Les pensées intrusives et récurrentes sont des symptômes qui peuvent causer une souffrance importante chez les personnes qui ne parviennent pas à les réprimer. Ces obsessions persistantes et souvent irraisonnées peuvent concerner des thématiques diverses, comme la contamination, l'ordre, les maladies ou encore la mort. Illustration :
Lorsque j'étais gamin, les grandes vacances semblaient durer une éternité. A chaque rentrée, mes camarades avaient fait peau neuve, j’avais l’impression que pendant ces deux longs mois, tout pouvait changer.
Aujourd'hui, je fête mes 40 ans et l’été m'apparaît beaucoup trop court. Je ne vois plus passer les semaines et je crois bien qu'à ce rythme, je serai bientôt mort. Plus qu’une petite dizaine d'années pour être cinquantenaire. Encore dix ans supplémentaires et l’on sonnera l'heure de ma retraite. Débutera alors une courte ligne droite vers ma tombe, le néant.
Merde, toute mon existence n'a aucun sens. Hier, j'entrais au collège, je ne me souciais pas une seconde de ma vie d'adulte, de mon avenir. Je trainais au lycée, je passais mon bac, mon permis de conduire. Pour la première fois je faisais l'amour. Je croyais avoir du temps.
Mais je ne pourrais jamais construire tout ce que j’avais prévu. J’arriverai tout juste à me reproduire et donner naissance à une môme pour laquelle ma grande crainte est qu’elle devienne la victime des mêmes pensées lugubres que son père.
Ma vie n’a pas de sens. Je ne suis là que pour remplir une fonction, celle d'alimenter un peu plus un cycle de vie hasardeux qui de toutes les façons finira bien lui aussi par s'éteindre un jour. Dans un, deux, trois milliards d'années ? Un jour ou l'autre, il ne restera plus rien. Je ne suis que le maillon d'une chaîne de développement qui a débuté avec l’émergence d’un organisme unicellulaire et qui prendra fin avec l’extinction de milliards d’humains tous résidents de la planète Mars. Que vous soyez moche, intelligent ou drôle, avocat, enseignant ou clochard, Brad Pitt ou Thierry Ardisson, vous serez confrontés au même final. Le même trou noir insondable. Alors à quoi bon ?
Paradoxalement, il n'y a pas plus ancré que moi dans le système. Je persiste à traiter mes e-mails avec toujours autant de rigueur et d'exactitude. Je n’envoie rien sans avoir contrôlé plusieurs fois la pertinence de mon propos et l’absence des fautes d’orthographe. Je ne lâche rien. Personne ne peut me reprocher d'être en retard, et mes impôts ont toujours été et seront toujours payés en temps et en heure. Les jours où je relève une facture dans ma boîte aux lettres, je m'empresse d'expédier le paiement à mes créanciers dans les 24 heures. Je suis le parfait payeur. Avec des types comme moi, la répression, les amendes, les menaces de l'administration n’ont pas lieu d'être. Les gars comme moi sont incapables de commettre la moindre escroquerie, ils garantissent le bon fonctionnement de nos sociétés modernes.
L'être humain fonctionne ainsi : quels que soient ses tourments existentiels, et malgré ses obsessions en lien avec la mort, tous ses comportements sont solidement enracinés dans le présent.
Alors que l'on ne vienne plus m’importuner avec des recommandations zen à la con, comme quoi il faudrait vivre l’instant présent, ou encore que j’arrête de froisser mes chakras en ruminant des pensées ésotériques. Il n'y a pas plus pragmatique que moi, pas plus efficace que moi pour réagir dans l'instant aux différents stimuli de mon environnement. Je ne reporte jamais rien. Tous mes problèmes, toutes mes obligations sont réglées sans délai. Je passe ma vie à répondre au mieux et au plus vite à des situations du quotidien, à boucler des dossiers, pour en traiter d'autres à nouveau, et ainsi de suite, sans arrêt. Je croule sous les projets et le travail. Voilà le but de ma vie. Je n'ai rien trouvé de mieux que de m’accrocher au présent pour oublier un peu mes obsessions.