Des airs rares de Verdi et Donizetti par le ténor américain Michael Fabiano

Michael Fabiano, qui semble aussi aviateur C) James Weber

Voici un CD paru il y a déjà quelque temps mais il n'est jamais trop tard: des airs pas si connus de Verdi et Donizetti par le ténor américain Michael Fabiano. Qui sera Cavaradossi, l'amant de Tosca, si le Covid nous le permet, au printemps à l'Opéra-Bastille

Des airs rares du "premier Verdi"

Un CD très intéressant: celui d'airs de Verdi et aussi de Donizetti par le ténor américain Michael Fabiano. Un Fabiano pas encore si connu en France, même s'il chante couramment en Europe (à Vienne et Paris au printemps) Son Cd est d'abord très bien conçu de par son programme: foin des grands héros verdiens, ni Don Carlos ni Otello, ni l'Alfredo de Traviata ni le Manrico du Trouvère. A peine le 'tube" de Rigoletto, La donna e mobile qui est d'ailleurs chanté sans grande conviction, même l'orchestre est routinier!

Mais au contraire des airs rares, en particulier du "premier Verdi", celui qui précède la trilogie géniale Rigoletto-Trouvère-Traviata, et l'on se rend compte, même si l'on ne juge pas des oeuvres peu connues sur un seul extrait, aussi bien choisi soit-il, que Verdi avait déjà avant la quarantaine un sacré talen

Michael Fabiano C) Jiyang Chen

Et trois Donizetti aussi

Même chose pour les trois Donizetti qui s'intercalent. Pas de Una furtiva lacrima, son morceau le plus célèbre pour ténor, mais le Veleno è l'aura ch'io respiro (Empoisonné est l'air que je respire) d'un Poliuto qui ne hante pas les scènes d'opéra (et Fabiano mène cet air qui pourrait appartenir au jeune Verdi avec toute l'énergie requise) Et encore un Alma soave e cara de Maria de Rohan (jolie flûte), tout en retenue blessée, d'un homme qui semble courir à la mort. L'extrait de Lucia di Lamermoor (Tomba degli avi miei / Tombe de mes ancêtres) chanté par Edgardo manquant un peu de caractérisation et même de violence.

Un timbre clair, une belle présence

Revenons à Verdi. Le ténor Fabiano, sans atteindre les sommets d'un Alagna hier ou d'un Kaufmann, fait excellente figure parmi ses pairs: le timbre est clair, l'émission égale, la ligne de chant bien souple et la vaillance  au rendez-vous -il en faut dans ces rôles toujours exigeants qui demandent aussi, chez Verdi, une "masculinité" à laquelle on ne pense pas toujours et qui doit être présente, suintante même (moins peut-être chez un Don Carlos ou un Alfredo), pour rendre le personnage crédible.

On reprochera  à Fabiano des aigus parfois un peu étranglés ou "blanchis" que le travail en studio aurait pu reprendre et aussi ce défaut de beaucoup de ténors, de forcer la voix dans les aigus pour aller vers des "forte" qui l'altèrent plutôt. Quant à la caractérisation, c'est la particularité de ce genre de récital, elle est parfois au rendez-vous parfois non. Très bien par exemple le Forse la soglia attinse de Riccardo dans Un bal masqué où Fabiano sait rendre sensible la prescience de sa mort prochaine avant que Riccardo ne décide d'assumer son destin, redevenant mondain en retournant vers le bal. En revanche un Qual sangue sparsi! de La force du destin trop débraillé avec des aigus pas toujours "à la note".

Michael Fabiano à New-York C) Jiyang Chen

Quelques belles découvertes dans les premiers opéras

Mais ces raretés que sont  Ernani, I due Foscari, Oberto, Le Corsaire et même Luisa Miller (Fabiano mieux dans la cantilène que dans la puissance) et dont les airs choisis distillent de plus, avec art, des sentiments divers (la fermeté d'Ernani, la rêverie triste de Foscari)! il faut remercier le ténor de jeter avec talent un coup de projecteur sur cette partie du génie verdien. Avec la complicité d'un Enrique Mazzola enthousiaste, fougueux, précis, attentif à tirer de l'Orchestre philharmonique de Londres le meilleur sur le plan sonore (et les quelques interventions puissantes des London Voices ne sont pas en reste)

Reproche du coup: il eût été possible de rajouter facilement deux airs supplémentaires. En explorant encore, qui sait, d'autres planètes du corpus méconnu de Verdi. Ou du brillant Donizetti, son prédécesseur.

Airs d'opéra de Verdi et Donizetti. Michael Fabiano, ténor. London Voices, Orchestre philharmonique de Londres, direction Enrique Mazzola. Un Cd Pentatone