Gouvernement Valls : une politique de l’offre en trompe l’œil ? Le verdict en 2017.

Un pacte qui ne plaît pas à la gauche de la gauche, mais que certains à droite et au centre se disent prêts à voter. Il n’en faut pas plus pour s’autoriser cette affirmation : le gouvernement Valls confirme le virage social-libéral initié par François Hollande il y a peu, officialisant une prise de distance avec le programme socialiste de la campagne de 2012.

1 Un gouvernement Janus

Par analogie avec le Dieu Romain aux deux visages, on a un gouvernement Janus qui tente de jouer sur les deux tableaux d’une approche sociale-libérale. Après s’être fait élire en 2012 sur la base d’un programme socialiste, le Président dans son discours du 14 janvier 2014, a demandé à son gouvernement d’amorcer un virage idéologique. Mais au lendemain du vote sanction des municipales, certains au PS réclament plutôt de remettre la barre à gauche.

2 Pourquoi?

Ce n’est pas une politique libérale, mais cela y ressemble, et c’est bien ce qu’il convient  à un gouvernement socialiste acculé devant la nécessité de réduire dette et déficits publics, sous la pression d’une Union Européenne de moins en moins accommodante. Il faut lui envoyer un message fort, et des preuves de bonne volonté quant aux intentions de la France, de converger à nouveau, vers les critères de Maastricht. Car, plus que la réussite, c’est l’intention et la mise en place de mesures significatives qui seront prises en compte par Bruxelles. Néanmoins, le gouvernement reste contraint à l’efficacité, s’il souhaite donner à son camp et, à celui qui sera son candidat, les meilleures chances d’aborder les échéances électorales de 2017.

3 Comment?

Même s’il s’en défend, c’est bien une politique de rigueur que Manuel Valls a présenté à l’Assemblée Nationale le 8 avril 2014. Certes, ses détracteurs à gauche la trouvent trop « rigoureuse » quand ses détracteurs à droite la jugent trop « timide ». Cependant, force est de constater qu’à côté d’un timide volet social qui est normalement la « marque » de toute politique socialiste, une place est faite à des mesures en faveur des entreprises. Est-ce là ce que  ferait un gouvernement de droite mettant en œuvre une politique de l’offre ? Cela reste à vérifier. On peut en effet rappeler, qu’une véritable politique de l’offre est en principe fondée sur la baisse des impôts (des entreprises et des ménages) et sur des incitations explicites pour plus d’offre au sens large. Il s’agit d’accroître l’offre de produits certes, mais aussi l’offre de travail, de la part des salariés motivés par les baisses d’impôts.

4 Que penser des moyens mis en œuvre : une politique de l’offre en trompe l’œil 

Est-ce une véritable politique de l’offre ? Pas sûr, en tout cas ce n’est pas ne politique de l’offre au sens de celle définie par ceux que l’on nomme les Supply siders, qui ont inspiré Ronald Reagan et Margaret Thatcher. On peine à retrouver dans le pacte Valls-Hollande les grands principes de la politique de l’offre. Elle fait notamment observer que trop d’impôts tue l’impôt (Arthur Laffer), que les hauts taux tuent les totaux (à l'origine Barthélémy de Laffemas conseiller d’Henri IV), et conclut sur la nécessité d’une baisse concomitante des impôts et de la dépense publique. On observera que depuis 1978, la concomitance entre baisse de la pression fiscale et baisse de la dépense publique n'a été observée que sur cinq années (Fabius (PM) 85-86; Chirac (PM) 87-88; Rocard (PM) 88-89; Jospin (PM) 99-2000; Villepin (PM) 2006-2007). C'est dire le peu d'appétence des gouvernements français pour une politique de l'offre s'inscrivant dans la durée...

Avec un ratio de 57% de dépenses publiques en pourcentage du PIB en 2013, l’effort s’impose et est envisageable, car nous étions à 46% en 1980, et sous la barre des 50% en 1990 (voir graphique ci-dessous).

cycle electoral impots depenses publiques

5 Une politique de l’offre avec un volet social

La politique proposée par Manuel Valls n’est peut-être pas non plus une véritable politique de rigueur. Le terme de rigueur est d’ailleurs proscrit par le gouvernement, qui sent bien que cela peut nuire à son image de gauche. Et puis, il y a quand même un volet redistribution à destination des moins favorisés. Et si les petites retraites ont été oubliées –cela vient d’être corrigé-, c’est peut-être parce que cette catégorie relève plutôt de l’électorat captif de la droite. Or, on le sait, le soutien politique enseigne de d’abord s’occuper de ceux qui vous seront reconnaissants dans leur vote. Mais cherchant à faire une politique plus à droite il y a confusion quant aux électorats visés. Pire, en cherchant à satisfaire tout le monde, le gouvernement risque de mécontenter tout le monde.

