Un déficit de sympathie peut-il plomber une élection ? Retour sur 2012 et perspectives pour 2017.

Crédits: Charles Platiau/Pool/AFP

Si Nicolas Sarkozy n’a pas gagné en 2012, c’est finalement … de sa faute. Dans ce cas précis d’un scrutin annoncé serré notre modèle ElectionScope est en mesure de démontrer l’impact décisif d’un facteur explicatif manquant : le degré de sympathie accordé aux candidats. Ainsi, ce serait bien à cause de ce déficit de sympathie du Président sortant par rapport à François Hollande que le résultat a basculé et que l’élection lui a finalement échappé.

 

L’élection de 2012 s’est jouée à la marge, et sur le déficit de sympathie du sortant

En mesurant et en interprétant l’écart de popularité entre le sortant et son principal prétendant à la veille du premier tour de l’élection présidentielle, le verdict est brutal. François Hollande a bénéficié d’un excédent de sympathie (au sens d’une crédibilité bienveillante) de près de 20 points sur Nicolas Sarkozy (52% contre 33 % de satisfaits Sofres avril 2012). Cet écart a été déterminant. En effet, à un mois de l’élection notre modèle donnait 50,3% au sortant mais, si l’on avait tenu compte de ce déficit de sympathie de Nicolas Sarkozy sur François Hollande, le score tombait à 49,6% (contre 48,8% réalisé en métropole). Nous avons là le chaînon manquant pour une explication des comportements de vote, en particulier lorsque le jeu est serré. A côté des facteurs politiques et du bilan de la politique économique du sortant dressé par les électeurs, il y a bien un facteur de nature plus psychologique qui entre en ligne de compte de façon plus ou moins contrôlée par les électeurs.

Quand les cotes de popularité révèlent les états d’âme

Avec les cotes popularité, il devient possible d’entrevoir l’effet des attitudes politiques sur le ressenti des électeurs et leur affect (état d’âme). C’est un peu comme si les électeurs faisaient le benchmark des candidats pour retenir, plébisciter celui qui les apaise le plus, celui qui les agresse le moins (au sens figuré). En 2012, il semblerait que François Hollande plus populaire que Nicolas Sarkozy ait plus « rassuré » avec sa posture de candidat « normal » en réaction à « l’hyper président » sortant, qui inquiétait plus qu’il n’apaisait, allant même jusqu’à provoquer l'amplification du Sarkozy bashing durant la campagne.

En France sous la V°République (voir graphique 1), l’élection présidentielle s’est jouée de peu en 2012 mais aussi en 1974, Valéry Giscard d’Estaing l’emportant avec seulement 50,7% des voix; mais il bénéficiait d’un surplus de popularité sur François Mitterrand de 3%. En 1981, 1988, 1995 et 2007, François Mitterrand (par deux fois), Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont bénéficié eux aussi d'un excédent de popularité sur leur principal challenger trois semaines avant le premier tour. Mais leur victoire, à chaque fois confortable, avait déjà été conditionnée par des facteurs purement économiques et politiques. En conséquence, les problèmes d'affect n'auraient pas changé le cours des choses. L'année 2002 reste la seule exception dans ce tableau puisque Lionel Jospin est éliminé par Jean-Marie le Pen au premier tour alors qu'il bénéficie de 7 points d'excédent de popularité sur Jacques Chirac début avril.

Graphique 1

 

Etre sympa ne suffit pas pour gagner une élection, mais cela peut aider si elle est serrée

Lorsqu’un scrutin s’annonce serré, le candidat jugé le plus sympathique a un véritable atout pour faire basculer le scrutin à son avantage. Un résultat à cogiter pour 2017… et pour l’heure à droite, à ce petit match, c’est Alain Juppé qui semble tenir la corde. Il est parmi les principaux candidats de droite (François Fillon est aussi candidat déclaré et Nicolas Sarkozy candidat probable) celui qui creuse le plus l’écart, quel que soit le candidat de gauche. Si l’élection avait lieu aujourd’hui il devancerait François Hollande de 27 points de satisfaits, puis Martine Aubry et Manuel Valls de 10 points de satisfaits (voir Tableau 1). Alors que, de leur côté, Nicolas Sarkozy et François Fillon accuseraient un léger retard sur Martine Aubry et Manuel Valls, mais pas sur François Hollande.

Tableau 1

 

Si une présidentielle serrée devait avoir lieu aujourd’hui, le candidat ayant le capital de sympathie le plus élevé serait Alain Juppé. Et s’il n’était finalement pas candidat, les chances d’un Sarkozy ou d’un Fillon candidats seraient conditionnées à la candidature de François Hollande, pour l’heure le moins bon « cheval » pour la gauche !