Municipales : la Bretagne passera-t-elle des "bonnets rouges" à la vague bleue ?

Des manifestants anti-écotaxe jettent des œufs sur les CRS, le 26 octobre 2013, à Pont-de-Buis (Finistère). (FRED TANNEAU / AFP)

Pendant longtemps terre d'élection de la démocratie-chrétienne, la Bretagne s'est petit à petit tournée, au cours des années 1970, vers la social-démocratie. Sur les vingt villes les plus importantes du nez maritime de la France, treize ont un maire socialiste et les sept autres un maire de droite ou du centre.

La combinaison de ces deux traditions politiques conjuguée avec un enracinement catholique encore vivace ont constitué, au moins jusqu'en 2012, un rempart contre les assauts électoraux du Front national. A la dernière présidentielle, le plus mauvais score enregistré dans une région métropolitaine par Marine Le Pen, après l'Ile-de-France (12,28%), l'a été en Bretagne avec 13,24% des voix.

Théâtre de manifestations imposantes autour du rejet de l'éco-taxe à la fin de l'an dernier, la Bretagne a mis à l'honneur les "bonnets rouges", conglomérat de groupes politiques et sociaux aux intérêts divergents mais unis pour la circonstance contre le pouvoir central. Cette séquence de crispation fiscale a donné lieu à un raccourci historique dénoncé, en son temps, par des historiens bretons dans "Ouest France". Cette mobilisation éphémère a-t-elle laissé des traces ? Aura-t-elle des conséquences aux municipales ?

Dans son édition du 26 février, le quotidien breton fait un tour d'horizon des vingt plus grandes villes de la région pour soupeser les chances des maires sortants (ou de leur successeur potentiel) de se maintenir en place et de leurs adversaires de les en déloger. Pour chacune des villes examinées, classées par importance démographique, le titre choisi par "Ouest France" est repris intégralement - le journal régional est certainement le meilleur connaisseur du terrain -, auquel s'ajoute une brève analyse de la situation pour les six villes de plus de 100.000 habitants.

La Bretagne offre la particularité d'abriter plusieurs villes dont le maire (PS) a abandonné sa charge en devenant ministre en 2012, ce qui est le cas du premier d'entre eux, Jean-Marc Ayrault. Cette spécificité permettra, au soir du premier tour, de mesurer en même temps l'audience électorale locale des socialistes et de leurs alliés ainsi que la trace laissée par ces personnalités dans la municipalité qu'ils ont dirigée. Parfois pendant de nombreuses années. Ce scrutin marque aussi une rupture de génération car quelques barons socialistes bretons passent la main.

Nantes : "la page Ayrault va se tourner"

Sixième ville de France avec plus de 200.000 habitants, Nantes a eu Ayrault comme maire de 1989 à 2012. La ville s'est beaucoup transformée pendant ces 23 années. Cette longévité et cette modernisation sont un handicap et un atout pour celle qui aspire à lui succéder, la socialiste Johanna Rolland, le maire sortant (PS), Patrick Rimbert (2012-2014) ne souhaitant pas se représenter. Selon le blog ElectionScope de Francetv info, celle-ci a de bonnes chances de l'emporter avec un potentiel électoral de 52%.

A gauche, la liste écologiste (EELV) et celle du Parti de gauche (PG), toute deux opposées à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, auront là une occasion de tester leur position après les récents débordements dévastateurs provoquées par l'ultra-gauche au centre de Nantes. Côté opposition, l'UMP et le MoDem qui se font concurrence tenteront d'empêcher une élection dès le premier tour... comme c'est le cas depuis 30 ans.

Rennes : "le Parti socialiste va devoir se battre"

Autre ville de plus de 200.000 habitants, Rennes (11e ville de France) est à gauche et socialiste depuis 1977. Là aussi, le maire sortant, Daniel Delaveau ne repart pas; le PS est représenté par la députée trentenaire Nathalie Appéré. Là aussi, EELV, associée ici au Front de gauche sans le PCF, présente sa propre liste en espérant figurer au second tour...

A droite, l'UMP a fait alliance avec l'UDI mais elle est en lice avec deux autres listes écolo-centristes. L'extrême gauche se bouscule au portillon avec trois listes (LO, NPA et POI). Au total, il pourrait y avoir dix listes avec celle du Front national dont la dernière apparition remonte à 1995.

Angers : "le duel s'annonce plus serré que prévu"

Président de conseil général à 29 ans et pas encore quarantenaire en mars 2014, Christophe Béchu avait loupé la mairie d'Angers (148.000 habitants, 18e ville de France) à 667 voix en 2008, rappelle "Ouest-France". Cette fois-ci, à la tête d'une liste UMP-MoDem, il était donné favori face à celle du maire (PS) sortant, Frédéric Béaste, allié au PCF et à EELV, jusqu'à la publication d'un sondage TNS-Sofres qui annonce, en cas de duel, un 50/50, comme dans les jeux télévisés.

D'après cette enquête, seul le maintien au second tour d'une liste divers gauche permettrait à Bréchu de faire nettement la différence. Restent qu'un mécontentement des commerçants à propos de son tracé du tram et les rancoeurs recuites de l'UDI locale peuvent le défavoriser à la marge.

