"Fluctuat nec mergitur", promet la devise de Paris : "Battu par les flots, mais ne sombre pas". Le message plein d'espoir apporté hier par le théâtre de la Fenice de Venise aux Parisiens meurtris s'approche de cet adage. "Nous avons brûlé deux fois mais deux fois nous avons ressuscité de nos cendres, plus forts. Nous sommes à vos côtés les amis, donc n'ayez crainte !".
Un poêle défectueux...
Qui aurait pu penser qu'un vieux poêle détruirait l'un des plus prestigieux opéras de l'Italie ? Lorsqu'il est réveillé par une odeur de brûlé dans la nuit du 14 décembre 1836, le gardien du théâtre ignore alors que l'incendie déclenché par le poêle emportera tout le bâtiment en quelques heures, à l'exception de la façade et de la verrière. L'architecte italien Giovanni Battista Meduna permet néanmoins sa reconstruction à l'identique, en six mois seulement. Un an plus tard, la Fenice rouvre en musique, avec un ballet spécial composé pour l'occasion.
...et quelques indemnités de retards
Prédestiné à faire face aux flammes, le théâtre vénitien - dont le nom signifie "Phoenix" en italien - connaît un nouveau feu dévastateur en 1996, intentionnel cette fois. Dans la nuit du 29 janvier 1996, deux électriciens déclenchent un incendie pour éviter de payer... des indemnités de retard s'élevant à un peu moins de 10 000 euros.
Huit heures durant, les secours luttent pour empêcher les flammes de lécher les murs du monument ; l'opération est compliquée. Les canaux voisins ont été asséchés pour nettoyage et il n'y a aucune bouche d'incendie dans la ville.
Entre l'appel d'offres, le décès d'un architecte et des projets qui s'éternisent, cette seconde reconstruction prend bien plus de temps. Mais l'entreprise la plus ardue est de restituer l'âme du lieu et le style de 1792, son année de naissance. Or, les architectes manquent d'archives. Ce n'est qu'en 2003 que la Fenice renaît de ses cendres "com'era, dov'era" ("telle qu'elle était et où elle était"), quelques poutres et un soupçon de vernis en plus, pour le déplaisir de nombreux puristes.