En lisant ces lignes, vous avez déjà son rythme entêtant en mémoire. Connue dans le monde entier et loin d'être un simple tube de Maître Gims, "Bella Ciao" est d'abord un chant révolutionnaire venu des plaines du nord de l’Italie. C’est dans les années 1930, alors que des femmes travaillent dans les rizières de la plaine du Pô, que la chanson apparait. On les appelle alors, les Mondines. Elles viennent d’Émilie-Romagne, de Vénétie ou encore de Lombardie et du Piémont, issues des classes sociales les plus pauvres.
Les journées de ces saisonnières se résument à courber le dos pour ramasser les mauvaises herbes dans des plantations inondées. Un travail pour leur émancipation, loin de leur famille. Et pour se motiver, des paroles chantées à l’unisson pour dénoncer leurs conditions de travail « Le matin, à peine levée, à la rizière je dois aller (…) Et entre les insectes et les moustiques, un dur labeur je dois faire ».
Des femmes devenues symbole de révolution
Durant toute leur vie, les Mondines ont subi des conditions de travail humiliantes. Elles portent des shorts ou une jupe retroussée très haut, de vieux bas abimés et un chapeau à bords larges. A l’époque, la coutume est de ne pas montrer ses jambes. Pourtant, les Mondines sont obligées de le faire sous l’oeil de leur patron. En 1908, les Mondines rentrent dans l’histoire. Elles obtiennent l’instauration d’une loi limitant le temps de travail journalier à huit heures. Une victoire qui marque l’histoire de la lutte sociale italienne.
Puis vient la transmission de l'hymne. Dans la période d’entre-deux-guerres, Giovanna Daffini, chanteuse italienne, fait vivre le rythme dans des mariages. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle s’engage alors dans la résistance. Le chant populaire devient l'étendard des "partigiani", les anti-fascistes. Des nouvelles paroles engagées contre Mussolini et l’invasion nazie en Italie sont écrites et chantées à l’unisson « Un matin, je me suis levé, et j’ai trouvé l’envahisseur. Hé ! Partisan, emmène-moi, car je me sens mourir ».
Depuis, "Bella Ciao" a traversé frontières et générations : en 1948, scandée par des étudiants communistes berlinois ; en France, lorsqu'Yves Montand l’entonne après la crise des missiles de Cuba ; et enfin en 2017, lorsque la série Netflix « La Casa de Papel » relance sa popularité. Preuve qu'est né là un air s'adaptant à toutes les ères. Reportage de Josselin Debraux,’Alban Mikoczy, Manuel Chiarello, Florence Crimon et Valérie Parent.
L’info en + : L’humoriste et chroniqueur français Christophe Alévêque a repris Bella Ciao sur France 2 en 2015, en hommage aux victimes de l’attentat de Charlie Hebdo. Depuis 2017 et le lancement de la série « La casa de Papel », ce sont plus de 87 millions de vues qui ont été comptabilisées sur Youtube.
Marjolaine Baud