'impression, en refermant "Lui", qu'on a essayé de me prendre pour un bon gros couillon.

J'irais alors peut-être au kiosque feuilleter un magazine dit féminin, pour voir si ma femme, ma soeur, ma copine, ma collègue sont traitées dans la presse genrée conçue pour les flatter, avec autant de mépris. J'en reviendrais avec l'amer sentiment, que oui, hommes et femmes, sont bien devenus égaux, grâce à la résurrection de "Lui", devant l'arrogance de quelques mondain-es désoeuvré-es qui seraient moins déprimant-es (et moins déprimé-es) s'ils avaient seulement un peu plus d'estime pour leurs contemporain-es.