2,25% pour 2016 et 2017 : un objectif de croissance qui ne doit rien au hasard, Electionscope vous dit pourquoi.

crédits photo: Eric Feferberg/ AFP - francetvinfo.

François Hollande annonçait il y a quelques jours qu’il ne saurait, ni ne pourrait, se représenter en 2017 si le chômage n’avait pas baissé. Plus qu’une confidence, c’était en réalité une véritable déclaration. Si c’est un peu tôt pour une déclaration de candidature, cela se pose comme une déclaration d’intention, ou une promesse de plus diront les mauvaises langues.

Mais que dit réellement le Président ? Annonce-t-il qu’en cas d’échec sur le terrain de la baisse du chômage … il en tirera les conclusions en se retirant de la politique ? Non, certainement pas ! D’ailleurs il n’y croit pas, tant il est convaincu que le chômage va baisser et qu’il va pouvoir se représenter. Et s’il semble se précipiter, c’est peut-être parce qu’il n’est pas aujourd’hui le plus populaire des candidats potentiels. Mais le débat est ailleurs.

Communication stratégique

Pour l’heure, il s’agit de communiquer sur des objectifs, mais pas n’importe quels objectifs, essentiellement ceux qui feront le bilan à la veille de la présidentielle et qui devront « servir » la réélection.

Ainsi, le chiffre avancé de 2,25% pour la croissance de 2016 et de 2017 pourrait être le résultat d’un calcul stratégique précis, et qui n’est pas sans lien avec le calendrier électoral et l’échéance de 2017. C’est à cette conclusion qu’est parvenu Electionscope après avoir procédé à une analyse politico-économique complète.

Une croissance à 2,1% et un chômage à 7,3% seront nécessaires à la réélection du sortant

Selon les calculs d’Electionscope, un taux de croissance de 2,1% - qui est aussi le seuil de réélection sous la V°(voir notre post : https://blog.francetvinfo.fr/electionscope/2014/04/08/lexecutif-sous-la-pression-du-calendrier-electoral-et-de-la-croissance-2017-cest-deja-demain.html) -correspond à un taux de chômage de 7,3% fin 2016. Ce qui signifie, que jusqu’à fin 2016 on doit observer une baisse de l’ordre de 300 000 demandeurs d’emplois par an. Les dispositifs mis en place dans le cadre du pacte, comme les  exonérations de cotisations, les emplois aidés et le CICE (Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi) parviendront-ils à générer suffisamment d’emplois nouveaux ? Le gouvernement est confiant, les observateurs un peu moins, jugeant les projections trop optimistes eu égard au contexte global plutôt atone.

Le chômage pourrait baisser … à condition

Mais attention, tout ceci c’est ceteris paribus comme disent les économistes. C’est toutes choses étant égales par ailleurs, ou plus concrètement, cela tient si l’on isole le phénomène. Sur le papier, c’est une hypothèse forte, mais pratique. Dans la réalité, on sait très bien qu’il y a toujours un risque que cela ne se passe pas comme prévu, parce que justement l’imprévisible nous échappe. Or, ce n’est pas parce qu’un évènement est imprévisible, qu’il ne va pas agir et perturber un scenario ! Certaines crises s’annoncent, d’autres pas, et plus on est éloigné dans le temps et dans l’espace, plus la prévision est compliquée.

 Gouverner : prévoir, choisir, manipuler la politique économique

Certes, « Gouverner c’est prévoir » (Emile de Girardin), mais « Gouverner, c’est (aussi) choisir entre deux inconvénients » disait Pierre Waldeck-Rousseau. Or, il semblerait que pour François Hollande il y aura bien deux inconvénients majeurs, mais pas de choix possible.

En effet, il va devoir « manipuler » efficacement l’économie, mais pour ce faire, il devra aussi être populaire. Or, c’est justement là que le bât blesse, il a –pour l’heure- un énorme déficit de crédibilité et, il a un cruel besoin de manipuler l’économie. Manipuler, au sens économique du terme, ce qui signifie utiliser les bons instruments pour influencer favorablement les évolutions des grandeurs macroéconomiques.

Un bon bilan : condition nécessaire pas toujours suffisante

François Hollande a compris l'un des grands principes de base de l’analyse économique de la politique : pas de réélection possible avec un mauvais bilan économique.

Les dernières municipales sont même allées plus loin, avec un vote sanction qui a montré que parfois, pour les sortants de gauche, un bon bilan était une condition nécessaire mais pas suffisante.

Cycle électoral et chômage (1958-2013)- Electionscope.

 

 

 

 

 

 

Le lien réélection-chômage : les enseignements de la V°

En juin 2011 Nicolas Sarkozy pouvait encore espérer l’emporter, ayant ramené le taux de chômage de 9,2% à 8,6%, avant que la courbe du chômage ne reparte à la hausse. Lionel Jospin, le Premier ministre en cohabitation a lui aussi été victime d’un retournement défavorable de la courbe du chômage en juin 2001. Tous les Présidents sortants (ou le camp du Premier ministre en cohabitation) qui ont été réélus ne l’ont été qu’à la faveur d’une baisse sensible et ressentie du chômage.

Les cas de cohabitations sont complexes. Normalement le véritable sortant, c’est celui qui a décidé de la politique économique et donc c’est le Premier ministre. En 1988, Jacques Chirac aurait du l’emporter car le chômage amorçait une décrue qui allait durer. La première expérience de cohabitation n’a pas été complètement assimilée puisque les français ont aussi porté au crédit du Président Mitterrand le bilan du gouvernement Chirac.

A l’issue de la seconde cohabitation, ils ont su récompenser le camp du sortant de droite pour un chômage en baisse. Mais preuve que l’apprentissage de la cohabitation est difficile; les français ont éconduit Edouard Balladur, le Premier ministre sortant, pour lui préférer Jacques Chirac.

Popularité et usure du pouvoir

Lutter efficacement contre le chômage ne suffit pas, il faut aussi être en mesure de rester populaire c’est-à-dire de ne pas être victime d’une « usure du pouvoir » prématurée. Il apparaît souvent difficile à un Premier ministre sortant de gagner la présidentielle, car il arrive souvent « usé » d’avoir servi de bouclier au Président, et il est rarement le plus populaire des deux, … sauf exception comme aujourd’hui (ou lors du précédent septennat).

Le placard ou le château

Manuel Valls doit-il s’en réjouir ? Cela va-t-il durer ou sera-t-il emporté dans le tourbillon de l’impopularité ? Des frondeurs ne s’agitent-ils pas déjà au sein même de son propre camp ? Le Président pourra-t-il finalement récupérer un peu de crédibilité en laissant son Premier ministre faire les frais (en baisse popularité) d’une politique exigeante en attendant d’en récolter les fruits? Si elle s’avère aussi efficace qu’attendue.

Pour Manuel Valls, à terme, cela pourrait se résumer par : le placard pour cause de Rocardisation ou la conquête du château via l’investiture socialiste en 2017.

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