Chaque conseiller en communication y va de son conseil. Les moins avisés s'intéressent en premier lieu à la chemise, à la cravate ou au costume que François Hollande doit porter pour s'adresser aux Français. Les plus compétents se penchent surtout sur le fond du discours présidentiel qui doit être délivré.
Rarement intervention télévisée du chef de l'Etat n'aura suscité autant de conseils et de commentaires préventifs. Rarement aussi, sinon jamais, un président de la République ne se sera adressé à des millions de concitoyens lesté d'une telle impopularité.
"Mission impossible", "affirmation claire d'un cap", "reconnaissance des erreurs" : Hollande a le choix pour son interview par David Pujadas, jeudi 28 mars, au terme du JT de 20 heures de France 2. Le président aura 45 minutes, en face à face, pour convaincre que le pays a un capitaine, que le capitaine sait où il va, qu'il prend la bonne route et qu'il sait se faire obéir. Beaucoup de choses à faire en même temps.
"Mon adversaire, c'est la finance"
Certains bons conseilleurs ne cessent de lui suggérer de promettre "du sang et des larmes" aux Français, dans un élan churchillien. Ils font référence au Premier ministre britannique, Winston Churchill, qui, le 13 mai 1940, devant la Chambre des Communes, avait déclaré : "Je n'ai rien d'autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur." La politique qu'il proposait était la guerre totale, avec pour but : "la victoire".
Il faut se garder des comparaisons hâtives entre la guerre mondiale contre le nazisme et la longue crise économique et financière qui frappe durement certains pays d'Europe, même quand on a déclaré, comme Hollande pendant sa campagne présidentielle : "Mon adversaire, c'est la finance."
Promettre "du sang et des larmes", ce serait aussi confirmer aux Français ce qu'ils savent déjà. Pour le vivre, ils voient bien, pour une part non négligeable d'entre eux, que leur pouvoir d'achat stagne, quand il ne régresse pas. Pour en souffrir, ils voient également, pour une part grandissante d'entre eux, que le chômage s'aggrave. Plus de 240 000 demandeurs d'emploi supplémentaires entre juin 2012 et février 2013.
N'offrir que "du sang et des larmes", c'est risquer de rabâcher un discours pessimiste - dont l'opinion n'a sûrement pas besoin maintenant - sans ouvrir de perspectives positives si ce discours ne s'accompagne pas de la fixation tant attendue d'un cap clair. En un mot, du choix conscient et affirmé de LA politique que le président compte mettre en œuvre. Sans barguigner !
Choisir entre deux politiques...
Car c'est là que se situe le problème majeur à résoudre pour Hollande. Moins que la cosmétique du décor ou les détails de la communication, c'est le choix politique qui est en jeu dans cette intervention télévisée. L'opinion, en effet, a le sentiment - justifié - que, tiraillé entre deux politiques, le chef de l'Etat n'arrive pas à se décider.
De cette impression découle, en cascade, tous les qualificatifs peu amènes qui fleurissent autour de cette première année finissante du quinquennat. Et pour une majorité de Français, Hollande n'est plus "the right man in the right place", selon un sondage CSA. Du coup, il n'est pas "compétent", il n'a pas "d'esprit de décision". En résumé : il est faible.
Alors qu'il avait réussi à se défaire de cette image - que la droite et une partie de la gauche, même dans son propre camp, lui avait collée pendant la campagne - en décidant l'intervention militaire au Mali pour éradiquer le terrorisme, il n'est pas parvenu à l'imposer sa nouvelle stature sur les thèmes de la politique intérieure et européenne.
... en faisant prévaloir la raison
D'aucuns pourraient dire qu'il s'agissait d'un engagement militaire extérieur susceptible de rassembler la droite et la gauche, comme l'ont montré les sondages, et pas d'un choix cornélien entre un cap politique façon Valls et une option façon Montebourg. Si l'expression n'était pas galvaudée, on pourrait dire que Hollande est "à la croisée des chemins".
Entre l'oscillation et l'affirmation, Hollande doit maintenant se caler sur un choix, en étant certain qu'il mécontentera l'un des deux camps. Soit il s'affirme définitivement comme un social-démocrate delorien - ce qu'il a toujours été intrinsèquement ! - et il fâche l'aile gauche du Parti socialiste, sans se soucier du Parti de gauche de Mélenchon et du PCF de Laurent qui le sont déjà. Soit il opte pour une voie de gauche montebourgeoise matinée chevènementiste - en se forçant ! - et il se coupe de la majorité actuelle du PS, sans se soucier... de la suite.
Car dans cette seconde hypothèse, la suite est un peu à inventer, même si la politique initiée par Mitterrand dans sa version 1981-1983, toutes choses égales par ailleurs, peut en donner un petit aperçu. Pas des plus réjouissants. On rétorquera sans doute que "comparaison n'est pas raison"... Mais dans le cas d'espèce, même si elle est extrêmement difficile à "vendre", il serait préférable que la raison prévale. Pour préserver l'espoir.