Le Mans : "le maire PS part favori"

Elu en 2001, le socialiste Jean-Claude Boulard (70 ans) tente la passe de trois au Mans, ville qui est administrée par la gauche depuis 37 ans. Il est donné favori. D'autant que la droite a changé de cheval à moins de deux mois de la consultation : Alain Pigeau s'est fait débarquer de la tête de liste par l'UMP, début février. La raison officielle est le non-respect d'un accord national avec l'UDI. Résultat, Christelle Morançais (UMP) lui a succédé mais Pigeau se présentera quand même à la tête d'une liste divers droite.

Brest : "François Cuillandre pour la passe de trois"

Passe de trois tentée aussi par François Cuillandre à Brest (140.000 habitants, 25e ville de France) où le maire sortant conduit une liste d'union avec le PCF et les écolos. Face à lui, la droite n'a pas su départager Laurent Prunier, chef de file en 2008, et Bernadette Malgorn, ancienne préfete qui fut directrice du cabinet de Philippe Séguin à l'Assemblée nationale. Ni l'un ni l'autre n'a l'investiture de l'UMP. Sur sa gauche, le PG sera aussi en course et à l'extrême droite, il y aura une liste du FN.

Caen : "Duron gardera-t-il la ville à la gauche ?"

Avec ses 108.000 habitants, Caen (36e ville de France) n'a pas vraiment une tradition de gauche. Elu en 2008 à la tête d'une liste qui rassemblait la gauche et les écologistes, Philippe Duron (PS) était le deuxième maire de gauche de la cité depuis... 1919. Cette fois, EELV fait liste à part au premier tour, ce qui fragilise la position de Duron. Sa chance est d'avoir une droite (UMP) et un centre (UDI-MoDem) qui partent séparés... mais moins qu'en 2008 !

Les quatorze autres villes examinées par "Ouest France" dans sa zone de diffusion ont moins de 100.000 habitants.

Première d'entre elles, Saint-Nazaire (67.000 habitants) cherche un successeur à Joël Batteux, maire (PS) depuis 1983 qui se retire. Un de ses adjoints, David Samzun se lance à la tête d'une liste PS-PCF-PRG-EELV. Face à lui, Ludovic Le Merrer conduira une liste UMP-UDI-MoDem-Parti breton.

Quimper (63.000 habitants) verra quatre listes de gauche s'affronter : celle du maire sortant, Bernard Poignant (PS), conseiller spécial de François Hollande, qui brigue un quatrième mandat, une écologiste, une du Front de gauche et une de l'Union démocratique bretonne (UDB). La droite (UMP) et le centre (MoDem) partent séparés. La personnalité du maire et sa position seront-elles un atout ou un handicap ?

A Lorient (57.000 habitants), Norbert Métairie (PS) a succédé à Jean-Yves Le Drian, actuel ministre de la défense, à la tête de la municipalité en 1998. Il s'engage à nouveau dans la course pour la dernière fois. Il aura dans les jambes une liste EELV-Front de gauche et face à lui un liste UMP-UDI-MoDem et une autre FN.

A Cholet (54.000 habitants), le sulfureux maire (CNIP), Gilles Bourdouleix, condamné pour ses propos sur Hitler (il a fait appel), pense sereinement être réélu pour un quatrième mandat. A Vannes (52.000 habitants), la gauche est éclatée face au maire (UMP) sortant, David Robo. A La Roche-sur-Yon (52.000 habitants), la droite veut définitivement tourner "la page Jacques Auxiette", maire (PS) de 1977 à 2004, en renvoyant son successeur, Pierre Regnault, à ses études.

Pierre Méhaignerie en route pour un... septième mandat

A Laval (50.000 habitants), assure "Ouest France", "la droite lorgne la ville du ministre" de l'agro-alimentaire, Guillaume Garot. A Saint-Brieuc (46.000 habitants), le maire sortant (MoDem), brigue un troisième mandat mais il est sous la menace d'une liste d'union PS-PCF- EELV-UDB. A Saint-Malo (45.000 habitants), c'est un cinquième mandat que veut décrocher René Couanau (divers droite) et là aussi une liste de gauche PS-PRG-EELV-UDB l'attend au coin du bois.

A Cherbourg (37.000 habitants), le successeur de Bernard Cazeneuve, ministre du budget, conduit une liste PS-PCF-EELV-PRG-MRC qui s'oppose à une liste UMP-MoDem et à une divers droite-UDI. A Alençon (26.000 habitants), le choix se fera entre trois listes : celle du maire sortant (PS), celle du Front de gauche et celle de la droite conduite par l'UDI. A Saint-Lô (18.000 habitants), trois listes de droite et deux listes de gauche lorgnent le fauteuil que laisse François Digard, maire (UMP) depuis 1995.

A Vitré (17.000 habitants), l'ancien ministre Pierre Méhaignerie (UDI) concoure pour un... septième mandat. Il faut dire qu'il est toujours passé au premier tour ! Il aura face à lui une seule liste conduite par le responsable local du PS. Enfin, à Morlaix (15.000 habitants), Agnès Le Brun (UMP), qui a pris la mairie à la gauche en 2008, entend bien la conserver en mars face au PS.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu