350 bovins, une douzaine de manadiers et près de 200 kilomètres à parcourir. Dans un décor pittoresque, c’est chaque année le cadre de la transhumance.
Cette tradition ancestrale pratiquée en Italie dès la période pré-romaine, se féminise. Dans un monde d’hommes, les femmes prennent aujourd’hui une place importante. « J’ai été très bien accueillie, je ne suis pas vue comme une femme mais comme une personne qui a les qualités professionnelles utiles ici », explique Daniella Colarusso avant d’ajouter en souriant « l’année prochaine, je reviendrai ».
A travers les « tratturi », pistes de bergers très anciennes, hommes et femmes travaillent en équipe pour rabattre le bétail. « Les cavaliers poussent le troupeau tout doucement et on aide les veaux à rejoindre les sommets avec le reste du groupe », raconte Maria Rosa Dallemure. Ces itinéraires, vieux de plus de 2000 ans, étaient aussi des chemins de pèlerinage et des lieux de conflits entre les Romains et les Samnites, peuple de Molise - l'une des régions les moins connues d'Italie -.
Pour Pier Luigi Giorgio, la transhumance représente bien plus qu'une tradition. C'est un moyen de "récupérer l'identité de la Molise et sauvegarder le passé et le présent de cette région". Cet acteur et cinéaste molisan, présent lors de la migration saisonnière, dénonce le manque d'intérêt des politiques italiens pour cette région : "Les tratturi n'existent plus dans les Pouilles, et il ne reste que de faibles étendues dans les Abruzzes."
Convivialité, joie et partage sont les maîtres mots de ces quatre jours de périple entre les Pouilles et la Molise. Les longues journées à cheval font place aux grandes tablées où se mêlent musique et chants folkloriques. Dans chaque village, les habitants accueillent chaleureusement le troupeau. « Pour les spectateurs et les visiteurs, c’est un moment de grande fête », se réjouit Carmelina Colantuono, une des porte-paroles de ce rite pastoral.
À la fin de la transhumance, l'écho des cloches résonne encore dans les oreilles et le troupeau semble toujours en mouvement.
Le reportage en immersion d’Alban Mikoczy, Manuel Chiarello, Alexandra Lassiaille, Adélie Floch et Valérie Parent.
L'info en + : Certains touristes à cheval se joignent aux cavaliers. Mais parfois trop enthousiastes à l’idée de participer à la traversée, ils gênent le convoi. Carmelina Colantuono est perplexe : « ils tentent de faire notre travail pour nous aider, mais ils génèrent de la confusion parce qu’ils chassent les vaches et les effraient ». La transhumance est une affaire de professionnels, pas seulement une jolie ballade sur les hauts plateaux
Les éleveurs de Molise et leurs confrères français de Provence et des Pyrénées se sont unis pour demander l'inscription de cette tradition au patrimoine mondial de l'Unesco. La décision sera prise cette année.