Folle journée de Nantes: Mozart perd sa maman, Bach marche 400 kilomètres

Les instruments anciens de la musique baroque C) Marc Roger

Ce samedi, j'ai fait le tour de l'Europe avec Haendel, Mozart, Telemann et Bach. Mais je me plaindrai aux organisateurs du voyage: durant ces quatre concerts autour des oeuvres de ces quatre génies de l'époque baroque, je ne savais souvent pas qui les interprétait.

Coup de coeur aux musiciens baroques

Haendel, roi de Londres

Pour l'ensemble "La Rêveuse" cela va encore...

Ce sont des Français qui s'intéressent à la musique anglaise. Ils avaient l'an dernier exploré Purcell, ils s'attellent aujourd'hui aux premières années de Haendel à Londres. Haendel a une antériorité sur ses camarades. Je m'explique: il était là depuis 1710 environ. En 1714 meurt la reine Anne. Monte sur le trône un lointain cousin allemand, de Hanovre, sous le nom de George Ier (ses descendants se feront appeler Windsor, qui sonnent plus anglais) Des musiciens allemands suivent le nouveau roi, comme le Berlinois Pepusch. Des Italiens aussi (les Italiens sont partout) tel Francesco Geminiani. C'est ce que nous raconte la "cheffe" de "La Rêveuse", la gambiste Florence Bolton, au beau son grave. Il y a aussi un bon flûtiste, Sébastien Marcq (c'est la rustique flûte à bec) et une violoniste de talent, Stéphanie Paulet. Plus théorbe et clavecin.

La conclusion c'est que Haendel, qui était là avant, a vraiment plus de talent que les autres...

Mozart enfant C) Tropmi/ Manuel Cohen

Mozart perd sa maman à Paris

Puis j'ai suivi Mozart à Paris. On est en 1764, il a huit ans. Il écrit une jolie sonate pour violon et clavecin, assez incroyable de science, qu'il dédie à madame Victoire, une des filles de Louis XV. Béatrice Martin au clavecin et Patrick Cohen-Akenine au violon jouent cela très bien. Mais Cohen-Akenine se trompe en parlant de rencontre entre l'enfant Mozart et Marie-Antoinette. Elle n'était pas encore à Paris, elle n'avait elle aussi que huit ans. La rencontre a eu lieu à Vienne...

Le deuxième séjour à Paris est de 1778. Mozart a 22 ans, cette fois Marie-Antoinette est reine de France. L'essentiel est que durant ce séjour Mozart voit sa mère mourir brusquement, le 3 juillet. Cohen-Akenine nous rappelle, et c'est très émouvant, que Mozart écrivit les variations sur la chanson française "Ah! vous dirais-je maman" quelques jours plus tard; et Béatrice Martin les joue avec assurance et sincérité.

Telemann en Pologne, pourquoi la Pologne?

Je me suis perdu avec Telemann en Pologne. Ceux qui le jouent s'appellent "Les esprits animaux", ils sont cinq ou six de toutes nationalités, qui se sont rencontrés aux Pays-Bas. Le programme ne donne pas leur nom, ne nous explique pas ce que faisait Telemann en Pologne, pourquoi il était fasciné par la Pologne, pourquoi les oeuvres qu'on entend s'appellent "à la polonaise" et ce qu'est un style "à la polonaise" On entend donc du Telemann et basta! Dont un concerto pour flûte avec une flûtiste (sans nom) un peu ennuyeuse...

Bach traverse l'Allemagne... à pied

Bach enfin. L'histoire est plus rigolote, car on oublie que Bach lui aussi a été jeune. Le voici à 20 ans à peine, il vit au centre de l'Allemagne. Et il part, à pied, pendant 400 kilomètres, pour aller voir, tout au nord du pays, près de la frontière danoise, le célèbre Buxtehude, lui-même danois d'origine et compositeur fameux qui a fait de la ville de Lübeck un centre prestigieux de musique (protestante)

C'est joli, Lübeck.

Le triangle, c'est pas chez Bach, c'est chez Liszt C) Marc Roger

Un des fils de Bach prétend que les 400 kilomètres se sont surtout faits en voiture. Langue de... vipère! L'ennui, c'est qu'avec le Ricercar Consort de Philippe Pierlot, on entend, certes, une sonate de Buxtehude, mais rien du Bach de cette époque, plutôt des chefs-d'oeuvre d'après. La violoniste est formidable, je ne sais pas qui c'est. Le claveciniste, lui (je ne sais pas non plus qui c'est) joue le "Caprice pour le départ de son frère bien-aimé" d'un Bach de dix-neuf ans. Le frère en question partait en Suède. Sans doute pas à pied, ou alors il marchait sur les eaux.

Le frère de Bach part en Suède

Les commentaires de Bach accompagnant chaque mouvement sont émouvants: "Ce sont les pressions affectueuses de ses amis pour le dissuader de son voyage/ Présentation des différentes mésaventures qui peuvent lui arriver à l'étranger/ Lamento général de ses amis qui voient bien que le sort en est jeté et viennent lui dire adieu" Et ensuite les deux airs du postillon (ils sont donc là!)

On suppose que Bach n'a pas revu son frère. On ne sait pas finalement s'il est arrivé chez Buxtehude à pied ou en voiture. On sait encore moins comment il est reparti.

"La folle journée (baroque)" de Nantes, 2 février