Paradis fiscaux : la Tunisie passe de la liste noire de l'UE à la liste grise

Dans un marché près de Tunis, le 15 juin 2018 (REUTERS/Youssef Boudlal)

Le 23 janvier 2018, les 28 ministres des Finances de l'Union européenne ont allégé,de huit pays leur liste noire des paradis fiscaux. Parmi ces pays, la Tunisie. Explications.

«Huit pays (le Panama, la Corée du Sud, les Emirats Arabes Unis, la Tunisie, la Mongolie, Macao, Grenade et Barbade) ont été retirés de la liste noire (...) après s'être engagés à remédier aux inquiétudes de l'UE», a annoncé le Conseil des ministres des Finances de l'Union dans un communiqué. Il ne reste par conséquent plus que neuf pays sur cette liste noire, adoptée le 5 décembre 2017, qui est la première dans l'histoire de l'Union européenne. Cette liste ne concerne que des Etats situés hors de l'UE.

La Tunisie y avait été placée après qu’elle eut «tardé à répondre» aux questions de l’UE sur ses procédures et ses engagements en matière de fiscalité, observait Géopolis le 7 décembre 2017. Elle «a transmis ses (éléments) après la date limite. Les Etats membres n’ont donc pas eu le temps de les examiner et de juger s’ils étaient satisfaisants ou non», explique le commissaire européen aux Affaires économiques et à la Fiscalité, Pierre Moscovici, dans une interview au quotidien tunisois La Presse. Ils «ont refusé de (…) prendre en considération (les données reçues), estimant que le travail d’expertise ne pourrait être fait à temps», observe Le Monde. Le Conseil européen avait alors placé 17 pays dans sa fameuse liste, estimant que ceux-ci «ne font pas le nécessaire pour lutter contre l’évasion fiscale.»

Au nom du fameux principe d’«entorse à la concurrence», l’UE reprochait à la Tunisie d’offrir des avantages fiscaux aux entreprises étrangères exportatrices installées sur son territoire.

La mesure avait soulevé la colère et l’incrédulité dans le pays. Au moment où celui-ci croule sous les déficits et qu’il éprouve les plus grandes difficultés à rembourser ses dettes extérieures, comme le rappelle le blog de Géopolis, «Tunisie, la démocratie en marche». L’affaire risquait ainsi de nuire à son image et d’entraîner le report (voire la suppression) de subventions européennes.

Du noir au gris
La Tunisie a donc finalement transmis les informations demandées en temps et en heure. Conséquence : elle disparaît de la liste noire et est désormais placée sur une «liste grise». «Y figurent des pays et territoires aux pratiques fiscales dommageables, mais qui ont pris des engagements jugés sérieux pour y remédier.» D'ici la fin de l'année, il sera décidé s'ils retournent sur la liste noire ou s'ils quittent la liste grise.

Dans son interview, Pierre Moscovici se «réjouit» de la décision de l’UE «car la Tunisie n’avait clairement pas sa place parmi les paradis fiscaux». C’«est un pays ami de l’Union européenne» et «nous soutenons (sa) transition démocratique et (son) développement économique», insiste-t-il. Et d’ajouter : elle «a pris des engagements qui lui ont permis de passer de la liste noire à la liste grise; la balle est maintenant dans son camp pour répondre avec des actes d’ici la fin de l’année et j’ai toute confiance qu’elle le fera». A bon entendeur…

Conclusion (à la mitraillette lourde!) d’un observateur, Jihed Hannachgi, sur le site businessnews : «Nous avons une administration en sclérose. (…) Nous avons une corruption rampante, un secteur informel florissant au point qu’il engrange plus de 50% de l’économie, un attentisme du capital dû à la non-visibilité et à l’instabilité des règles du jeu (…). Nous avons une inflation galopante, des syndicats à l’horizon très court terme, des politiques égoïstes, une banque centrale à court de solutions, un arsenal juridique complexe et plein de failles et une gestion de la chose publique archaïque.(…) Face à cela, nous avons un gouvernement (…) à court d’imagination et de courage pour entreprendre une vraie refonte sur le plan économique et social. «On nous gouverne avec des effets d’annonce (…). Prenons nos responsabilités et initions nous-même la refonte économique et sociale à laquelle nous aspirons. En fin de compte, ni nos ''amis'' de l’UE ni (le FMI) et les agences de notation ne sont en mesure de définir pour nous ce que nous devons faire.» A bon entendeur…

En prime, le commentaire indirect de la caricaturiste tunisienne Willis from Tunis...

 

Publié par Laurent Ribabeau Dumas / Catégories : Non classé