Ces jours-ci, on cause sousti !
Alors qu'une étude menée par un professeur de médecine du CHU de Besançon révèle que le soutien-gorge ne soutiendrait rien du tout, voire favoriserait le relâchement de la poitrine et les maux de dos, on apprend simultanément que des étudiant-es en ingénierie de l'Université de Chennai, au sud de l'Inde, ont mis au point un soutien-gorge anti-viol qui émet de puissantes décharges électriques quand on tripote une paire sans l'autorisation expresse de sa propriétaire.
A bas les bra!
La première nouvelle me fait sauter de joie et tant pis si ça ballote un peu!
J'ai toujours trouvé le soutien-gorge superflu en plus d'être inconfortable (et d'un coût exorbitant à l'achat).
J'ai par ailleurs toujours trouvé navrante de bêtise la publicité pour la lingerie qui n'a qu'un discours à servir aux hommes et aux femmes : oubliez tout ce que vous savez de la séduction par l'intelligence, le charme, l'allure, le tempérament, car au fond, il n'y a que l'instinct animal qui compte. Et l'instinct animal, ce qui le réveille et le stimule, c'est ce qui est bien palpable. La palme de cette imagerie primaire revenant bien sûr au slogan dont l'un de nos plus célèbres pubards reste apparemment fier, si l'on en croit l'auto-citation qu'il en fait dans ses interviews et dans ses romans : "Regardez-moi dans les yeux... j'ai dit les yeux!". Comprenez, une femme peut bien avoir le regard brillant d'intelligence, la tête pleine de culture, l'esprit vif et le verbe haut, l'homme ne s'intéressera au fond qu'à ses formes avantageuses. C'est tellement valorisant pour les deux sexes!
Que cache le soutien-gorge?
Quand j'étais ado, ma mère me conseillait de porter un soutien-gorge car elle estimait qu'outre sa prétendue fonction anti-gravité, le soutif avait le mérite de cacher un peu la poitrine, de la rendre plus décente sous un tee-shirt ou une chemise. L'intention était louable, ma mère ne tenait vraisemblablement pas à ce que mes bourgeons naissants attirent l'attention et réveillent des appétits prédateurs. Mais derrière l'intention, il y avait bien sûr l'indispensable message qu'on ancre fermement dans la tête des filles dès les premières heures de leur vie de femme : ton accoutrement et ton comportement envoient des signes, prends-en conscience, fais-en ta propre loi et si tu la transgresses, ne viens pas te plaindre après. Bref, tu es en partie responsable de ce qui peut t'arriver. Cache-toi ou si tu te montres, c'est à tes risques et périls.
J'ai suscité des commentaires outrés lorsqu'il y a quelques semaines, j'ai relayé l'appel des féministes indiennes faisant suite au viol collectif de Jyoti Singh : "Nous réclamons le droit à l'imprudence!". Bien plus courageuses que la plupart des militantes occidentales, les membres de l'association indienne des femmes progressistes jetaient pourtant LE pavé dans la mare : elles disaient sans détour qu'on ne luttera pas efficacement contre les violences sexuelles tant qu'on considèrera que les victimes sont aussi des suspect-es. Suspect-es d'avoir provoqué d'une façon ou d'une autre leur agresseur-e. Et possiblement coupables de n'avoir pas fait ce qu'il fallait pour prévoir l'agression et pour se défendre.
Pour ou contre le sousti-taser?
Alors que penser du taser-bra indien qui dénonce en même temps qu'il punit, sans procès et sans répit, celui qui laisse ses mains se balader en zone non autorisée?
Que le soutien-gorge électrique ne règle pas le problème de fond, assurément. Mais qu'il a quand même d'indéniables vertus pédagogiques. Pour les tripoteurs qui pourront se faire une idée assez précise de ce qui ressemble bien en nous à une violente décharge électrique, quand on se fait mettre inopportunément et intempestivement la main aux fesses ou aux seins.
Pour les femmes aussi, qui ont toujours tendance à douter quand ce type d'agression survient : m'a-t-on bien pelotée ou bien, nymphomane que je suis, ai-je encore rêvé? Etait-ce bien un geste délibéré ou la main a-t-elle seulement glissé par inadvertance sur moi? A-t-on tenté de me priver de ma liberté à décider qui peut caresser mon corps ou a-t-on seulement exprimé avec maladresse (ah ah ah) le désir qu'il inspire? A-t-on précisément voulu me faire part de ce désir ou a-t-on plutôt exercé sur moi une violence intimidante destinée à me rappeler que ma sécurité dans l'espace public n'est pas, par principe, un acquis?