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Les mesures telles que le CICE (Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi) et les allègements de charges, sont plutôt des mesures de droite. Mais, c’est pour la bonne cause, affirme le gouvernement, qui redécouvre qu’il n’y a pas que les mesures étatiques et les emplois aidés, qui peuvent apporter  des solutions sur le marché du travail. Les entreprises privées peuvent donner une impulsion favorable, et devenir le moteur d’une croissance future et créatrice d’emplois.

6 Les conditions du succès de la politique économique

Ici, on s’éloigne des politiques neo-keynésiennes chères aux gouvernements de gauche, pour leur préférer des mesures propices à libérer l’offre, comme c’est le cas dans les politiques conservatrices ou libérales. L’avantage attendu de ces mesures est un effet de levier, qui doit se démultiplier sous la forme d’un cercle vertueux : moins de contraintes et de charges pour libérer les entreprises et ainsi les inciter à embaucher. Mais, il faut encore qu’elles soient confiantes dans les perspectives de débouchés à venir, ce qui ne se décrète pas ! Cependant, si l’horizon s’éclaircit, alors il n’y aura plus d’obstacles à voir s’enclencher les étapes vertueuses : plus d’emplois, donc plus de revenus distribués, plus de consommation et donc plus de croissance. Schéma macroéconomique simplifié à l’extrême et supposant –hypothèse forte- qu’aucun grain de sable ne viendra gripper le mécanisme.

Ces attentes sont légitimes, et lorsque l’on constate qu’une partie de la droite dit les approuver c’est peut-être parce qu’elle se reconnaît dans cette politique ?

7 un gouvernement de gauche faisant une politique de droite : objectif purement économique ou stratégie politique ?

On ne peut s’empêcher d’imaginer, que même si cela ne saurait être l’unique raison, la stratégie politique est peut-être l'une des raisons des objectifs visés. Couper l’herbe sous le pied de la droite, réduire l’opposition au silence, voire la contraindre implicitement à adhérer, à former un consensus… Cette stratégie pourrait avoir une efficacité électorale à terme. Le gouvernement dégage le paysage politique pour récolter –en 2017 à l’heure du bilan- les bénéfices de sa politique, tout en laissant très peu de marge de manœuvre à la droite qui n’a pas de politique alternative –sauf à proposer de doubler l’effort et passer de 50 milliards à près de 100 milliards d’économies.

8  Les inconnues de 2017

Certes, il est trop tôt pour se prononcer sur les chances de succès de la politique. Cependant, on peut déjà poser la question de la réaction des électeurs. Comment vont-ils interpréter ce changement de cap ? Le gouvernement en prenant le risque de brouiller le positionnement idéologique de son message, prend aussi le risque de voir une partie de son électorat faire défection et ne pas le suivre.

9 Du passage à l'acte aux résultats

Il semble que tout ceci ne marchera, qu’à condition que le gouvernement réponde efficacement aux attentes qu’il a lui-même  participé à créer et à entretenir. En répétant régulièrement, qu’il croit au retour de la croissance, et à l’inversion de la courbe du chômage,  il s’oblige certes à réussir, mais les promesses ne font pas une réputation ni une crédibilité ! En 2017, le sortant sera jugé sur ses actes, plus que sur ses paroles. Après la phase de communication, il va falloir très vite, passer à la phase de mise en œuvre des mesures et au verdict des résultats.

On ne peut pas plaire à tout le monde

Pour l’heure on peut s’interroger sur l’efficacité à terme d’une stratégie qui cherche à satisfaire tout le monde au risque de déplaire à gauche sans attirer à droite. Le résultat pourrait être doublement contre-productif : absence de gains électoraux en 2017 et coût d’opportunité élevé provoqué par un usage non efficace, in fine, de la politique budgétaire.