Un professeur des écoles a perdu jusqu’à 1350 € de salaire depuis 2010

(Crédit Cédric Joubert / AFP)

Ce mardi 18 mars la fonction publique sera en grève, donc. Pour les salaires, l’emploi, pour la défense du service public, contre la politique d’austérité du gouvernement.

Une grève de plus, entend-on déjà, une grève qui a peu de chance d’être vraiment suivie. A l’heure où le gouvernement cherche à faire 50 milliards d’économies (sans franchement trouver), peu après que le ministre Peillon a lancé l’idée de geler l’avancement des fonctionnaires (bombe rapidement désamorcée par Ayrault), cette grève va sembler à beaucoup incongrue, voire à côté de la plaque. Sans doute l’est-elle, même si on peut lire ici ou que la politique d’austérité n’est plus ce qu’elle était.

Personnellement je ne ferai pas grève, ayant notamment décidé une fois pour toutes que je ne voulais pas m’entendre dire que je fais grève pour ma pomme, même si début 2014 mon salaire a baissé de 10 €, une fois de plus.

Le pouvoir d’achat des profs baisse depuis 1981

On ne va pas jouer les pleureuses, il y a évidemment plus à plaindre que les enseignants, mais cette grève de la fonction publique est l’occasion de rappeler quelques petites choses, histoire de comprendre l’état d’esprit des profs.

- entre 1981 et 2004, le baisse du pouvoir d’achat des profs est de l’ordre de 20% d’après l’économiste Robert Gary-Bobo, qui estime que « pour que les enseignants retrouvent, sur leur cycle de carrière, les mêmes espérances de gains que leurs aînés, recrutés en 1981, il faudrait revaloriser les salaires d’au moins 40 % » ; dans le primaire, la création du corps des professeurs des écoles compense pour partie (mais il reste aujourd’hui encore pas mal d’instituteurs…)

- le pouvoir d’achat des profs français a baissé de près de 10% entre 2000 et 2010 (source OCDE) ; sur cette période, seuls les enseignants japonais, et à un moindre degré les Suisses, ont connu pareil sort (mais leur salaire reste très supérieur à celui des français)

- en moyenne dans l’OCDE, les profs des autres pays ont été augmentés de près de 20% sur cette période ; les profs français restent donc parmi les moins bien payés des pays de l’OCDE, au niveau de pays comme la Grèce ou la Slovénie (où le niveau de vie général est bien moins élevé).

Depuis 2010 : ça continue, encore et encore

Depuis 2010 et le gel du point d’indice pour les fonctionnaires, le salaire baisse régulièrement car les prélèvements, eux, augmentent. Certains fonctionnaires bénéficient d’un treizième mois ou de primes, mais les instits n’ont rien, ou plutôt n’avaient rien : ils touchent cette année pour la première fois une prime de 400 € bruts (contre plus de 1200 € dans le secondaire). Cependant cette prime est loin de couvrir la baisse de salaire enregistrée entre 2010 et 2014… Voici l’évolution du traitement d’un professeur des écoles (zone 1 d’indemnité de résidence) depuis le gel du point d’indice à 4,63 € bruts mensuels. A titre indicatif, l’échelon 7 représente environ 10 à 12 ans de carrière.

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La dernière colonne indique ce qu’un professeur des écoles, si les salaires étaient restés au niveau de ceux de 2010, aurait touché en plus sur la période 2010 – 2014. Un professeur au 11ème échelon a donc perdu plus de 1100 € nets depuis 2010. Parmi les profs des écoles, les mieux payés sont les 2% qui parviennent au "hors classe" : un prof qui serait au 7ème et dernier échelon du hors classe aurait touché 1347,96 € nets en plus si les salaires n’avaient pas bougé depuis 2010.

Il faut donc bien comprendre une chose : gel du point d’indice ne signifie pas gel des salaires, mais baisse des salaires.

 

Par ailleurs, il n’a échappé à personne que l’inflation n’a pas fait de pause depuis 2010 :

En 2010, +1,7%

En 2011, +2,1%

En 2012, +2,0%

En 2013, +0,7%

Au total, +6,6 % sur cette période : ce qui valait 100 € en 2010 en valait 106,65 € fin 2013.

Il ne reste plus qu’à croiser les courbes descendantes des salaires avec celles montantes du coût de la vie, et on comprendra pourquoi les enseignants trouvent que leur pouvoir d’achat s’effrite depuis maintenant plus de trois décennies et ont le sentiment, avec leurs salaires gelés depuis 4 ans, de participer à l’effort national…

 

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