Rien ne va plus, la France s'enfonce ! Les principaux indicateurs économiques et sociaux sont au rouge. Au deuxième trimestre, la croissance a été nulle. Comme au premier. L'exécutif, qui tablait sur 1% de hausse du PIB (produit intérieur brut) en 2014, a revu sa prévision à la baisse : ça ne sera plus que 0,5%. Conséquence aussi logique que tragique, le chômage va continuer à augmenter irrésistiblement : 3,4 millions de demandeurs d'emploi de catégorie A, actuellement. Dans son édition numérique du 15 août, Le Figaro notait ainsi que le pays aura détruit "plus d'un demi-million d'emplois" depuis... début 2008.
Pour la production industrielle, ce n'est pas mieux : elle a reculé de 0,5% au deuxième trimestre par rapport au premier. De son côté, la production manufacturière est en retrait de 1,2% mais elle a augmenté de 1,6%. en juin. Sur les mêmes périodes trimestrielles, les investissements des entreprises ont chuté de 0,8% après un - 0,7% de janvier à mars. Du côté des ménages, marché immobilier immobile oblige, les investissements suivent le même cours : - 2,4% au deuxième trimestre après - 2,9% au premier.
Il n'y a guère que la hausse de leurs dépenses de consommation pour mettre un peu de baume au coeur : + 0,9% en juin après + 0,7% en mai. Mais comme le soulignait Les Echos, dans un article intitulé "Du sang, des larmes et des réformes" de son édition numérique du 18 août, "la consommation des ménages n'a crû que de 0,4 % en moyenne entre 2008 et 2013, soit six fois moins que durant la période 2004-2007". Quant à la balance du commerce extérieur, malgré une décélération des importations, elle est toujours négative : - 29 milliards d'euros au premier semestre.
Les critiques opposées de la droite et de la gauche
Autant dire qu'avec un tel bilan à la sortie de l'été, les perspectives de rentrée ne s'annoncent pas particulièrement joyeuses pour François Hollande et Manuel Valls. Et pas très enthousiasmantes pour l'opinion. Celle-ci, cependant, décèlera peut-être un rayon d'optimisme dans l'annonce que devait faire le premier ministre, à l'occasion du conseil des ministres de rentrée, le 20 août, sur le nombre de bénéficiaires d'une réduction d'impôt sur le revenu (IR) en 2014. Comme le révèle Le Monde, ce ne sont pas 3,7 millions de ménages modestes qui vont profiter de cet allègement fiscal mais 4,2 millions pour un coût de 1,25 milliard d'euros contre 1,16 milliard prévu dans le collectif budgétaire.
Toutefois, la médaille à un revers. Alors que le gouvernement comptait sur des rentrées fiscales de 75,3 milliards grâce à un dynamisme retrouvé des revenus - croissance obligeait ! -, il ne va pouvoir compter, selon les prévisions, que sur 65 milliards. Ce "trou" de 10 milliards ne s'explique évidemment pas seulement par le coût des allègements mais il reflète indéniablement un appauvrissement d'une frange non négligeable de la population soumise à l'IR, étant entendu que la part des foyers imposés passe de 53% en 2013 (sur 36,4 millions de foyers fiscaux) à 48,5% cette année (sur 37 millions de foyers fiscaux).
Avec cette avalanches de nouvelles - mauvaises pour la plupart -, le droite et la gauche de la gauche se sont engouffrées, comme un seul homme, dans le canardage à vue de l'exécutif. Et tous de dénoncer l'échec du gouvernement, l'inefficacité de sa politique, voire pire, sa capacité à aggraver la situation ou son amateurisme. Les plus remontés, à droite, estiment qu'en deux ans Hollande n'a rien appris. En conséquence, ils reprennent leur antienne sur la "démission" inéluctable du chef de l'Etat. Sur la gauche, les "frondeurs" du PS réclament un changement de politique, en brandissant l'étendard d'une majorité "rouge-rose-verte".
La politique de l'offre n'est pas encore en vigueur
Mais à y regarder de plus près, les critiques des deux camps sont diamétralement opposées. La droite considère que la politique de l'offre, prônée par le président de la République depuis le début de l'année, ce qui tendrait à prouver qu'il a appris quelque chose en deux ans, ne va pas assez loin alors que la gauche du PS et ses alliés potentiels estiment que cette politique de l'offre fait la part trop belle au Medef, sans aucun résultats tangibles. Et de réclamer une réorientation vers la politique de la demande pour relancer la croissance. A vrai dire, toutes ces critiques tombent à côté de la plaque pour deux raisons principales.
La première est que la fameuse politique de l'offre n'est pas encore totalement sur les rails. Son premier volet, le CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) n'a débuté qu'en mai, et le second, le plus important, le pacte de responsabilité, n'a pas encore été mis en oeuvre. Il paraît donc audacieux de critiquer une politique - soit parce qu'elle n'irait pas assez loin, soit parce qu'elle serait inefficiente - alors qu'elle n'est pas pleinement engagée sur le terrain de l'économie réelle.
La seconde raison est que, par nature, la politique de l'offre, qui n'en est donc qu'à ses prémices, met du temps à produire ses effets... s'ils doivent se produire, c'est-à-dire si tous les acteurs jouent le jeu. C'est sans doute pourquoi, le ministre de l'économie, vient d'envoyer un message dans ce sens au patronat. Michel Sapin a souligné que la balle est maintenant dans le camps des entreprises, en estimant que, pour leur part, les pouvoirs publics avaient fait "le job" sur le volet CICE. Dès lors on comprend mieux l'impatience de la droite et de la gauche socialiste.
Le déficit de croissance ne frappe pas seulement la France
A l'évidence, le tempo économique n'est pas le même que le temps politique. Et surtout, il est assez éloigné des impatiences de l'opinion qui, depuis deux ans, ne voit rien venir malgré les déclarations péremptoires du locataire de l'Elysée sur "l'inversion de la courbe du chômage", "le retour de la croissance" ou l'imminence de la reprise économique. Il eut sans doute été préférable pour Hollande, début 2013 déjà, de prédire clairement "du sang et des larmes" sur le mode churchillien... au risque de propager encore plus de pessimisme. Mais ce n'est pas dans son mode de fonctionnement.
Décidé à maintenir "le cap" économique et à tenir bon sur ses choix sociaux-démocrates - c'est pour cela que Valls a été nommé à Matignon après l'échec des municipales en mars -, le président de la République peut noter que le déficit de croissance n'est pas un phénomène spécifiquement français - elle a reculé de 0,2% en Allemagne au deuxième trimestre. Cela n'est pas à proprement parler un réconfort mais cela peut l'inciter à penser qu'Angela Merkel va être obligée de prendre des initiatives profitables à l'Europe - et plus seulement à la seule Allemagne - sur le terrain économique.
La combinaison de cette probable relance allemande avec l'entrée en vigueur de la politique de l'offre française pourrait, au bout du bout, donner raison à la détermination de Hollande. Une telle conjoncture, qui n'est aujourd'hui qu'une simple hypothèse, serait un spectaculaire retournement. Serait-il suffisant, avant 2017, pour convaincre une opinion publique dominée par la défiance ? Un récent sondage du JDD montrait que plus de huit Français sur dix ne font pas confiance au gouvernement pour réduire le chômage et les déficits publics ou pour relancer la croissance. La volonté, c'est maintenant !