A chacun ses traditions, à chacun ses rites, à chacun ses innovations. Après le PS, l’an dernier, c’est au tour de l’UMP de descendre dans l’arène médiatique pour faire œuvre de transparence dans la désignation de son leader. Hier, c’était pour choisir le candidat socialiste à la présidentielle, aujourd’hui, c’est pour élire le chef de l’UMP qui, à n’en pas douter, prendra une sérieuse option pour 2017.
La primaire socialiste pour adouber le candidat de la gauche non-communiste à l’élection présidentielle avait donné lieu, fin 2011, à plusieurs débats entre six protagonistes pour s’achever sur un face-à-face entre Martine Aubry et François Hollande. A l’occasion de deux tours de scrutin, largement plus de 2 millions d’électeurs avaient départagé les candidats pour finalement désigner celui qui allait devenir président de la République six mois plus tard.
Le mécanisme mis en place par l’UMP pour désigner son futur président, successeur de Nicolas Sarkozy, a moins laissé place à la diversité et au débat. Deux candidats seulement – François Fillon et Jean-François Copé – ont rempli les conditions de représentativité pour entrer en lice et un seul "duel" doit opposer les deux hommes. L’ancien premier ministre (2007-2012) et l’actuel secrétaire général du parti devaient "s’affronter" jeudi 25 octobre sur France 2, dans l’émission "Des paroles et des actes".
Il faut dire que la culture du débat interne est moins ancrée dans le parti sarkozyste – de l’UNR à l’UMP, en passant par l’UDR et le RPR, la tradition est plutôt bonapartiste – qu’elle ne l’est – parfois jusqu’à la cacophonie ! – au sein du parti socialiste.
C’est donc à une véritable révolution que s’adonne actuellement, en sillonnant la France en tous sens, les deux protagonistes qui briguent le leadership sur le parti. Un révolution qui, malgré tout a ses limites, puisque les deux camps jurent, la main sur le cœur, que cet unique débat n’a pas pour vocation d’être conflictuel. Tout au plus aurait-il pour but de marquer les nuances entre les deux prétendants.
Une technique de premier tour
Mais au fond, ce ne sont pas tant les nuances que les stratégies qui attirent le plus l’attention depuis le lancement de la joute à distance que se livrent Jean-François Copé et François Fillon.
Depuis le départ, le premier a joué le clivage, allant même crescendo dans sa volonté de s’afficher franchement à droite et de flirter avec des thèmes volontairement polémiques jusqu’à les épouser. Cette stratégie n’est pas sans rappeler celle de Nicolas Sarkozy, encouragée par Patrick Buisson, conseiller venu de l’extrême droite, avant le second tour de la présidentielle.
Au contraire, François Fillon s’est attaché, avec constance, à prôner le rassemblement, allant même jusqu’à "recruter" des soutiens dont on aurait pu penser qu’ils penchaient naturellement vers son adversaire à l’intérieur de l’UMP, tels Claude Guéant ou Eric Ciotti.
Mais s’il paraît évident que le couple Sarkozy-Buisson a fait une erreur d’analyse en misant sur le clivage au second tour de la présidentielle alors que c’est une technique de premier tour pour solidifier son camp, il n’est pas interdit d’imaginer que Jean-François Copé, en clivant comme l’ancien chef de l’Etat, fait, lui, le bon choix. Le but de l’opération, en effet, est de taper au cœur d’un électorat militant frustré par la défaite de son champion à la présidentielle.
Dans cette hypothèse, c’est François Fillon qui ferait le mauvais choix en privilégiant une campagne de second tour, celle du rassemblement des sympathisants. En quelque sorte, il ferait la même erreur que Lionel Jospin à l’élection présidentielle de 2002 qui avait misé sur le rassemblement dès le premier tour, en oubliant précisément que ce tour là est fait pour "cliver" sur le noyau dur de son électorat.
Certes les sondages donneraient une avantageuse avance à François Fillon mais ces enquêtes d’opinion sont réalisées, par nature, auprès des sympathisants et non pas sur la cible concernée : les seuls militants. Et ces derniers sont très probablement moins conciliants, au sens de moins ouverts politiquement, que les premiers.
Finalement, le 18 novembre, date de l’élection du président de l’UMP, le score pourrait bien être beaucoup plus serré que ce qui est annoncé partout et ne pas être celui qui apparaît aujourd’hui comme le plus évident au plus grand nombre.
C’est à croire qu’en créant l’UDI, Jean-Louis Borloo a fait le pari de la victoire de Jean-François Copé à l’UMP… Histoire d’élargir son boulevard pour le centre afin de le sortir de l’impasse dans laquelle la Ve République n’a cessé de le confiner.