Les dés sont-ils déjà jetés ? A trois mois, quasiment jour pour jour, du premier tour des élections municipales, des tendances lourdes commencent à se dessiner à Paris. Il reste moins de 100 jours aux cinq principales forces politiques en présence pour confirmer leur suprématie, corriger leur trajectoire... ou nouer irrémédiablement avec la défaite.
Le dernier sondage Ifop pour Paris-Match, Public Sénat et Sud Radio donne, à cet égard, quelques renseignements intéressants qui pourront être mis à profit par les principales têtes de liste - Anne Hidalgo (PS-PCF-PRG), Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP-UDO-Modem), Wallerand de Saint-Just (FN), Christophe Najdovski (EELV) et Danielle Simonnet (PG).
En l'état, cette enquête - elle n'a aucun caractère prédictif rappelle l'institut - montre un recul de la gauche prise dans l'ensemble par rapport à la consultation de 2008, un effritement de la droite et du centre qui sont réunis cette fois contrairement au précédent scrutin, une stagnation des écologistes, une nette percée du Front national et une difficile émergence du Parti de gauche.
A environ un mois du premier tour en 2008, un sondage TNS-Sofres réalisé pour Le Figaro donnait les listes Delanoë, maire sortant PS élu en 2001, à un niveau très haut (45%), distançant de 15 points celles de sa concurrente de l'UMP, François de Panafieu. Aucune autre force politique ne franchissait le seuil de 10%, seuls le Modem et les écolos étaient en position de fusionner avec la droite et la gauche, en obtenant plus de 5% des voix.
1 Hidalgo et NKM dans un mouchoir
Alors que la candidate socialiste a su déminer le terrain et ne se voit opposer aucune dissidence, la candidate de la droite parcourt un chemin de croix depuis son entrée en campagne. Les dernières déclarations de Borloo sur le non-respect de l'accord UMP-UDI confortent cette impression. De plus, elle est confrontée à une série de candidatures dissidentes. Si celle du 3e arrondissement a disparu, une nouvelle vient de se faire jour dans le 8e avec Charles Beigbeder.
"Le problème" de ce chef d'entreprise proche de Copé, "c'est qu'il m'aime trop ou pas assez", affirme NKM dans un entretien au JDD du 21 décembre. "Il a fait devant moi, et pendant des semaines, une danse du ventre endiablée pour être sur mes listes, confie-t-elle. Quand cela s'est avéré impossible, il m'a agonie d'injures. On ne peut pas me reprocher d'être autoritaire et de ne pas imposer quelqu'un dont personne ne veut."
Même si elle se trouve dans une situation plus confortable que sa rivale, Hidalgo court le même risque qu'elle : celui d'être battue dans l'arrondissement où elle se présente. En effet, la première adjointe de Delanoë est en danger dans le 15e face au maire sortant UMP, Philippe Goujon, lui-même confronté à la dissidence de Géraldine Poirault-Gauvin. Hidalgo avait déjà été devancée au second tour en 2008.
Même cas de figure pour NKM dans le 14e arrondissement. La candidate UMP en 2008, Marie-Claire Carrère-Gée, aujourd'hui dissidente face à NKM, avait été largement battue par le socialiste Pierre Castagnou (décédé en 2009) dans une triangulaire de second tour où figurait Marielle de Sarnez (Modem)... qui est, cette fois, l'alliée de NKM. Le maire sortant du 14e est Pascal Cherki (PS).
2 L'extrême droite en embuscade
Avec des intentions de vote qui les placent juste en dessous de la barre fatidique des 10% - celle qu'il faut atteindre pour pouvoir se maintenir au second tour -, les listes de Wallerand de Saint-Just constituent une des principales inconnues du scrutin. En 2008, le Front national était confiné dans une quasi-marginalité à Paris. Six ans plus tard, sera-t-il en position de sérieusement troubler le jeu ?
Si les chances du FN de se hisser à 10% dans les arrondissements du centre de la capitale semble minimes - il était systématiquement en dessous de 3% au "centre ville" en 2008 -, elles apparaissent beaucoup plus grandes dans les arrondissements périphériques : les 13e, 14e, 16e, 17e, 18e, 19e et 20e.
La probabilité de voir les listes d'extrême droite fusionner avec la droite dans les arrondissements où elles seraient au-dessus de 5% des suffrages exprimés sans atteindre 10% est nulle. Que fera alors l'électorat du FN ? Le dernier sondage Ifop évoqué plus haut montre que la moitié de ses électeurs se reporterait à droite, 40% se réfugieraient dans l'abstention et le reste, c'est-à-dire pas grand chose irait à gauche.
A l'inverse, dans les arrondissements où le Front national se maintiendrait, provoquant ainsi des triangulaires, il gênerait en priorité la droite dans sa course pour la conquête des 13e, 14e, 18e, 19e et 20e, course déjà très compromise pour ces trois derniers arrondissements.
3 Ecologistes et PG entre fusion et élimination
Pour les écologistes (EELV) et les partisans de Mélenchon (Parti de gauche), l'horizon électoral n'est pas resplendissant. Il faut dire que ces deux formations sont plutôt en crise qu'en forme. Les écolos parisiens sont crédités de 6,5% d'intentions de vote, un score qui ressemble à celui de 2008, et le PG - qui n'a pas réussi à entrainer le PCF dans l'autonomie - gravite autour de 5%.
Si les premiers visent la fusion avec les listes Hidalgo au second tour dans les arrondissements où cela sera possible, la question se pose-t-elle vraiment pour les seconds ? Même si la gauche a pour habitude de rapprocher ses forces au second round des élections, il y aurait, en l'espèce, un problème de cohérence tant pour les socialistes que pour le leader du Parti de gauche.
Le cas de figure se présentera peut-être dans quelques arrondissements périphériques dans lesquels l'extrême gauche trotskiste était présente en 2008, sans que l'on sache encore si ce sera de nouveau le cas en 2014. En tout état de cause, le sondage Ifop met en évidence un report de 8 électeurs sur 10 du PG sur le PS au second tour !
Reste que les résultats de la consultation dépendront, pour beaucoup, de la mobilisation de l'électorat. Tant à gauche qu'à droite. Les derniers scrutins partiels ont montré qu'un haut niveau d'abstention profite en priorité au Front national et pénalise le PS dont l'électorat a, depuis l'élection présidentielle, largement déserté les urnes. Les municipales marqueront-elles un sursaut ?