Le Palio de Sienne, c'est avant tout une histoire de fierté. 100 000 Siennois se parent crânement des couleurs traditionnelles de leurs quartiers ; les rues et balcons de la Vieille Ville sont noyés sous les fanions et les foulards des 27 contrade (le nom historique des quartiers) depuis le 17ème siècle ; et seul le son des trompettes peut couvrir la clameur de la foule, où chacun tente de chanter l'hymne de son quartier plus fort que le voisin.
Que la triche commence !
Ici, la corruption est de mise, la fraude autorisée. Tout ne tend qu'à un but : incarner le quartier du capitano - l'homme qui gagnera le Palio, cette course de chevaux dangereuse qui consiste à faire trois fois le tour de la Piazza del Campo à cru, deux fois dans l'année. Les jockeys - des mercenaires, souvent originaires de Sardaigne - s'échangent à prix d'or, car l'exercice est dangereux (parfois mortel) et les coups entre cavaliers autorisés, comme les coups de cravache, faites à partir de nerfs de boeuf. Certains d'entre eux se font payer pour perdre la course, année après année, et terminent riches comme Crésus - d'aucuns diraient qu'ils ont misé sur le bon cheval. Les 10 cavaliers tirés au sort pour jouer la course ne doivent donc pas leur surnom au hasard : "les 10 assassins."
Côté coulisses, les supporters ne sont pas plus tendres. Les couples mixtes, venant de quartiers différents, n'hésitent pas à se séparer le temps des festivités. Les moqueries sont elles aussi monnaie courante. Il y a quelques années, la Contrada de l'Aigle, après avoir battu son ennemi de longue date la Panthère, a installé un haut-pareur en haut de la tour de l'Aigle de Sienne, diffusant des railleries à l'égard de la Panthère toute la journée durant un mois. Un détail compte : le véritable perdant de cette course italienne est le jockey qui arrive second. Une injustice parmi tant d'autres au Palio. Mais qu'importe : dans un peu plus d'un mois, le 16 août, plus rien de tout ceci ne comptera. Le prix sera remis en jeu. Chronique avec Alban Mikoczy, Anne Donadini et Valérie Parent.
L'info en + : du haut de ses 66 victoires, la Contrada la plus victorieuse est celle de l'Oie ; mais c'est plutôt l'histoire d'Andrea Degortes qui fascine. Ce jockey sarde, surnommé Aceto ("Vinaigre" en italien) est considéré comme le meilleur jockey du XXe siècle. Recordman absolu du Palio, il a remporté 14 victoires entre 1965 et 1992, principalement courues pour... le quartier de l'Oie !