C'est peu dire que le président de la République n'a pas été à la fête pendant l'été. Emmanuel Macron a été la cible quasi-permanente des personnalités politiques qui ont assuré la "permanence estivale" et d'une partie de la presse qui s'est chargée de faire un bilan très mitigé de ses 100 premiers jours à l'Elysée. Les uns et les autres ont été aidés par des sondages de popularité reflétant une glissade.
De fait, Macron était attendu par toute la troupe au coin du bois : elle ne s'est donc pas privée de critiquer chacune de ses annonces et chacun de ses gestes. Cela a commencé avec les coupes budgétaires pour réduire les déficits, ce qui a entrainé une polémique avec le chef d'état-major des armées (CEMA), puis sa démission, et ça s'est poursuivi avec la décision d'amputer de 5 euros par mois les APL (Aides personnalisées au logement) pour s'échouer - temporairement ? - sur l'obstination macronienne d'un paparazzi et la charte relative au rôle de l'épouse du chef de l'Etat.
Chaque sujet a permis de faire flèche de tout bois... justement ! La droite a critiqué les coupes budgétaires alors que le programme présidentiel de François Fillon en prévoyait pour 100 milliards. La gauche radicale est venue à la rescousse du CEMA, le général de Villiers, se "découvrant" ainsi une vocation militariste. Une certaine presse d'investigation a pris fait et cause pour un paparazzi criant à la maltraitance alors qu'elle n'avait que peu de mots pour un photo-journaliste emprisonné en Turquie. Et une grosse partie de la troupe a réduit la charte de Brigitte Macron à un leurre de com' alors que le rôle de la "première dame" (terme non utilisé dans le texte officiel) est encadré, pour la première fois dans l'histoire de la République.
Du pain blanc après le pain noir, pour Macron ?
Sans tomber dans la "Macronbéatitude" (qui sera fustigée, n'en doutons pas, dans les commentaires ci-dessous), on peut quand même relever que le locataire de l'Elysée a fait le plein de "bashing" (comme on dit sur Twitter)... sur tout et n'importe quoi, cet été. Ce semblant d'analyse low-cost de la politique a pris son envol avec la naissance des réseaux sociaux sous Sarkozy, elle s'est considérablement développée sous Hollande et elle a maintenant atteint sa vitesse de croisière avec l'actuel président. Il en a pour 5 ans !
Peut-il espérer du pain blanc après cet abondant approvisionnement estival en pain noir ? La gauche radicale, les écolos, le Parti socialiste, "les Républicains" canal historique et canal "constructif" ainsi que le Front national l'attendent sur la loi travail et les ordonnances pour lui réserver un automne animé. Soit à l'Assemblée nationale, soit dans la rue, pour "La France insoumise", Mélenchon étant adepte du "dedans-dehors" pour tenir les deux bouts de la chaine de la contestation politique et sociale. Il n'en reste pas moins que ces partis sont le reflet d'oppositions éparpillées, voire égarées pour certaines, qui vont aussi affronter une rentrée compliquée. Elle commence pour eux dès la fin août.
Les Insoumis, en pointe... et à l'aune du Venezuela
Depuis le résultat des élections législatives, Mélenchon a ravi à Marine Le Pen le leadership de l'opposition frontale à Macron. Fort d'un groupe de 17 députés, la France insoumise a préparé le terrain, en juillet et en août, à l'Assemblée et sur les routes avec deux caravanes, pour être sur le pont politico-social en septembre. Sans opposition interne et remis de son désappointement présidentiel, Mélenchon ne voit son chemin encombré que par... Maduro. Lui qui voyait une "source d'inspiration" dans le "Venezuela bolivarien", en saluant l'élection du successeur de Chavez, en avril 2013, est resté bien silencieux sur l'évolution de ce régime vers l'autoritarisme. Pour ne pas dire plus !
Les écolos, sans représentation... et sans argent
Absents de l'élection présidentielle et ratissés aux législatives, les écologistes ont été rayés de la carte de la représentation nationale. Le quinquennat Hollande leur a été fatal. Eparpillés façon puzzle, les uns ont rallié le mouvement macroniste "La République en marche", d'autres se sont rapprochés de "La France insoumise" et les derniers gravitent autour de nulle part comme des électrons libres. Sans leader identifiable par l'opinion, abandonnée par une partie de ses militants, sans programme reconnu par les électeurs, la structure EELV (Europe écologie-Les Verts) admet que sa situation financière est "préoccupante". En fait, on fait les fonds de tiroir.
Le Parti socialiste, à la peine... et sans chef de file
Après avoir dominé le palais Bourbon pendant cinq ans, en étant rongé par les "frondeurs", et avoir perdu toutes les élections intermédiaires, le PS est réduit à la portion congrue. Avec les apparentés, il compte seulement 31 députés, soit 5,4% des effectifs de "la Chambre". Son premier secrétaire, Cambadélis, ayant donné sa démission après la déroute électorale, il est conduit par une direction collégiale provisoire de 16 membres qui doit "définir la feuille de route" du parti. Il doit surtout redéfinir un projet social-démocrate qui tienne la route. En évitant les compromis boiteux qui ont fait les délices d'appareil de tous les derniers congrès.En clair, il doit se donner une ligne.
"Les Républicains", sans Fillon... et avec des opposants
Sonnés par la défaite de Fillon à la présidentielle - elle suit celle de Sarkozy en 2012 -, "Les Républicains" ne savent plus très bien où ils habitent. Chez eux, comme ailleurs, l'émergence du macronisme a fait exploser la logique partidaire et donner naissance à une sous-structure qui est en opposition avec la maison-mère. Les deux entités ont chacune une groupe à l'Assemblée. Ce divorce met en évidence une confrontation - assez traditionnelle - entre deux lignes à droite. La majorité des militants penchant plutôt pour une option dure, celle représentée par Wauquiez qui brigue la présidence du parti, l'émiettement chez "Les Républicains" n'a pas encore achevé son oeuvre. Là aussi l'éparpillement est à la manoeuvre.
Le Font national, avec une présidente... et des fissures
Comme dans les unités militaires, on ne veut voir qu'une tête au Front national : celle de la présidente du parti d'extrême droite. Mais il se trouve que son échec retentissant à la présidentielle et son face-à-face télévisé calamiteux de l'entre-deux-tours ont laissé des traces au FN : ils ont semé quelques doutes au sein d'une formation d'ordinaire très sûre d'elle-même et de la pertinence de son projet politique global. Or, la question de la sortie de l'euro - proposition qui ne trouve pas le soutien attendu dans l'électorat - est au centre des débats internes. Son abandon, ou plutôt son report avancé de façon diplomatique, met en porte-à-faux le n°2 du parti, Philippot, qui y est frontalement opposé. Il est vrai que les Le Pen, père et fille, ont expliqué, pendant des années, que cette sortie était la clé de voute de leur programme économique. De quoi agrandir des fissures qui ont vu le jour au sommet du parti. Gare à l'égarement !