Les Saints de glace

La référence aux Saints de glace est bien connue des jardiniers mais aussi des viticulteurs. Les jardiniers pour décider, au printemps, à quel moment planter et semer sans risque de gel ultérieurement et les viticulteurs pour avoir l'esprit tranquille en ne craignant plus les gelées.

Qu'est-ce-que les Saints de glace ?

On nomme les Saints de glace, les Saints fêtés les 11, 12 et 13 mai chaque année. Il s'agit de Saint Mamert (11 mai), Saint Pancrace (12 mai) et Saint Servais (13 mai). Ces Saints ne figurent plus aujourd'hui sur le calendrier, ils ont été remplacés par Sainte Estelle, Saint Achille et Sainte Rolande.

Les premières traces de croyances liées aux Saints de glace datent de 500 après J.C. Ce sont des baisses de température, toujours constatées à la même période et pouvant aller jusqu'au gel, qui ont amenés les croyants à demander à ces Saints de protéger leurs cultures contre le gel.

Ces phénomènes de refroidissement existent bien et s'expliquent. Au cours du mois de mars, notre planète traverse une zone de l'espace qui produit beaucoup de poussières qui diminuent l'effet des rayons du soleil sur la Terre. A cette période, le passage de fronts froids amenant de l'air du nord se produit encore de temps en temps. Quand le ciel se dégage ensuite sous l'effet de l'anticyclone, surtout la nuit, la perte de chaleur est importante.

Dans les régions les plus septentrionales, comme l'Alsace, on associe aux Saints de glace le 25 mai qui est la Saint Urbain et selon un vieux dicton : « quand la Saint Urbain est passée, le vigneron est rassuré ».

Vous l'aurez compris, les Saints de glace sont aujourd'hui un point de repère au delà duquel il n'y a plus de risques de gelées de printemps.

actu20160429a

Les gels de printemps : 1956, 1991 et... 2016

Au début du printemps, lorsque les températures remontent, la sève, stockée jusque là à l'abri sous terre dans les racines, migre à nouveau dans les rameaux provoquant l'éclosion des bourgeons et les premières feuilles commencent à se former. C'est la période critique, les viticulteurs sont inquiets tant que les Saints de glace ne sont pas passés car le risque de gel est bien présent et s'il se produit il peut en une nuit détruire tout ou partie de la récolte à venir. Cela n'arrive heureusement pas tous les ans et lorsque c'est le cas pas dans toutes les régions.

Certaines années comme 1956 et 1991, une bonne partie des vignobles français avaient été fortement touchés. Malheureusement 2016 est rentré dans le palmarès de ces grandes gelées de printemps. En effet, au cours des deux nuits du 26 au 28 avril derniers le thermomètre est descendu entre -4 et -6°C dans bon nombre de régions viticoles provoquant ainsi des dégâts très importants.

Tour d'horizon des régions touchées

La Bourgogne : la Chambre d'Agriculture estime 1 500 à 2 000 hectares touchés dans la Côte Chalonnaise, jusqu'à 100% pour certaines parcelles.

Elle estime 6 000 à 7 000 hectares touchés en Côte d'Or, 1 200 à 1 500 hectares dans l'Yonne, surtout à Chablis.

Même le Mâconnais a souffert alors que le 13 avril un orage de grêle y avait déjà détruit certaines parcelles.

Le Val de Loire : ce sont les vignobles de Touraine qui ont été le plus touchés, 2/3 des vignes à Montlouis, Bourgueil et Saint-Nicolas de Bourgueil, 50% à Chinon.

Le Languedoc : les gelées ont eu lieu dans la nuit du 18 au 19 avril touchant les vignobles de Cabardès, Corbières et Limoux avec des parcelles détruites à 100%.

Bordeaux : plus de peur que de mal. On a constaté un voile blanc dans les vignes le vendredi 29 avril dans certains secteurs mais peu de dégâts.

Le Jura, l'Alsace et la Champagne s'en sortent bien avec peu de dégâts, sauf dans les secteurs les plus exposés au froid.

Dans ce genre de situation, les viticulteurs passent leurs nuits à scruter le ciel et le thermomètre. Ceux qui sont équipés passent la nuit à mettre en œuvre les moyens pour réchauffer l'environnement, il suffit d'1° ou 2°C de plus pour empêcher le gel de « brûler » les bourgeons.

Quels peuvent être ces moyens ?

Sachant que ce sont les régions septentrionales où les gelées sont les plus fréquentes qui en sont généralement équipées.

  • Bougies de paraffine ou chaufferettes à fuel : systèmes polluants et nécessitant de la main d’œuvre mais permettent de réchauffer l'air et de limiter la perte de chaleur par la formation de fumée.

  • Aspersion d'eau : arroser la vigne sans interruption à l'aide d'asperseurs disposés tous les 15 ou 20 mètres. Les bourgeons et les feuilles sont ainsi protégés par un cocon de glace. Méthode non polluante mais consommatrice d'eau (50 m3 par heure et par hectare).

  • Brassage de l'air : remplacer l'air froid au contact de la culture par de l'air plus chaud qui se trouve plus haut. Le matériel, bruyant, (hélicoptère ou hélice) et la mise en œuvre coûtent très cher.

  • Méthodes expérimentales : fils électriques chauffants, brûleurs de gaz fixés à l'arrière d'un tracteur (appelés « frost buster ») ou encore des molécules antigel utilisées en pulvérisation.

actu20160429d

Des vignerons solidaires en Provence

Beaucoup n'ont pas les moyens financiers pour s'équiper ainsi et les vignes gelées signifient pour eux perte de récolte et donc soucis de trésorerie. Est-ce-que l'entraide peut jouer dans ces cas là ? Elle existe déjà dans le cas de destruction par la grêle comme la pratique l'association « Rouge Provence ». Association créée en 2014 comprenant une trentaine de membres viticulteurs dans différentes appellations de Provence. Ils s'engagent, entre autre, à donner une partie de leur production au(x) domaine(s) ayant subis des dommages imprévisibles mettant en péril la vie de leur(s) entreprise(s) à condition qu'ils n'aient pas été eux-mêmes touchés.

Il a été ainsi créé un vin « Grêle 2012 », une cuvée de rosé et deux cuvées de rouge vinifiées avec les raisins et les moûts des domaines donateurs.

Même chose pour la cuvée « Plaisir Solidaire » 2014 vinifiée avec une partie de la production des membres de l'association. Le produit de la vente de cette cuvée servira à alimenter un fonds de solidarité destiné à aider un vigneron victime d'un aléa climatique.

Vous pouvez trouver ces cuvées chez les cavistes partenaires. A Paris, elles sont notamment en vente dans la cave « Et si Bacchus était une femme », dans le 5ème arrondissement.