Les 100 jours de Manuel Valls : un Premier ministre toujours populaire mais déjà usé ?

Mardi 8 juillet, cela fera 100 jours que Manuel Valls est à Matignon. C’est l’occasion de comparer l’évolution de la popularité du Premier ministre, après trois mois d’exercice, à celle du Président de la République et d’en tirer quelques enseignements.

 Aujourd’hui Manuel Valls bat tous les records avec une popularité (Ifop) de 33 points supérieure à celle du Président François Hollande, mais en a-t-il toujours été ainsi pour ses prédécesseurs sous la V° République?

 

Autres temps, autres mœurs ?

L’étude des taux de satisfaits montre que non. Bien au contraire, en septembre 1962, c’est le Président de la République Charles de Gaulle qui a 32 points d’avance sur son Premier ministre Georges Pompidou.

Qu’est-ce qui a changé depuis ? Beaucoup de choses en réalité, mais surtout –à côté des phénomènes de société- ce sont les hommes eux-mêmes qui ont évolué et apparemment pas dans le sens attendu.

pop-comp-PM-PT-100-jours

 

 

De 1958 à 1992 le Président est plus populaire que son Premier ministre en poste depuis 100 jours

Une lecture sur le long terme fait apparaître une rupture en juillet 1992. Avant cette date, on note deux exceptions. En septembre 1981, Pierre Mauroy devance  François Mitterrand avec  50% de satisfaits contre 48%. En octobre 1984, le Premier ministre Laurent Fabius et le Président de la République, François Mitterrand, sont à égalité avec 31% de satisfaits. En dehors de ces deux cas, tous les Premiers ministres en poste depuis 100 jours environ (les popularités sont mensuelles) ont toujours été moins populaires que le Président de la République.

Cette situation ne doit pas nous étonner, elle serait même plutôt normale si l’on accepte l’idée d’un Premier ministre qui, dans l’esprit de la V° République doit faire écran et protéger le Président de la République.

Le Premier ministre doit assumer l’impopularité de choix politiques difficiles et de décisions économiques menant à des réformes qui font plus de perdants que de gagnants. C’est à lui qu’échoient l’annonce des politiques de rigueur, la justification des hausses d’impôts… Il est aussi en première ligne lorsqu’il fait sa déclaration de politique générale à l’Assemblée Nationale ou lors du vote d’une loi de finance rectificative.

Quand le Premier ministre dépasse le Président ou la rupture de 1992-1993

A partir de juillet 1992, Pierre Bérégovoy, le dernier Premier ministre socialiste de François Mitterrand va bénéficier d’un léger surcroît de popularité (à 32% de satisfaits contre 26%). Cela marque un véritable tournant.

La page se tournera ensuite sur la cohabitation avec Edouard Balladur à 53%, soit 14 points de satisfaits de plus que le Président Mitterrand.

Dès lors, le mouvement est enclenché et aucun Président de la République  (Nicolas Sarkozy excepté en 2007 à 69% contre 63% pour François Fillon) ne dépassera son Premier ministre à l’issue des 100 jours de ce dernier.

A qui la faute ? Au Premier ministre ou au Président de la République ?

Si la cohabitation est un élément de réponse pour justifier certaines situations, cela ne suffit pas. Il semblerait qu’il faille admettre –et le constat est amer- que la fonction présidentielle soit de plus en plus difficile à investir et à incarner.

En attestent l’attitude même de certains citoyens envers le Président, qui lorsqu’ils lui manquent de respect oublient que c’est la France qu’ils offensent. On l’a notamment sifflé sur son passage lors de commémorations historiques (voir l’incident du 11 novembre 2013 ou l’hommage à Jaurès par exemple).

Mais parfois, c’est le Président lui-même qui « dérape » et descend dans l’arène pour répondre aux altercations par une réponse qui ne sied, ni à son rang ni à sa fonction (voir l’épisode de Nicolas Sarkozy au salon de l’agriculture ou face à un marin pêcheur en colère).

Une certaine forme de « normalité » s’est insidieusement installée, et ce, bien avant que François Hollande ne s’empare du concept de Président « normal ». C’est ainsi que, paradoxalement, François Fillon hier, ou Manuels Valls aujourd’hui, sont devenus plus populaires que le Président en incarnant ce qu’il « n’est plus » à leurs yeux, c’est à dire une autorité politique et morale au-dessus de la mêlée.

Ceci fait-il de Manuel Valls un champion « toutes catégories » ?

A 33 points au-dessus du Président, après 100 jours à la tête du gouvernement, est-ce lui qui est fort ou est-ce le signe de la faiblesse présidentielle ? Les deux, très certainement !

Gageons cependant, que le courage de l’annonce d’une volonté de réformer est à porter au crédit de Manuel Valls, qui vient encore de réaffirmer récemment sa détermination et son désir d’action.

Certains épisodes récents le rendent crédible. Il a su « tenir bon » dans le conflit SNCF. Mais il semble aussi lâcher du lest sur le volet social, ce qui inquiète le patronat. Mais simultanément, suspecté d’être trop à l’écoute du patronat, il irrite les syndicats de salariés. Enfin, jugé trop rigoureux (voire trop à droite) dans ses réformes, la fronde grandit dans son propre camp.

Conséquence : il a déjà perdu 7 points depuis son installation à Matignon.

Toujours populaire mais déjà usé

Doit-on interpréter cette  baisse comme une forme prématurée d’usure du pouvoir et le signe que « l’état de grâce », dont bénéficie en théorie tout nouveau responsable de l’exécutif, est déjà terminé ?

Si tel est le cas, ce n’est pas une bonne nouvelle pour Manuel Valls qui a besoin de soutien dans un contexte de crise économique qui perdure et, impose de prendre des mesures forcément  impopulaires. La force de tous ceux qui ont réussi est d’avoir su imposer la rigueur, peu de temps après leur arrivée au pouvoir profitant de l’euphorie du tout nouveau tout beau. C’est l’état de grâce dont il faut vite profiter pour faire passer plus facilement les mesures les moins agréables … car  on sait bien que demain il sera trop tard.

Et pour Manuel Valls, juillet 2014 c’est déjà demain ?

Suivez-nous sur twitter @veroniqueJEROME