Politique : l'Italie lance les hostilités contre la France

Les deux têtes du gouvernement populiste italien, Matteo Salvini et Luigi Di Maio, se livrent à une surenchère de déclarations offensives à l’encontre de la France, faisant monter à leur plus haut point les tensions entre les deux pays, sur fond de campagne électorale pour les élections européennes.

On n’avait pas connu une telle dégradation des relations franco-italiennes depuis des dizaines d’années. Afrique, terroristes italiens en France, “gilets jaunes”, siège au conseil de sécurité de l’ONU, tout est prétexte à se critiquer. Depuis leur arrivée en juin 2018 au pouvoir italien, le Mouvement 5 Étoiles et la Ligue n’ont cessé de prendre pour cible la France et son président Emmanuel Macron.

Après une main tendue sans succès à des représentants des "gilets jaunes", le ministre du Travail Luigi Di Maio est revenu à la charge dimanche 20 janvier, s’attaquant cette fois-ci à la politique française en Afrique. Le vice-président du Conseil italien s’en est pris à une France qu’il qualifie de “colonialiste” et qui “appauvrit l’Afrique”. “Si la France n'avait pas les colonies africaines, parce-que c'est bien comme ça qu'il faut les appeler, elle serait la 15e force économique mondiale. Au lieu de cela, elle est parmi les premières grâce à ses combines en Afrique" a-t-il lancé. Malgré la convocation de l’ambassadrice d’Italie en France, Luigi Di Maio persiste et confirme ses propos ce lundi : "La France est un de ces pays qui impriment une monnaie pour 14 États africains et empêche leur développement économique. Elle encourage le départ des migrants qui meurent en Méditerranée et arrivent sur nos côtes".

Surenchère contre la France

Un “french-bashing” auquel se livre également Matteo Salvini qui avait lui aussi apporté son soutien aux “gilets jaunes” et avait conseillé à Emmanuel Macron de démissionner lors d’une conférence de presse. Le chef de la Ligue avait accusé la France de « ne pas s'intéresser à la stabilisation de la Libye », parce qu'elle aurait, selon lui, « des intérêts pétroliers contraires à ceux de l'Italie » (le groupe italien Eni y produit neuf fois plus d'hydrocarbures que son concurrent français Total, dont du gaz, ce qui n'est pas le cas de la compagnie française). Emboîtant le pas à son homologue Di Maio, le ministre de l’Intérieur à lui aussi vivement critiqué le président français : "Il nous donne des leçons de générosité, de bonté, d'hospitalité, de solidarité, puis il rejette des milliers de migrants à la frontière italienne à Vintimille et dans le Piémont”, avant de continuer, "J'espère que les Français pourront se libérer de ce très mauvais président. L'occasion sera celle du 26 mai pour que le peuple français reprenne en main son futur".

Réponse prudente de la France

Du côté de Paris, la réplique reste plus diplomatique mais ferme. " Quand des propos sont excessifs à la fois par leur ton et par leur nombre, ils deviennent insignifiants", a rétorqué Nathalie Loiseau, ministre en charge des Affaires européennes. Ne voulant pas se lancer dans un “concours du plus bête”, cette dernière regrette des propos des dirigeants italiens “inutiles” et “inamicaux”. Si la ministre estime que la France a “beaucoup de choses à faire avec un voisin important qui est l'Italie”, elle a averti qu’elle ne se rendra de l’autre côté des Alpes que lorsque “le climat sera apaisé”. D’autres gardent un peu moins leur langue dans leur poche, à l’instar de Gabriel Attal, porte-parole de La République en Marche qui a déclaré que “l'attitude du gouvernement italien est à vomir". Du côté italien, seul le président du Conseil des ministres, Giuseppe Conte, a tenté de calmer l’escalade entre les deux pays.

Une logique électorale et électoraliste

Si la France est choisie comme bouc émissaire du gouvernement italien, ce n’est pas dû au hasard. Cette opposition commune permet de cacher une alliance vacillante entre la Ligue et le Mouvement 5 Étoiles. Ceux-ci se livrent une course en vue des élections européennes prévues en mai. C’est à celui qui, entre Di Maio et Salvini, tapera le plus fort sur l’Hexagone, dont le pro-Européen Emmanuel Macron représente l’ennemi commun dans cette croisade populiste lancée en Europe. Cependant, ces critiques à visées électorales ont des répercussions sur les Italiens, comme sur des  projets concrets : la ligne Lyon-Turin ou la reprise de STX par Fincantieri. Un récent sondage a même montré que la France est devenue la nation la moins aimée des Italiens en Europe. Une situation nouvelle entre deux peuples que l’on disait pourtant cousins. 

Rédaction : Alban Mikoczy et Louis Rayssac