Neuf mois après la défaite présidentielle de leur champion, les vedettes de l'UMP se rappellent à son bon souvenir. Face aux fans de Nicolas Sarkozy qui s'évertuent à figer la droite, par une stratégie d'empêchement, dans l'attente d'un hypothétique retour de l'ancien président de la République, plusieurs têtes d'affiche du premier parti d'opposition pointent le nez.
Les uns et les autres ne veulent pas se laisser enfermer dans la nasse sarkozyste. Tous les futurs prétendants à l'investiture élyséenne pour 2017 sont contraints de se manifester, dès maintenant, pour jouir d'une certaine visibilité dans l'opinion. Ils le font plus ou moins clairement. Avec plus ou d'habileté.
A l'heure actuelle, ils sont au moins six à envoyer des signaux pouvant laisser croire aux observateurs qu'ils veulent briguer la magistrature suprême sous leurs propres couleurs. Chronologiquement, Xavier Bertrand a pris une longueur d'avance mais dans le tempo de l'actualité les yeux se tournent vers François Fillon.
Fillon, champion du contorsionnisme
Candidat, pas candidat ? Le problème de Fillon quand il parle de lui, c'est qu'il est rarement clair dès le premier jet. Ses déclarations sont souvent contournées et elles nécessitent un enchainement de suppositions qui peuvent conduire à imaginer, etc., etc. Il en a donné un nouvel exemple sur le plateau du 20heures de TF1, dimanche 24 février.
Invité à dire s'il serait candidat à la primaire UMP pour la présidentielle de 2017, l'ancien premier ministre a refusé de répondre franchement à la question, tout en expliquant qu'il allait se "préparer à cette échéance".
On peut donc supposer que s'il entend porter un "projet pour la France" et que si ce projet s'articule autour de trois axes de "rénovation" - du pacte social, du pacte européen et du pacte démocratique -, c'est probablement qu'il voudra défendre ce projet de renovation le moment venu. Un bel exercice de contorsionnisme pour tourner en rond ! Sera-t-il plus net, le 26, à la Mutualité à Paris ?
Copé, prendre l'UMP avant l'Elysée
Pour Copé, la problématique est différente. Désigné président de l'UMP après une élection contestée qui lui vaut de passer par un nouveau scrutin interne avant la fin de l'année, l'ancien secrétaire général s'est engagé dans la conquête du parti qui, selon lui, est nécessaire avant de dévoiler une ambition présidentielle qui n'a échappé à personne. Il lui faut donc, d'abord, confirmer son autorité sur l'UMP.
Cette étape, Fillon ne semble plus la privilégier. A-t-il tiré les conséquence de la primaire socialiste ? Martine Aubry, qui était une première secrétaire en congé, avait été battue par François Hollande. Et par voie de conséquence, laissera-t-il le chemin libre à Copé plus personne ne souhaitant lui contester la présidence de l'UMP pour ne pas donner trop d'importance à cette élection ?
D'autant que Copé a d'ores et déjà dit qu'il s'effacerait devant Sarkozy dans la course à l'Elysée si celui-ci venait à se déclarer. La succession de ces hypothèses funestes ne trace pas un chemin parsemé de pétales de roses sous les pieds du président d'un parti affaibli et quelque peu tétanisé.
Bertrand, toujours en embuscade
Candidat déclaré pour 2017 depuis septembre 2012, Bertrand l'a joué fine. L'ancien ministre du travail s'est désisté au dernier moment de la joute pour la présidence de l'UMP, alors qu'il disait avoir les parrainages suffisants pour se présenter, afin de se consacrer uniquement à la primaire élyséenne de 2016.
Aussi tacticien que retord, l'ancien ministre du travail veut d'ores et déjà mettre Fillon et Copé dans l'embarras. Du premier, il dit qu'il louvoie dans sa stratégie et qu'il ne joue pas cartes sur table - comprenez, ça n'en fait pas un homme d'Etat -, et du second, il laisse entendre qu'il ne permet pas à l'UMP de se faire entendre de façon compréhensible - comprenez, qu'est que ça serait à la tête de la France.
Contrairement à eux deux qui ont chacun des troupes prêtes au combat, Bertrand est assez isolé tant parmi les parlementaires que dans l'appareil du parti. Il rêve probablement de faire de cet isolement une arme dans la tradition gaullienne, celle de l'homme au-dessus des partis. Mais n'est pas l'homme de "la France libre" qui veut !
Juppé, jouer la carte du recours
Pour ceux qui constituent la frange chiraquienne de l'UMP - en opposition au courant séguiniste dont Fillon pourrait être le porte-drapeau -, Juppé reste "le meilleur d'entre nous" [célèbre hommage de Chirac]... qui n'a pas eu le destin qu'il méritait. Ancien premier ministre et plusieurs fois ministre, son parcours a été entravé ou s'est brisé à plusieurs reprises.
Une première fois, c'est avec la dissolution villepino-chiraquienne ratée de 1997 qui le chasse de Matignon, une deuxième fois avec sa condamnation dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, en 2004, où il paie pour le "système RPR", et une troisième fois avec son échec aux législatives de 2007 qui lui fait perdre son portefeuille de ministre d'Etat de Sarkozy. Il reviendra au gouvernement à la fin du quinquennat.
Un des principaux handicaps de Juppé est qu'il a 10 ans de plus que Fillon et 20 ans que Copé ou Bertrand. Il aura franchi le cap des 70 ans à la prochaine présidentielle. Et face à lui, Nathalie Kosciusko-Morizet - NKM - en a près de 30 de moins.
NKM, mairie de Paris comme tremplin
Même si elle fut benjamine de l'Assemblée nationale en 2002 - elle avait 29 ans -, la prochaine présidentielle arrive un peu tôt pour NKM. Qu'importe, elle s'y prépare quand même. C'est en tout cas ce que pensent ses détracteurs, à gauche et à droite, qui raillent son abandon de la mairie de Longjumeau (Essonne) pour se lancer à la conquête de celle de Paris face à Anne Hidalgo (PS), en 2014.
Déjà, les partisans de Copé - le patron des députés UMP, Christian Jacob en tête - tentent de limiter le rebond que pourrait lui procurer ce tremplin parisien, en banalisant son entrée en campagne. Et le meilleur moyen d'y parvenir serait de ne provoquer aucun engouement autour d'elle, en effaçant la primaire pourtant prévue par l'UMP de Paris pour désigner son ou sa candidat-e.
Borloo, éviter un refus d'obstacle
En 2012, Sarkozy était parvenu à être l'unique représentant du conglomérat UMP qui rassemble les deux branches traditionnelles de la droite française. Il n'en sera pas de même en 2017 tant les libéraux de feu l'UDF ont souffert de ne pas avoir été représentés et d'avoir eu à assumer la radicalisation sarkozyste inspirée par un ancien d'extrême droite, Patrick Buisson.
C'est pourquoi Borloo, patron du Parti radical et ministre sans interruption de 2002 à 2010, s'est affranchi de l'UMP. Il avait fait un refus d'obstacle pendant la dernière campagne présidentielle en renonçant à se présenter au grand dam de ses supporteurs. Cette fois, c'est la course à la mairie de Paris qu'il évite malgré les sollicitations de ses amis. Est-ce pour mieux préparer l'échéance de 2017 ?
Une chose paraît sûre : que Sarkozy entre ou non dans la danse, la probabilité d'une candidature unique qui rassemblerait toute la droite dans 4 ans devient de plus en plus faible. Ni la gauche ni le Front national ne verseraient des larmes de crocodile sur la disparition d'une telle hypothèse politique.