Le syndrome de stress post-traumatique est un trouble anxieux qui apparaît à la suite d’une expérience vécue comme traumatisante par la personne. Deux tiers des victimes sont des femmes, ces dernières étant celles qui souffrent le plus des effets de violences sexuelles (pour plus de détails sur les conséquences physiologiques liées au viol, vous pouvez consulter ce lien).
Le fait d’être confronté à l’éventualité de sa propre mort est une cause fréquente du syndrome de stress post-traumatique. Agressions, accidents, attentats, ou guerres sont des évènements au cours desquels une peur intense ou un sentiment d’impuissance favorisent l’apparition du trouble.
Illustration clinique à travers le récit d’un patient victime d’un grave accident :
« 11 octobre 2007, 9h45 du matin, 26°C.
La mer est calme, d’un bleu très clair, le cadre est paradisiaque. Je scrute l’océan à la recherche d’ailerons de requin, il paraît qu’il y en a plein dans la mer des Caraïbes. Mais je ne vois que des bateaux de plaisance remplis de riches types faisant des va-et-vient oisifs d’une île Vierge britannique à l’autre. Ce matin, on tourne les premières images d’une publicité pour la marque de cigarettes Winston. C’est moi qui tiens la caméra. J’aime mon boulot qui me le rend bien.
Nous sommes 7 individus embarqués dans un puissant bateau à moteur d’une dizaine de mètres :
- le pilote, un jeune indigène trop sûr de lui,
- le directeur de production du film, dont le rôle est de surveiller nos dépenses,
- le directeur artistique, le gars le plus inutile de ce tournage, snobe et puant qui parle aux techniciens du film comme à des sous-merdes. En voyageant en Business class depuis Paris, lui et le client engloutissent à eux seuls un quart du budget du film.
- le photographe et son assistant qui ne parlent qu’entre eux (en allemand),
- le réalisateur du film, mon binôme, le plus cool de la bande,
- et moi, le caméraman.
Juste devant nous, en pleine mer, un bateau encore plus gros fend l’eau à pleine bourre : un somptueux voilier de 17 mètres loué par la production. À son bord : le client Winston représenté par une glaciale connasse et son assistante, ainsi qu’une émissaire de l’agence, poste le plus ingrat du tournage. Sur le pont du voilier, 5 mannequins gracieux prêts à se faire filmer par mes soins : 3 garçons, 2 filles. Avant eux, je n’aurais jamais cru possible qu’un être humain puisse être aussi beau sans Photoshop. En les filmant, il m’arrive d’ailleurs une chose curieuse, mon érection réussit à se maintenir quelque soit le sexe de la créature sur laquelle je zoome. À partir d’un certain seuil de grâce, l’excitation sexuelle ne serait donc plus une affaire de genre.
Au moment où je change les batteries de la caméra, nous sommes encore plus loin des terres que je distingue à peine. Le pilote de notre bateau est tout fier de nous annoncer qu’il peut, si nous le souhaitons, s’approcher encore plus près du voilier pour mieux filmer les modèles. Ni une ni deux, il entame des zigzags rapprochés autour du deux-mâts à une vitesse de plus de 10 nœuds. À chaque passage, il passe toujours plus près de la cible. Les sensations sont garanties et avec la complicité de mon réalisateur, je fais de très jolis plans des 5 mannequins qui ressembleraient presque à des comédiens.
Lors du dernier passage, on percute le voilier. L’arcade sourcilière encore collée à l’œilleton de la caméra, il me faut quelques centièmes de secondes de plus que les autres équipiers pour réaliser ce qu’il se passe. Le bateau se penche, entame lentement un tour sur lui-même. Tout le monde s’est déjà accroché aux rambardes alors que je suis le seul planté au milieu de l’embarcation, avec rien pour me cramponner.
À partir de cet instant, la scène va me sembler interminable. Pendant que notre bateau continue à chavirer, j’aperçois le voilier qui prend de la distance, les 5 modèles criant comme des hystériques tandis que le client Winston nous filme avec son smartphone. Jusqu’au dernier moment, je crois encore que l’on peut se rétablir. Mais on dessale.
