Face à la mer de Ligurie s’étend une langue de terre où l’on a la main verte depuis des temps ancestraux. Le basilic y est roi ; sa culture est dans l’ADN des génois. Mais on ne le cuisine pas à toutes les sauces ! Seulement une seule, très populaire et typiquement méditerranéenne : celle du pesto alla genovese. Depuis la fin des années 1800, les serres se multiplient par vagues sur les collines de Pra, dans la ceinture proche de la capitale ligure. Reconnaissable en un clin d’œil par ceux qui veillent dessus – « des feuilles de petite taille, en forme de cuillère, un vert brillant » et « un goût de menthe » -, le basilic qui y pousse est d’une qualité telle qu’il doit être consommé dans les trois jours. Tout au plus un à deux mois, s’il est transformé en bocaux de pesto par les entreprises locales. Si vous trouviez un pesto consommable plus longtemps, des conservateurs y sont forcément présents…
Deux outils, cinq ingrédients… jamais plus !
« On date la première recette écrite à 1835 » explique Mario Clavarino, un chef génois qui nous apprend à cuisiner le pesto tout près du port, dans un grand palais du 15ème siècle. Dans sa cuisine, les élèves respectent les ingrédients et le matériel d’antan : un mortier en marbre de Carrare – « le même marbre qu’utilisait Michel-Ange ! », un pilon de bois et cinq ingrédients. Basilic, huile d’olive, ail, pignons et fromage (dans ce cas, du parmesan, « car le pecorino efface le goût du basilic »). Le pesto ardemment pilonné par les deux élèves du jour embellira de délicieuses trofiette locales, car c’est le plus souvent à des pâtes que l’or vert est mélangé.
Dans les cuisines plus métalliques de Serre sul Mare, où l’on transforme le basilic en 700 kg journaliers de pesto grâce à des machines, on suit aussi scrupuleusement certaines règles. Le produit DOP alla genovese doit être, d’une part, brut, c’est-à-dire non transformé. On mixe les ingrédients, et c’est tout ! D’autre part, il ne doit jamais être réchauffé. Tout cela en changerait le goût… Depuis, le génie génois (et les voyages de ses nombreux navigateurs) ont permis l’exportation du pesto aux quatre coins du monde. Mais saurez-vous en concocter un digne des tables ligures ? Reportage d’Alban Mikoczy, Anne Donadini et Laura Tositti.
Si vous voulez visiter des serres : Serre sul Mare ou Azienda Agricola Casotti
Pour prendre des cours de pesto tout en apprenant l’histoire de la Ligurie : Creattivando
Anne Donadini
L’info en + : Dans la commune de Prà, le basilic pousse… au milieu des habitations ! Installées au début du 19ème siècle par les premiers agriculteurs, les serres ont peu à peu laissé place à des barres d’immeubles un peu grisâtres construites après la seconde Guerre Mondiale. Les habitations n’ayant cessé de se multiplier, les serres ont dû se déplacer peu à peu plus haut sur la colline. Si un jour, vous allez y faire un tour, vous serez surpris !