D’un échappement physiologique au viol (2/2)

madalena pestana

Le 12 décembre dernier, je publiais un post décrivant les mécanismes physiologiques pouvant s’activer chez une victime lors d’une agression sexuelle.

J’avais conclu en écrivant que l’agression marquait la victime d’une mémoire traumatique, prix à payer pour sa survie biologique. Mais qu’est-ce qu’une mémoire traumatique exactement, et quelles sont les pistes de prise en charge des victimes ?

Tout d’abord, le syndrome de stress post-traumatique consécutif à une violence sexuelle a 80% de risque de se développer. C’est 3 à 4 fois plus que pour n’importe quel autre traumatisme1. L’une des manifestations de ce syndrome est le flash-back, caractérisé par des réminiscences de l’événement dans ses moindres détails et des décharges émotionnelles identiques à celles vécues au moment de l’agression. Chaque détail sensoriel associé à l’agression (une odeur, un lieu, un cri, etc.) peut déclencher chez la victime son souvenir insupportable et le même mécanisme de disjonction mis en place lors de l’agression. Ce mécanisme étant sous le contrôle de drogues endogènes (notamment les endorphines), la victime devient rapidement dépendante et cherche à le déclencher par des comportements de mise en danger ou des prises de substances. Son quotidien devient alors vite ingérable, d’autant plus que ces associations reliant les détails sensoriels au souvenir ne s’estompent pas. Un tel fonctionnement mnésique n’est donc plus adapté, on parle de mémoire traumatique.

Les conséquences d’une mémoire traumatique sur la vie de la victime sont innombrables : troubles anxieux, troubles de l’humeur, risques suicidaires, troubles du comportement, douleurs liées aux réactions émotionnelles chroniques, etc. Les enjeux d’une prise en charge pour ces personnes sont donc très importants.

Le soin est rendu difficile du fait de l’état de repli de la victime qui souvent ne fait pas la démarche de consulter. Dans le cas où une consultation a lieu, la spécificité du stress post traumatique n’est pas toujours identifiée. Certains patients seront en effet pris en charge pour les symptômes du traumatisme (une dépression par exemple), mais pas pour le trouble psychotraumatique en lui-même qui est difficilement diagnostiqué. Dans le cas où l’agresseur est un membre de l’entourage, la victime n’osera bien souvent pas le dénoncer (dans 80 % des cas, l'agresseur est connu de la victime). Si l’agression peut se renouveler ou que la victime est encore menacée par la présence de l’agresseur (lorsque celui-ci fait parti de l’entourage de la victime), il est important d’écarter en premier lieu ce danger par des moyens judiciaires. Malheureusement, l’agresseur dissuade souvent la victime de porter plainte en la menaçant (près de 90 % des agressions sexuelles ne sont pas déclarées à la police). Et même lorsqu’une procédure légale est entamée, la protection reste souvent insuffisante : on n’écarte pas aussi facilement une personne par de simples mesures légales.

Le premier élément de la prise en charge consistera donc à protéger la victime des contextes de violence réelle susceptibles d’évoquer l’agression. Ensuite, le traitement consistera à obtenir un récit du traumatisme, même s’il sera difficile à reconstituer. Sans entrer dans les détails, l’approche cognitive et comportementale de la prise en charge des victimes de psychotraumatismes consiste à les amener progressivement à affronter les stresseurs et à modifier les émotions qui les ont submergés. L’étape principale du traitement est la reviviscence du traumatisme abordée progressivement, de façon à réapprendre à l’organisme à déclencher des réponses émotionnelles plus adaptées.

Le plus difficile pour les victimes sera donc de se sécuriser et de libérer leurs paroles. Il leur faudra alors trouver des lieux de soin pertinents capables de reconnaître leur trouble et de les prendre en charge. Une coordination entre plusieurs professionnels est alors nécessaire pour aider la victime sur le plan juridique, médical, psychologique et social. C’est un parcours difficile et souvent long.

Ci-après, le site de l’INAVEM, réseau d’associations de professionnels de l’aide aux victimes (réunissant psychologues, juristes et assistantes sociales).

http://www.inavem.org/

 

1. Chiffres issus des publications du Dr Muriel Salmona.