Je me protège la tête qui cogne une structure du bateau. Je me retrouve sous l’eau, le bateau à l’envers au-dessus de mon corps. Première pensée irrationnelle : la peur de me faire broyer par les hélices. La coque retournée se stabilise, je suis toujours sous le bateau, exactement au milieu. Dans l’eau, je ne distingue rien de précis à part des amas de métaux et de plastiques. Impossible de savoir où sont la proue et les moteurs. Je nage au hasard vers un côté : pas d’issue. J’essaie une autre direction, pas d’issue non plus. Je commence à manquer d’oxygène. Je nage du côté opposé, mais je suis encore bloqué. Je ne réalise pas que je suis entouré par les parois intérieures de la coque du bateau contre lesquelles je m’obstine à me cogner comme un poisson dans son aquarium. Je n’ai jamais autant manqué d’oxygène. C’est alors que j’ai comme un déclic cognitif : je prends conscience que je vais mourir et que je ne peux rien y faire. C’est un sentiment très étrange, difficile à exprimer. Il m’était déjà arrivé d’y penser, mais là ça y est, c’est réel. À 28 ans putain. Un mélange de peur pour moi mais aussi pour les autres. Je pense à mes parents : qui va leur annoncer ? Ils vont tellement souffrir. Des questions plus pragmatiques aussi : comment va-t-on rapatrier mon corps ? Qui va identifier ma dépouille ? mes parents ? Le coup de massue qui va les achever, il paraît que les corps des noyés gonflent. Pendant ces très longues secondes, j’ai aussi peur de la souffrance. Est-ce que ça fait mal de mourir noyé ? J’ai presque plus peur de souffrir que de crever. Je crois même que dans mon top five des morts les plus atroces figurait la noyade, juste après l’immolation et le crash aérien.
Dans un sursaut de lucidité, je sors de mes pensées. Je veux tenter une dernière fois de m’en sortir avec le reste d’air que j’ai encore dans les poumons. Je lève la tête et cette fois je vois le soleil qui transperce la surface de l’eau. Issue inespérée. En arrêtant de m’agiter, je me suis laissé couler sans m’en rendre compte jusqu’à me décaler du bateau qui n’était plus au-dessus de moi. Je n’ai plus qu’à nager quelques mètres jusqu’à la surface.
Je sors la tête de l’eau et respire in extremis. Tous mes collègues ont déjà refait surface. Je m’agrippe à mon réalisateur, je n’ai plus de forces pour nager. Je lui dis en chialant : « j’ai cru que j’allais mourir ». Autour de nous, c’est le bordel. Les affaires flottent éparpillées. Mes obsessions se réactivent : que sont devenues mes affaires persos ? Chance : mon sac et ma chemise remontent à la surface juste en face de moi. Dans cette histoire, je n’aurais finalement perdu que mes tongues, achetées à l’aéroport aux frais de la production.
Le pilote du bateau gémit de douleur. Dans l’accident, un de ses doigts a été sectionné. Il réfléchira à deux fois avant de rejouer au con.
La coque de notre bateau trône au milieu de nous et de notre matériel dispersé, avant de s’enfoncer doucement et de disparaître dans l’océan. Nous n’avons plus qu’à attendre les secours en espérant que les requins ne soient pas attirés par le sang qui s’échappe du moignon digital du pilote.
Le directeur artistique du film avait prévu de se fiancer quelques semaines après son retour en France. Choqué par l’accident, il téléphonera à sa copine le jour même pour la demander en mariage. Quant à moi, j'ai rapidement développé des symptômes de stress post-traumatique : flashbacks de l’accident associés à des cauchemars récurrents, anxiété importante au moment de remonter dans une embarcation (angoisse qui s’est généralisée à d’autres moyens de transport comme l’avion). De retour en France, mes symptômes ont persisté avec l’apparition de difficultés de concentration, une plus grande irritabilité et une hypervigilance épuisante pour moi et mon entourage ».
Le patient a finalement été pris en charge par un professionnel du réseau INAVEM spécialisé dans l’aide aux victimes de traumatismes.