L’histoire des 236 villes de plus de 30000 habitants de la base du modèle Electionscope, nous renseigne sur les trajectoires des villes et conduit à l’établissement d’une typologie riche de sens. La trajectoire des villes est un concept novateur développé in « Villes de gauche, villes de droite. », Foucault, Nadeau, Jérôme et Jérôme-Speziari, Presses de Science-Po (septembre 2014).
On peut distinguer 4 grands groupes de villes :
1- Les villes qui ont conservé une même couleur politique pendant 5 mandatures de 1965 à 1989 et qui ont basculé en 1995 :
a. Baculement de gauche à droite : Alès, Le Havre, Arras, Marseille, Corbeil, Massy, Garges les Gonnesse
b. Basculement de droite à gauche : Tours, Joué les Tours, Rilleux la Pape, Viry Châtillon
2- Les villes qui ont conservé une même couleur politique pendant 6 mandatures de 1965 à 1995 et qui ont basculé en 2001
a. de gauche à droite : St Brieuc, Montauban, Drancy, Epinay sur Seine
b. de droite à gauche : Dijon, Auxerre, Ajaccio, Salon de Provence, Lyon, Paris, Clamart
3- Les villes qui ont conservé une même couleur politique pendant 7 mandatures de 1965 à 2001 et qui ont basculé en 2008 :
a. de gauche à droite : Calais
b. de droite à gauche : Périgueux, Anglet, Brive, Metz, Caen, Montauban, Toulouse, Asnières
4- Les villes dites Ping Pong ou instables, aux basculements répétés : Maubeuge, Quimper, La Seyne sur Mer, Bourg en Bresse, Aix en Provence, Valence, Castres.
Pourquoi une ville se maintient-elle durablement dans un camp ?
Il existe plusieurs thèses pour expliquer le maintien durable d’une ville au sein d’un camp après un basculement. En dehors d’une qualité de gestion devenue irréprochable par rapport aux équipes précédentes de l’autre camp, la plus courante est celle de la modification de l’habitat et de la démographie urbaine dansun sens qui vous est favorable (implantation de HLM versus construction de résidences pour ménages à hauts revenus). L’autre thèse est celle du « vote avec les pieds ». Certaines populations ayant vu leur niveau de vie augmenter quittent une ville pour s’installer ailleurs modifiant ainsi en profondeur sa démographie mais aussi celle de la ville où ils résident désormais. La crise frappant certaines villes peut entraîner les mêmes effets.
Généralement, il faut du temps pour modifier les caractéristiques d’une ville dans un sens favorable. C’est la raison pour laquelle certaines villes de la 3° catégorie pourraient rebasculer et revenir dans leur giron d’origine. Par ailleurs, il s’agit souvent de villes dont les sortants ont été victimes de vagues (bleues ou roses) donc de facteurs nationaux.
Quel sens donner au basculement ?
Attention au sens à donner au basculement : est-il dû aux circonstances et aux stratégies politiques locales (triangulaire fratricide, maintien du FN, etc.), à des circonstances nationales (phénomène de « nationalisation » d’un scrutin local sanctionnant le Président à travers les maires qui le soutiennent) ou à de réelles modifications structurelles ?
Certaines villes dites « ping pong » sont en instabilité chronique. On estime qu’il s’agit généralement de villes où les maires sont incapables de modifier la démographie urbaine à leur avantage. Soit la démographie urbaine y est chroniquement fluctuante et instable, soit le revenu moyen tourne autour du revenu médian. C’est donc l’électeur médian qui changeant de camp fait l’élection.
Et le réalignement ?
Reste enfin une thèse intéressante : le réalignement. Des villes ayant été durablement dans un camp reviennent vers ce camp après un « trou » de trois ou quatre mandatures. Ce fut le cas pour Chatellerault et Mulhouse. Ce pourrait être le cas - en théorie- pour Dunkerque, Sotteville-les-Rouen et Garges-les-Gonesse.