Être leader de l'opposition n'est pas forcément une sinécure ! "Nous l'allons montrer tout à l'heure"... comme dit La Fontaine dans "Le loup et l'agneau". Le dernier baromètre de popularité de l'Ifop en juillet place Jean-Luc Mélenchon en position de force face au pouvoir exécutif. Certes, Emmanuel Macron (66%) et Edouard Philippe (53%) se situent au-dessus du chef de file de La France insoumise (52%) mais celui-ci progresse de 4 points en un mois alors que le président de la République recule de 3 et le premier ministre de 7.
Après avoir gagné 22 points de notoriété pendant la campagne présidentielle, Mélenchon s'était retrouvé au creux de la vague à la suite de son échec au premier tour de scrutin. Persuadé de figurer au second tour de "la mère des batailles électorales", le candidat de la gauche radicale avait accusé le coup face à sa quatrième place synonyme d'élimination. Il s'était remis en selle aux législatives en allant se faire élire à Marseille.
Certes, sa formation politique n'avait pas remporté, là non plus, le succès escompté, mais La France insoumise a quand même fait entrer 17 députés à l'Assemblée nationale, en juin. Ce résultat a non seulement permis à Mélenchon de créer un groupe autonome dont il est le président mais également de se passer des services des communistes, avec lesquels il est en délicatesse, pour le constituer. Mieux encore, il s'affirmait comme le champion de l'opposition frontale au nouveau pouvoir politique.
D'une discrétion de violette face au chaos vénézuélien
En effet, Marine Le Pen qui lui disputait ce titre au terme de son second tour présidentiel face à Macron n'était pas parvenue à constituer un groupe parlementaire. Le Front national n'a que sept députés qui siègent parmi les non-inscrits, ce qui amoindrit considérablement le "buzz politique" que peut fournir la caisse de résonance du palais Bourbon. Et du côté des grands partis institutionnels de la Ve République -"Les Républicains" à droite et le PS à gauche -, l'élimination de François Fillon et de Benoît Hamon a été un énorme coup de bambou. D'autant que l'émergence du "macronisme" a semé la zizanie de part et d'autre.
La voie étant dégagée, tous les éléments objectifs sont désormais réunis pour faire de Mélenchon le porte-voix de l'opposition radicale à Macron. Fort de sa position, le patron des Insoumis prépare le terrain depuis des semaines pour permettre une jonction (naturelle) entre la contestation sur les bancs de l'Hémicycle et la contestation dans la rue, à partir de septembre, sur la réforme du code du travail par ordonnances. Il tient les deux bouts de la chaine au risque de finir par indisposer les syndicats. Mais voilà, Mélenchon veut être la tour de contrôle de l'opposition politique et sociale.
Cette mécanique intérieure bien huilée va-t-elle être enrayée par les événements qui secouent un pays, un régime et un dirigeant qui sont chers à Mélenchon et aux Insoumis : le Venezuela, le chavisme et Nicolás Maduro ? Alors que le pays a été frappé pendant des mois par de violentes manifestations qui ne rassemblent pas que des éléments d'extrême droite et qui ont été durement réprimées - il y a plus de 120 morts, majoritairement chez les manifestants - et qu'il se trouve dans une situation économique, sociale, alimentaire ou sanitaire catastrophique, les mélenchonistes et leur leader sont d'une discrétion de violette face à ce chaos !
Un caillou idéologique dans la chaussure des Insoumis
Et pourtant, ce pays, ce régime et ce chef d'Etat sont une référence, mieux "une source d'inspiration", pour Mélenchon comme il le confiait, le 19 avril 2013, sur Twitter, le jour de la prestation de serment de Maduro. Le successeur de Chavez, qui avait été emporté par la maladie quelques semaines avant, venait d'être élu président de la République bolivarienne du Venezuela avec 50,6% des voix. Le candidat de La France insoumise à la présidentielle de 2017 avait même fait figurer dans son programme l'adhésion de la France à "l'Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique" (Alba) créée en 2004 par Fidel Castro et Hugo Chavez... Ce qui montre une certaine persistance dans l'admiration !
Si Mélenchon est partisan du référendum révocatoire pour les élus - procédure que Maduro refuse qu'on lui applique, via le Conseil national électoral, institution qui lui est entièrement dévouée -, il l'est aussi de l'élection d'une Constituante afin de creuser les fondations d'un nouveau régime : la VIe République. C'est exactement ce que vient de faire Maduro pour contourner le Parlement vénézuélien (il n'y a qu'une seule chambre au Venezuela) où l'opposition est majoritaire depuis les élections de 2015 (109 sièges contre 55 aux chavistes). Cette constituante dispose maintenant de tous les pouvoirs à Caracas pour une durée maximum de deux ans...
L'ONU, la communauté internationale, 12 pays des Amériques dénoncent qui "les violences" du régime qui met à l'ombre ses opposants politiques, qui l'instauration d'une "dictature", qui "une rupture démocratique". La chaviste Maduro n'a guère que le soutien de Cuba, du Nicaragua, de la Bolivie et de l'Equateur. Et peut-être de l'insoumis Mélenchon qui se cantonne dans un silence pesant ? Lui qui ne manque pas une occasion de fustiger, à bon droit, les régimes autoritaires... quand ils ne sont pas de gauche. Le Venezuela est un caillou idéologique dans la chaussure des Insoumis. Peut-il être plus qu'un caillou ? Il est vrai que la politique étrangère n'est pas la principale balise du jugement de politique intérieure des Français. Elle pourrait pourtant éclairer, parfois, leur lanterne.