Une femme sera maire de Paris, mais pour l'heure ni les sondages, ni les résultats du premier du premier tour ne permettent de trancher entre Anne Hidalgo la sortante et Nathalie Kosciusko-Morizet. Le débat de mercredi permet-il d'y voir plus clair?
Femmes et politique : la parité, quelle parité ?
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits de la femme est dans son rôle lorsqu’elle déplore que la France ne compte que 14% de femmes maires. Dans les villes de 9000 à 30000 habitants le pourcentage tombe à 8% (en 2008). Dans la cinquantaine de communes françaises parmi les plus peuplées, seules huit femmes ont été élues en 2008 ; on observe une majorité de femmes de gauche (4 pour le PS, 1 pour les Verts, 1 pour le PCR parti Communiste Réunionnais) et 2 UMP.
Dans le monde : peu de femmes à la tête de métropoles
La France ne fait pas exception, dans le monde, rares sont les grandes villes dirigées par des femmes, à l’exception d’Ana Botella (Madrid), Patricia de Lille (maire de la municipalité métropolitaine du Cap), de Fumiko Hayashi (maire de Yokohama deuxième ville du Japon avec plus de trois millions et demi d’habitants), de Carolina Tohà (élue maire de Santiago du Chili fin octobre 2012) et de quelques autres… Dianne Feinstein (maire de San Francisco entre 1978 et 1988), ou encore Charlotte Whitton qui en 1951 fut la première femme élue maire d’Ottawa.
Paris est donc en passe de devenir un exemple pour toutes les femmes qui auraient envie de se jeter dans l’arène politique avec une ambition, un projet, un désir de changement qui dépassent le seul respect d’une parité à marche forcée.
A Paris, Nathalie Kosciusko Morizet – Anne Hidalgo : des candidates que tout oppose ?
Si l’on note un léger écart générationnel, Anne Hidalgo obtenant la nationalité française (à quatorze ans) l’année de naissance de Nathalie Kosciusko Morizet; on observe certains points communs, comme le fait d’être parfois entourées de membres de l’autre bord politique. L’arrière grand père de Nathalie Kosciusko-Morizet fut un des membres fondateurs du parti communiste français. L’Express (n° 3246) nous apprend aussi qu’Anne Hidalgo est amicalement coachée par le Copéiste Bastien Millot.
Et la crédibilité des candidates ?
A égalité avec 34% de crédibilité selon l’indice agrégé ELECTIONSCOPE® en juin 2013 date de la désignation de Nathalie Kosciusko-Morizet à l’issue des primaires UMP, Anne Hidalgo « la sortante » accusait un retard de 4,8 points en septembre 2013.
Les premiers sondages en 2013 qui testèrent un duel de second tour entre les listes UMP et PS à Paris donnaient en janvier douze points d’avance aux listes PS sur leurs rivales UMP et seulement 5 points d’avance en août. En 2014 les sondages ont donné entre 38% et 39,5% aux listes PS-PC contre 35,5% à 38,5 % aux listes UMP-MoDem-UDI.
Dimanche 23 mars premier tour des municipales
Les résultats globaux du premier tour ont fait mentir les sondages en plaçant Nathalie Kosciusko-Morizet en tête avec 35,64% des voix devant Anne Hidalgo à 34,4%. Mais il serait à ce stade risqué d’en déduire le résultat du second tour en raison du mode de scrutin par arrondissement. Et pour l’heure rien n’est acté dans les arrondissements clés gros fournisseurs de conseillers de Paris comme le XII° ou le XIV°.
La communication de l’entre deux tours : le débat de mercredi
A leur arrivée au studio d’I>Télé, on constate que les deux candidates ont fait preuve de sobriété. Campagne électorale et fraîcheur de la météo obligent, le tailleur pantalon était de rigueur. Seule la couleur de l’écharpe donnait la tendance, le bleu des conservateurs chez Nathalie Kosciusko-Morizet et écharpe rose de campagne chez la socialiste Anne Hidalgo. Cette dernière avait pris soin d’accrocher sa Légion d'honneur à sa boutonnière (elle est aussi commandeur d’honneur d’Isabelle la Catholique). La sortante prouve qu’elle a besoin se rassurer et de s'affirmer.
La communication non verbale : un détail, « un cheveu » … qui a de l’importance
Arrivées sur le plateau, on observe que Nathalie Kosciusko-Morizet à apporté un soin particulier à sa coiffure, qu’elle a su faire évoluer depuis quelques temps déjà. Ses premières apparitions cheveux lâchés ont suscité de nombreux commentaires. Les media semblaient avoir du mal à s’habituer à ce nouveau visage –pourtant moins sévère- mais attention, il ne s’agissait pas d’un lâché prise, comme en témoigne le brushing lissé/ bouclé de mercredi soir.
De son côté, Anne Hidalgo a aussi opéré quelques changements, via des coupes de plus en plus courtes, à mesure que la campagne avançait. Un changement qui n’est peut-être pas anodin, que l’on pourrait même interpréter comme un signe d’émancipation, un désir de changement.
On se souvient de Michelle Obama le front barré d’une large frange lors de l’Inauguration Day marquant le second et dernier mandat de son époux.
C’est une évidence, tout fait sens, l’image comme le verbe. « On en peut pas ne pas ne pas communiquer » disait Watzlawick.
Un débat ou un duel ?
Le débat fut quasi insoutenable. Pour preuve les media ont titré au diapason : débat à la mitraillette (Metronews), duel électrique (le parisien.fr), un débat âpre (Direct Matin), Un débat brouillon (Le Figaro.fr), cacophonie (Libération.fr)…L’envie d’en découdre, d’en débattre a produit deux monologues et très peu d’échanges. A l’issue du débat, certains commentateurs on posé la question de savoir qui ressortait gagnante. La réponse la plus fréquente parle de match nul.
Que retenir ?
Le second tour s’annonce serré, plus serré que ce que prévoyaient les sondages, c’est sûr. C’est pourquoi Nathalie Kosciusko-Morizet est apparue sous « underdog effect », animée par la rage du désespoir qu’aurait pu engendrer les annonces ininterrompues de sa prochaine défaite. Quant à Anne Hidalgo, elle a affiché « concentration » (ce fut l’élément de langage du jour) et détermination.
Dernière question du débat : et après ? Sous entendu, si vous perdez qu’allez-vous faire ?
Anne Hidalgo « ne l’imagine même pas ». Superstition ou détermination forcenée ? Pour Nathalie Kosciusko-Morizet ce n’est pas le sujet, elle met dit-elle toute sa passion dans la campagne. Une autre façon de ne pas répondre.
La perdante pourra toujours se consoler en méditant cette pensée de Simone de Beauvoir, que les deux candidates admirent : « Toute réussite déguise une abdication. »