En Italie, Craco est un village maudit, abandonné. Glissements de terrain et tremblement de terre ont fait fuir ses habitants jusqu'au dernier, en 1981. Aujourd'hui, c'est le tourisme et le cinéma qui font revivre ses ruines.
ll faut s'approcher de Craco en Italie, pour voir que ce village n'est plus que l'ombre de lui-même, que la vie n'est plus qu'un souvenir. Les habitants sont partis pour toujours. À partir des années 60, la partie basse du village médiéval se met à glisser inexorablement. Pendant 30 ans, les éboulements se succèdent, les immeubles s'effondrent un à un. Ceux qui restent sont détruits par un séisme.
Ce n'est que la deuxième fois que Mimmo, né à Craco en 1946, retourne dans le village qui l'a vu naître. Fils de facteur, il avait l'habitude de parcourir les ruelles escarpées aujourd'hui désertes et envahies par les plantes sauvages. Aujourd'hui, c'est grâce à la pensée qu'il reconstruit son village. Avant qu'il ne se vide de ses 2000 habitants, il se souvient combien la vie était douce dans ses ruelles où petits et grands avaient toujours vécu ensemble.
Au pied de l'église, se trouvaient des magasins d'alimentation, des bars, et même un cinéma. Tout a été emporté par des glissements de terrain. "Ca, c'était ma maison.", montre-t-il en pointant deux fenêtres d'une façade éventrée. En pénétrant les vieilles pierres, il se remémore la chambre de ses parents. "Sur le côté, il y avait ma chambre. Elle s'est effondrée, il ne reste plus rien aujourd'hui".
Un retour sur les terres de son enfance riche en émotion pour l'ancien habitant de "Craco Vecchia", qui habite désormais à "Craco Pescheria", principal refuge des anciens habitants, à quelques kilomètres de "la ville fantôme". "Venir ici ça me fend le coeur, car ça me rappelle toute mon enfance. Ca me plonge dans une grande nostalgie."
L'ancienne église de Craco
En pénétrant entre les murs tenant à peine débout de l'ancienne église, Mimmo se souvient. "Quand j'étais petit, j'étais enfant de coeur. Cette église était toujours pleine de monde, tout le village venait! Ici il y avait l'orgue." Au fond de l'édifice, le coeur de l'église est désormais recouvert de pierres écroulées et de végétation. "Ca me fait mal de voir cette église dans cet état."
Résister au temps qui passe
Quand les derniers habitants ont quitté Craco, leurs maisons ont été saccagées par des pillards. Aujourd'hui, dans les rues abandonnées, on ne croise que des groupes de visiteurs, à la fois sous le charme et sous le choc. "C'est fantomatique. J'imagine la vie à l'intérieur de ces maisons, les familles, la destruction, l'immense tristesse de devoir partir et d'y laisser ses racines", raconte une touriste émue.
Mais il arrive parfois que Craco reprenne vie, le temps du tournage d'un film. De grosses productions internationales ont choisi ce décor naturel. Parmi elles, la Passion du Christ avec Mel Gibson et quelques scènes du James Bond « Quantum of Salace ».
Scène du film "Le Christ s'est arrêté à Aboli", 1978, Francesco Rosi
Michele a participé à une de ces super productions. En retournant dans le village, il se souvient des scènes qui ont fait revivre Craco le temps de quelques heures. C'était pour le film "Le Christ s'est arrêté à Eboli" du réalisateur Francesco Rosi, sorti en 1978. Une scène d'enfants jouant à se lancer des pierres entre les ruines qui rappelle à Michele la vie du village avant sa mort, lente et inexorable.
Malgré les outrages de la nature, Craco semble vouloir résister au temps qui passe, comme si ce village n'avait jamais vraiment accepté d'être abandonné.