A la veille de la présentation de la motion de censure déposée par l'UMP contre la politique économique du gouvernement à l'Assemblée nationale, Jean-Louis Borloo, patron du groupe UDI (Union des démocrates et indépendants, centristes), se rappelle au bon souvenir de Jean-Marc Ayrault, de Jean-François Copé... et de l'opinion.
Dans un entretien au Figaro de mardi 19 mars, l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy laisse planer un doute sur l'attitude de son groupe de 30 députés au moment du vote de la motion de censure. Va-t-il se joindre aux 195 élus UMP et apparentés - plus une bonne part des 7 députés non-inscrits - ou va-t-il s'abstenir ? Pour une motion de censure ne sont comptabilisés que ceux qui votent "pour".
En réalité, la position finale des centristes ne fait guère de doute : ils voteront cette motion. Mais Borloo n'oublie pas qu'il est président du Parti radical, donc inlassable partisan des compromis. Aussi n'est-il probablement pas totalement indifférent au cap social-démocrate de François Hollande. Les opposants de gauche du président de la République disent "social-réformiste".
Des "engagements immédiats et précis"
C'est pourquoi Borloo se comporte comme s'il voulait encore donner une chance à Jean-Marc Ayrault. Il demande au premier ministre de "prendre un engagement sur l'honneur : ne plus augmenter les prélèvements obligatoires jusqu'en 2017". Dans une lettre au chef du gouvernement, il exige des "engagements immédiats et précis".
Parmi ceux-ci, il demande le rétablissement sans délai de la défiscalisation des heures supplémentaires pour les salariés mise en place sous Sarkozy et supprimée par Ayrault.
Il réclame aussi "le retour immédiat à la TVA à 5% sur les travaux dans le bâtiment, les économies d'énergie et la construction de logements sociaux, ainsi que le desserrement des prêts à taux zéro pour les primo-accédants".
Enfin, Borloo se prononce pour le rétablissement du forfait sur les cotisations sociales pour les emplois à domicile et il attend des mesures pour permettre la création de 100.000 emplois dans le secteur des services à la personne. Il souhaite que Ayrault agisse en conséquence.
Il est probable, sinon certain, qu'il n'obtiendra pas satisfaction sur toute la ligne tant ce paquet d'exigences est irrecevable pour la gauche. Cependant, une fenêtre pourrait peut-être s'ouvrir sur la TVA dans le bâtiment. Si c'est le cas, cela ne sera sûrement pas suffisant pour l'UDI. Il n'en demeurera pas moins que l'appel du pied à Ayrault restera.
Être entendu par l'UMP... et par l'opinion
La démarche de Borloo a aussi une autre dimension. Elle a pour but de rappeler à Copé, initiateur de cette motion de censure, que l'UDI n'est pas simplement une force supplétive pour l'UMP. Il cherche donc à se démarquer du patron du premier parti de droite.
Ce second objectif a du reste une portée politique plus remarquable que le précédent car il signe la volonté du président du Parti radical de montrer que l'opposition est bicéphale. Une manière pour Borloo de signifier à Copé qu'il n'est pas disposé, comme cela a été le cas de 2007 à 2012, à se laisser phagocyter par l'UMP... et par celui qui représentera l'UMP à la présidentielle de 2017.
Ce balisage du terrain nécessitait cette pichenette politique qui a également une troisième dimension : ne pas tomber dans l'oubli et rappeler son existence à l'opinion publique.
Coincés à l'Assemblée entre un imposant groupe socialiste et un groupe UMP qui domine l'opposition, Borloo et les centristes ont du mal à se faire entendre... et à prouver leur utilité. En s'adressant directement à Ayrault, ils espèrent avoir une caisse de résonance médiatique.
Pour ce qui est de l'utilité, Borloo espère prouver qu'il n'est pas seulement dans la critique même si c'est pour conclure que sa bonne volonté est sans effet. Rien ne dit que ça sera suffisant pour "exister".