Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Chedly Ayari, a annoncé sa démission le 14 février 2018. Le gouvernement avait demandé sa révocation après le classement du pays sur une liste noire en matière de blanchiment d'argent. Alors que le pays doit emprunter pour combler ses besoins en devise.
Le 7 février, le Parlement de Strasbourg avait voté une première fois une décision classant la Tunisie «sur la liste noire de la Commission des pays exposés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme». Un vote intervenu «malgré une vive opposition», a expliqué le communiqué du PE.
On s’en doute : l’affaire est très mal passée à Tunis, surtout après le placement, pendant quelques semaines, de la Tunisie sur la liste noire des paradis fiscaux établie par l’Union européenne. Le gouvernement a alors demandé la révocation de Chedly Ayari. La révocation doit encore être votée par le Parlement tunisien, comme le prévoit la Constitution. M. Ayari pourrait être remplacé par un économiste de la Banque mondiale, Marouane El Abassi.
On fait ainsi payer à M. Ayari une décision du PE qui peut s’avérer lourde de conséquences pour un pays très endetté et qui connaît une situation économique plus que difficile. La Banque centrale tunisienne se retrouve sous pression avec des réserves en devises particulièrement basses, équivalentes à 11,903 milliards de dinars tunisiens (cinq milliards de dollars) le 12 février. Soit de quoi couvrir 84 jours d'importations, selon ses statistiques. Il s’agit du niveau le plus bas depuis 14 ans. En outre, le pays s'apprête à emprunter sur les marchés internationaux pour boucler son budget et combler ses besoins en devises. Tunis doit émettre le mois prochain un emprunt obligataire d'un milliard de dollars sur le marché américain, a indiqué le porte-parole de la Banque centrale.
Arrestations d'agents de la Banque centrale
Problème aggravant : l’affaire tombe au moment où l’on a appris (le 12 février) que cinq agents de la Banque centrale ont été arrêtés pour… blanchiment d’argent et corruption. Une sixième personne est recherchée.
Dans ce contexte, le gouverneur a été acculé à la démission. Il s’agit d’«ouvrir la voie à une nouvelle génération de gouverneurs», a-t-il déclaré, avec à ses côtés le Premier ministre Youssef Chahed. Petite précision : Chedly Ayari est âgé de 84 ans.
Pour autant, ce dernier a du mal à avaler la pilule. «Ce qui s'est passé est une grande humiliation», a-t-il lancé, faisant allusion aux circonstances entourant la demande de sa révocation ainsi qu'au bruit médiatique entourant l'arrestation pour blanchiment et corruption d'agents de la Banque centrale. «C'est nous qui avons porté plainte» contre ces agents, a-t-il rappelé. Youssef Chahed a dit «condamner les campagnes qui ont visé M. Chedly Ayari alors que c'est une personnalité nationale qui a servi le pays».